Extraordinaire. 8 femmes est un savoureux Cluedo à huis clos, à huit voix, huit visages, huit couleurs, huit fleurs. C'est le troisième film de François Ozon que je découvre (oui, j'ai du retard à rattraper) et, à chaque fois, je me dis qu'il est urgent pour moi de découvrir ce réalisateur plus en profondeur. Même si je n'en ai jamais parlé ici, Mon crime m'avait déjà surpris très positivement l'an dernier, puis Eté 85 dans la foulée. Avec 8 femmes, Ozon m'a subjugué, il m'a fait rire, intrigué, ému, dérouté. Une vraie pépite.
Je ne vais pas lister les qualités des 8 actrices qui composent le casting de ce film car ce ne serait qu'une longue suite d'éloges et de déclarations d'amour. J'ai tout de même envie de faire une mention toute particulière à trois d'entre elles, qui prouvent ici à quel point elles méritent leur statut d'icones et de monuments du cinéma. Catherine Deneuve me bouleverse et m'épate à chaque fois que je la redécouvre, elle est ici impériale. Isabelle Huppert trouve également un rôle à la mesure de son talent en femme agitée, dure mais sensible, parcourue de blessures. Fanny Ardant est exceptionnelle et d'une classe absolue.
Et puis zut, je suis obligé de toutes les citer car leur travail est fabuleux. Emmanuelle Béart est parfaite dans ce rôle de bonne qui cache bien des secrets, tout comme Danielle Darrieux dont le personnage apporte notamment un moment de drôlerie inattendue, à base de bouteille cassée et de placard. Firmine Richard est également un élément notable du casting, dont le personnage sera un pivot important à plusieurs reprises.
Et puis, bien sûr, Virginie Ledoyen et Ludivine Sagnier sont de vraies bulles pétillantes dans le rôle de deux sœurs qui, elles aussi, cachent plus de choses qu'elles n'y paraissent. L'un des secrets, jamais réellement développé, m'a foutu un sacré coup, avec une noirceur habilement déguisée sous toutes ces couleurs chatoyantes. Lors de certaines scènes, on note des références aux comédies musicales de Jacques Demy, notamment lorsque les deux sœurs chantent côte-à-côte de manière symétrique, à la manière des Demoiselles de Rochefort.
Maintenant que j'ai loué les talents de ces comédiennes incroyables, il est temps de m'attarder sur la mise en scène et les partis pris de 8 femmes. L'ensemble est extrêmement théâtral, que ce soit dans le jeu des actrices, les décors ou les fameux coups de théâtre qui pleuvent durant 1h45. Ce côté surjoué et inhabituel au cinéma semble être l'une des pattes de François Ozon, puisqu'on retrouve cette façon de faire dans Mon Crime. Ça en faisait d'ailleurs tout le sel. Si certains spectateurs pourront évidemment y être hermétiques, cet aspect permet pourtant au film de devenir une sorte de Cluedo géant avec ses mystères, ses crimes, ses révélations, mais aussi ce rendu visuel très coloré (chacune des femmes est représentée par une couleur) aux tons qui rappellent les années 50. C'est sublime.
Outre le style très original de 8 femmes, le film se démarque par des dialogues précis et efficaces, puisqu'on prend un plaisir fou à entendre ces 8 personnages se répondre, se dénoncer, se dévoiler avec une répartie à toute épreuve. On assiste à de véritables joutes verbales pendant 1h45 car les fortes personnalités de toutes ces femmes se confrontent. Dans le même temps, on essaie d'observer des indices, de démêler le vrai du faux, ce qui rend le visionnage du film très ludique. 8 femmes est d'autant plus maîtrisé que l'on comprend tout à chaque instant : tout est limpide, clair et logique. C'est un véritable tour de force car je craignais de me mélanger les pinceaux entre les 8 personnages. C'est pourtant le contraire qui se passe : il suffit de 10 minutes pour comprendre toute la situation ainsi que les relations entre toutes ces femmes, leurs prénoms et leurs personnalités. J'ai rarement vu une mise en place de personnages aussi efficace.
Bref, j'ai adoré 8 femmes et je n'ai rien de négatif à en dire, pas même sur les séquences de comédie musicale lors desquelles les actrices donnent de leur voix avec une émotion pure ; tout est parfait de A à Z. En outre, on n'entend pas une seule voix masculine de la première à la dernière minute. J'ai cherché dans ma mémoire et il m'est impossible de trouver un autre film ayant cette caractéristique. Foncez dessus si vous ne l'avez encore jamais vu car, pour ma part, je regrette d'avoir attendu si longtemps...