Bon sang, qu'est-ce que c'est beau ! Voici un article à chaud relatant mes émotions récentes. Ce soir, Les Parapluies de Cherbourg entre dans mon top 50 suite à mon second visionnage de ce chef d'œuvre de 1964 dans une salle de cinéma. Vous ne trouverez pas d'analyse des Parapluies de Cherbourg dans cet article, plutôt des impressions et des émotions.
Il y a une dizaine d'années, si on m'avait dit que mon top 50 contiendrait un jour une comédie musicale, j'aurais probablement ri en répondant que c'était impossible. Et puis La La Land est arrivé en 2016 et ce fut un choc pour moi ; j'étais donc capable d'apprécier des comédies musicales. Pire : le film de Damien Chazelle est resté dans mon top 50 quelques mois, tant il m'avait charmé. Et puis, en 2021, je décide de me fier à mon instinct et de découvrir Les parapluies de Cherbourg ainsi que Les demoiselles de Rochefort, que j'avais refusé de voir très longtemps. Résultat : les deux sont devenus pour moi des coups de cœur immédiats et m'ont marqué durablement. Cependant, c'est bien Les parapluies de Cherbourg qui a continué de me hanter ces 3 dernières années.
Critique analyse explication du film
Je ne compte pas le nombre de fois que j'ai revu la séquence finale du film dans la station service. J'ai tant vu cette scène que j'en avais même extrait le son pour pouvoir le passer dans ma voiture. Ce fut la naissance d'une obsession pour ce film dont je revoyais en boucle certains extraits bien choisis. Rien que l'évocation de ces retrouvailles finales provoque en moi des frissons, tant tout est parfait : le jeu des acteurs, la situation à la fois romantique et dramatique, la neige qui tombe, le visage et la voix magnifiques de Deneuve. Et puis, surtout, la musique de Michel Legrand qui semble impossible à oublier une fois le film découvert.
(impossible à trouver en bonne qualité, désolé)
Du coup, lorsque j'ai appris, la semaine dernière, qu'un cinéma proche de chez moi projetterait ce vendredi soir Les parapluies de Cherbourg dans une version restaurée en 2k, mon visage s'est éclairé comme rarement. Il se trouve que je n'avais pas repensé au film depuis quelques mois. Voir son titre à l'affiche d'un cinéma m'a ravi, vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point. Ces derniers jours, j'ai trépigné d'impatience à l'idée de découvrir sur grand écran ces scènes qui m'avaient tant ému. Lorsque je me suis installé dans la salle il y a quelques heures, j'étais émerveillé d'avance. Le directeur du cinéma est venu nous expliquer que l'établissement avait ouvert il y a 60 ans exactement, en 1964. L'occasion, donc, de diffuser le film de Jacques Demy sorti cette année-là.
Le film a débuté en même temps qu'un immense sourire sur mon visage à l'apparition du générique et de la musique de Legrand. La présentation des personnages, rapide et efficace, m'a rappelé qu'au même moment, trois ans auparavant, ma fascination avait pris le dessus en comprenant que l'intégralité des dialogues seraient chantés, sans exception. C'est un merveilleux décalage humoristique qui, en théorie, ne fonctionne pas très bien sur moi d'habitude. Et pourtant, ici, le principe du dialogue chanté me fait rire, m'émeut et me transporte sans que je sache vraiment pourquoi. Je crois que la présence et le charme de la voix de Catherine Deneuve en sont les raisons principales. Sa manière mélancolique d'entonner tous ces airs me parvient avec une douceur très agréable aux oreilles.
Si le film n'était fait que de chansons, ce serait déjà une merveille puisque les voix des acteurs et actrices se mêlent de manière envoûtante à la musique de Michel Legrand, ce qui donne au film une atmosphère très suave, très moelleuse. Nos tympans ne se sentent agressés à aucun moment ; tout est mis en place pour nous préparer à l'une des histoires d'amour les plus tragiques de l'Histoire du cinéma, sans perdre de temps. Après un premier acte fort en émotions, on assiste alors à la scène de la gare qui est une merveille sans nom. Lorsque j'ai revu la séquence, avec ce travelling qui éloigne et isole Geneviève, j'ai eu une envie irrépressible de placer ce film parmi mes 50 chouchous. Je ne peux pas faire autrement, je crois que mon émotion a été décuplée par rapport à ma première fois. Tout est si beau, dans ce film !
Puis vient le deuxième acte pendant lequel, subitement, les chansons nous paraissent moins drôles, un peu plus tragiques. Le visage de Deneuve se ferme et se remplit de larmes. Je suis entré, une nouvelle fois, en empathie totale avec cette jeune femme qui est persuadée de perdre deux ans de sa vie à attendre quelqu'un qui ne reviendra peut-être pas. Une jeune femme qui doit subir une mère possessive qui souhaiterait tout contrôler à sa place, car elle aimerait prendre cette place. Les couleurs, globalement violettes, roses et bleues dans les vêtements comme les décors, sont absolument magnifiques.
On ressent profondément le décalage entre Geneviève, qui ne sait plus comment vivre ni comment avancer (sentiment accentué par quelques regards-caméra dont j'avais oublié l'existence et que j'ai trouvés extrêmement saisissants), et sa mère qui tient à la faire progresser pour "ne pas qu'elle reproduise ses erreurs". Malheureusement, elle la poussera à reproduire ces erreurs et nous assistons au mariage le plus déprimant qui soit, avec une transition aussi géniale qu'efficace. Celui-ci sera d'ailleurs mis plus tard subtilement en parallèle avec un enterrement, que ce soit dans les postures des personnages comme dans la musique dramatique. C'est en effet avec ce mariage que la vie de Geneviève s'achève ; elle ne sera plus jamais heureuse. Le regard de Deneuve...
Et puis vient la dernière séquence, 4 ans plus tard, dans la station service de Guy. Et là, je dois le dire, redécouvrir cette partie sur grand écran fut pour moi la plus délicieuse des expériences. J'ai été ému et parcouru de frissons. Les paroles prononcées par Catherine Deneuve et Nino Castelnuovo ne sont plus du tout légères ou amusantes comme en début de film : le procédé donne lieu à un dialogue qui plombe le moral. Ils chantent, mais leur cœur n'y est plus. Il est trop tard, malheureusement. C'est donc dans un sentiment de tristesse mêlée à de la rancœur que les deux amoureux n'osent s'échanger davantage que des banalités, assurant qu'ils vont très bien alors qu'ils ont encore clairement des choses à régler. Ils ne le feront jamais. Cette fin est l'une des plus tristes que j'ai pu voir et il est clair que ce second visionnage ne va pas arranger mon obsession pour ce chef d'œuvre. Voilà donc pourquoi j'ai aujourd'hui la certitude que Les parapluies de Cherbourg fait partie des 50 plus beaux films que j'ai vus de toute ma vie.