Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique

Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique

       Fabuleux. Voici une expérience qui me restera longtemps en tête pour sa folie, sa poésie et son originalité. Merci à najib pour m'avoir poussé à voir Swiss Army Man qu'il me tardait de voir depuis déjà longtemps (curieusement, j'avais déjà emprunté le DVD à la médiathèque en février, que j'avais dû rendre faute de temps). Il s'agit d'un homme, Hank, qui s'est perdu dans une forêt et décide de mettre fin à ses jours. Cependant, la vision d'un autre homme échoué sur la plage l'arrête dans son geste. Commence alors une grande histoire d'amitié délirante entre Hank et ce cadavre. Si vous n'avez jamais vu le film, je vous conseille de ne pas continuer la lecture de cet article, afin de garder la surprise intacte, car c'est une sacrée aventure cinématographique.

Critique analyse explication du film

Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique

     Pourtant, j'aurais pu partir avec un a priori négatif puisque Swiss Army Man (qu'on peut traduire par "homme couteau-suisse") est réalisé par les "Daniels", auteurs notamment du récent Everything everywhere all at once que j'avais tout simplement détesté et même qualifié de pire film visionné au cinéma ces dernières années. Il est alors très étrange que EEAAO m'ait été si pénible à regarder tandis que Swiss Army Man m'ait autant subjugué, alors que les deux films ont beaucoup de points communs notamment dans leur approche du WTF. Mais le verdict est là : je viens de découvrir une œuvre qui va clairement me marquer, car je l'ai trouvée aussi folle que savoureuse malgré les quelques écueils qui m'ont rappelé EEAAO en terme de vulgarité un peu grasse.

 

     En plus d'avoir un pitch absolument dingue, Swiss Army Man ne faiblit jamais dans l'inventivité et le rythme, il tient son concept jusqu'au bout sans aucune fausse note (ou presque). Rien que le démarrage du film, pendant lequel Hank utilise le cadavre de Manny comme jet-ski péteur, est une trouvaille exceptionnelle qui donne le ton du film en quelques minutes : un gros délire surprenant à chaque instant, comme on en voit rarement au cinéma. Je suis assez troublé car j'ai le sentiment que mes remarques pourraient correspondre également à EEAAO : devrais-je lui laisser une seconde chance ?

 

     Le film est très efficace en terme d'humour, certaines séquences ont déclenché chez moi d'énormes éclats de rire, de manière très inattendue. On a affaire à une véritable comédie loufoque d'un genre nouveau, je n'ai jamais vu de telles idées ailleurs. Ça regorge de trouvailles visuelles insensées, c'était fou : les scènes lors desquelles Hank utilise les pouvoirs de Manny pour couper du bois, lancer un harpon ou autres âneries hilarantes, ont totalement refait ma soirée. Grand adepte d'humour absurde voire débile, je me suis laissé prendre au jeu, d'autant que le montage est absolument brillant. 

 

Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique
Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique

    Si le film n'avait été qu'une comédie un peu barrée, ça aurait déjà été formidable, mais Swiss Army Man est également traversé de magnifiques élans de poésie renversants. Paradoxalement, le film est aussi parsemé de moments très gras et grossiers, voire vulgaires, comme ces histoires de pets de cadavre à répétition ou de bite qui bande dans une certaine direction pour guider le personnage principal. J'ignore pourquoi ces idées un peu grotesques ne m'ont pas tant dérangé dans ce film alors qu'elles furent le cœur de toutes mes critiques pour EEAAO (ces nunchakus-godes, mon dieu, quel calvaire). Cependant, c'est sans doute le seul point négatif que j'attribuerais à Swiss Army Man : cette inélégance triviale aurait pu être évitée, car ça sombre parfois dans le pipi-caca bas de plafond.

 

    Sauf que le film met aussi l'accent sur des séquences d'une poésie incroyable, de merveilleux moments lumineux qui apparaissent et défilent sous nos yeux sans qu'on ne s'y attende. On peut ainsi voir Manny péter pendant 5 minutes de manière intempestive, et l'instant d'après, nous avons droit à une scène au ralenti, baignée de lumière, dotée d'une photographie époustouflante, qui nous émerveille de beauté. Les Daniels réussissent à créer une alternance entre ces deux registres opposés pour créer quelque chose d'à la fois fou, surprenant et marquant.

 

Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique
Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique

    Qui plus est, les moments d'humour potache sont justifiés par un scénario qui m'empêche de les voir réellement comme des défauts, puisque le message principal du film est axé autour de la honte et la gêne de montrer les choses qu'on cache. Le personnage de Manny (qui découvre le monde comme pour la première fois) permet une certaine candeur, en développant un propos que j'ai rarement vu traité au cinéma : la dénonciation d'une société hypocrite dans laquelle chacun dissimule des choses qui lui font honte. Les flatulences ou les érections, unanimement considérées comme honteuses aux yeux de tous, sont ici montrées sans aucune retenue, de manière exagérément décalée. Toutes ces choses que l'on cache, Manny les assume et en fait des forces, puisqu'il en dégage des capacités extraordinaires. On pourrait presque dire que péter ou bander est un super-pouvoir ; tout ceci est une ode à l'acceptation de soi-même et des autres.

 

    En plus de tout ça, Swiss Army Man peut être analysé et interprété différemment par chaque spectateur et j'ai trouvé ça absolument génial. Tout ce côté WTF, "bordel organisé", donne lieu à une multitude de thèmes abordés, d'autant que le film n'expliquera jamais la source de tous ces événements fantastiques. Certains y verront un simple gros délire gras et poétique sans queue ni tête, d'autres vivront le film comme un regard sur la solitude, la société, la folie, ou le sentiment amoureux. Pour ma part, j'y vois un peu de tout ça, en plus d'une étude psychologique d'un homme en pleine dépression, pour qui même un cadavre peut donner lieu à une improbable histoire d'amitié. C'est d'ailleurs le sentiment général (et étrange) qui me parcourt depuis que j'ai vu le film hier : Swiss Army Man est peut-être juste une histoire d'amitié forte et pure, habilement mise en images (la réalisation est dingue). La musique, elle aussi, est très prononcée et offre au film une âme, du caractère, un côté feel good permanent qui donne envie de revoir le film encore et encore. 

 

Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique
Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique

      Je vais conclure en louant les qualités du casting (très restreint), puisque je n'ai pas encore mentionné Paul Dano et Daniel Radcliffe. Si le premier ne m'a pas étonné dans sa justesse et dans l'émotion de son personnage tragique, c'est Daniel Radcliffe qui m'a laissé pantois en incarnant un cadavre qui prend vie petit à petit, de manière très forte et souvent hilarante. A la fin du film, je me suis fait une réflexion très bête, mais qui veut tout dire : à aucun moment je n'ai pensé à Harry Potter. Pas une seule seconde. Je trouve ça fou, car l'image de l'acteur est aujourd'hui quasiment indissociable du jeune sorcier : ça lui colle à la peau et ça m'avait gêné plusieurs fois lorsque j'ai tenté de le voir dans d'autres projets (La dame en noir, notamment, qui était malgré tout très réussi et énigmatique). Mais là, j'ai été soufflé par son interprétation ; son personnage est un pur bonheur à suivre dans ses mimiques, son inaction, son évolution.

 

Swiss Army Man - de Daniel Kwan et Daniel Scheinert (7/16) - Critique

     Bref, je vais arrêter ici cet article, je voudrais tout de même ajouter que Swiss Army Man est une comédie dramatique et fantastique que je vous encourage à découvrir, ne serait-ce que pour la curiosité. Je ne sais pas encore très bien ce que j'ai vu, mais je sais que ça m'a fortement marqué. Merci encore à najib.

 

 

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L
Pour moi, SAM (que j'adore) est sincère et maîtrisé là où EEAAO (que j'ai très moyennement apprécié et que je méprise a posteriori) est opportuniste et foutraque. Dommage que la hype qu'il a engendré à sa sortie ait donné raison à cette démarche habile mais malhonnête.
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S
Exactement ! C'est juste qu'en écrivant ma critique sur Swiss Army Man je me suis dit "en fait tous les points positifs que je cite peuvent s'appliquer à EEAAO...", ça m'a dérangé. En plus je n'ai même pas fini EEAAO, j'avais carrément quitté la salle. <br /> <br /> Ne peut-on pas dire aussi que Swiss Army Man est un peu foutraque parfois ? Pour le côté opportuniste, je te rejoins même si je crois que EEAAO n'avait pas du tout anticipé un tel succès.
N
Qu’est-ce que je suis content de lire ton retour et ton article ! Ça me met joie ! J’avais parié sur ce film car tout comme toi, j’avais plus que détester « Everything everywhere » mais ce film avait été un énorme coup de cœur pour moi donc autant le temps ? Et ça a fonctionner sur toi donc j’en suis très heureux ! Merci pour concept qui est très challengeant et permet de découvrir des propositions intéressant !!
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S
Et merci à toi pour cette découverte, je ne sais pas par quel miracle ce film a agi sur moi et pas EEAAO. Très sincèrement ça me donne envie de retenter l'autre, avec un autre regard...!