Je suis le premier à détester les hypes abusives en tous genres, mais là, il faudrait être bien tatillon pour exprimer des réserves sur ce Furiosa. Ayant eu l'occasion de voir ce prequel de Fury Road en avant-première il y a quelques heures, je m'y suis précipité car j'attendais ce film avec autant d'espoir que de méfiance. Il semblait impossible que George Miller réussisse cet exploit deux fois de suite, surtout à presque 10 ans d'intervalle. Et putain, quelle expérience encore !
Avec Furiosa, Miller nous en met plein la gueule, plein la vue, plein les oreilles. Les moteurs ronflent, les engins décollent, les personnages se déchirent, les visages emplis de haine s'affrontent. Mais surtout, Furiosa n'est pas un banal copier-coller de Fury Road comme on aurait pu le craindre : il y a un vrai background pour ce personnage. Après Charlize Theron qui était déjà exceptionnelle dans ce rôle, c'est au tour d'Anya Taylor-Joy de camper l'un des personnages féminins les plus badass de ces dernières décennies. Comme je l'avais pressenti dès les premières images l'an dernier, l'actrice est absolument parfaite pour le rôle et j'ai adoré sa manière de se l'approprier. Il n'y a aucune baisse de talent : la jeune femme n'a rien à envier à la prestation de Charlize Theron. Chacune des deux actrices a su iconiser ce personnage, cette femme dont la furie n'éclate que par instants, puisqu'elle bouillonne silencieusement derrière un regard de fer.
L'ensemble du casting est aux petits oignons, avec une mention particulière pour Chris Hemsworth qui est méconnaissable. Il tient son personnage jusqu'au bout et, sans trop spoiler, la dernière scène dans laquelle il apparait est l'une des plus belles fins d'antagonistes que j'ai vu depuis longtemps. Ce que j'aime avec Furiosa, c'est que George Miller ne surexplique jamais rien : tout est simplement suggéré. Pas besoin, d'ailleurs, car le spectateur est assez intelligent pour comprendre, petit à petit, pourquoi un grand méchant se trimballe avec un ours en peluche. Miller nous jette, comme ça, dans cet univers explosif sans aucun contexte, dans un road trip enragé au cœur d'un désert aride et magnifiquement mis en valeur : par les couleurs, par les plans, par la lumière qui faisaient déjà le sel de Fury Road. Il n'y a qu'à accrocher sa ceinture et ça décolle directement, dans une avalanche d'effets spéciaux, dans une intrigue qui décoiffe. C'est plongés au cœur de cet enfer brûlant et post-apocalyptique qu'on comprend les enjeux comme des grands, sans voix off, ni textes ajoutés, ni commentaires explicatifs lourdingues des personnages. On y croit parce que les personnages y croient : ils sont dans leur monde, ils savent de quoi ils parlent, ils n'ont rien besoin de traduire à personne. De toutes façons, il y a très peu de dialogues, la plupart des répliques étant prononcées au cours des affrontements.
J'ai aimé que Furiosa prenne davantage son temps, comparé à son aîné. Déjà, le film est découpé en plusieurs chapitres, ce qui rompt l'aspect "délire de course-poursuite en temps réel" de Fury Road. Là, on savoure les quelques moments accordés pour développer ce personnage de Furiosa, tout en la voyant évoluer dans un univers violent, fou furieux, dangereux, extrêmement vivant (le plan sur cet arbre qui pousse en faisant avancer une perruque de cheveux en timelapse est hyper cool). Toutes ces idées complètement dingues, qui s'enchaînent sans temps mort (car je dis que le film est plus "calme" mais c'est sacrément relatif, entendons-nous), suscitent l'émerveillement le plus total.
Comme je le disais en début d'article, il faudrait être vachement pointilleux pour trouver que Furiosa manque d'ampleur, manque d'ambition, manque de visuel, manque de cinéma. C'est un putain de film bourré de cinéma, un putain de spectacle qui nous surprend à chaque instant ! En 2h30, on n'a presque jamais le temps de souffler, George Miller ne s'embarrasse pas de dialogues chiants pour laisser reposer l'action, non. Le film est en mouvement permanent, et il le fait avec une virtuosité étonnante et détonante.
Je me souviens de 2015, lorsque tout le monde était impressionné par ce que Fury Road proposait en terme de visuel et d'action alors que George Miller avait 70 ans. On pouvait lire des commentaires ahuris du type "Dis-donc, Papi Miller en a encore sous le capot !". Eh bien la vache : ces capots ronflent à grand bruit et le cinéaste n'est, décidément, toujours pas au point mort. Et à bientôt 80 ans, il nous sort ça. Comment fait-il ? Où puise-t-il toute cette énergie, toute cette explosivité qui nous éclate à la tronche ? Difficile de ne pas lever au moins un sourcil, sinon les deux. Furiosa est une maestria en terme de mise en scène, de photographie. Bon sang, que j'aime ces zooms ou dézooms qui mettent en valeur les visages des personnages ! Que j'aime lorsque la caméra vient coller au plus près du pare-brise d'un véhicule pour s'en éloigner quelques secondes plus tard afin de montrer la scène d'un point de vue plus large ! La lisibilité de l'action est impeccable, totalement incroyable. Le curseur en matière de fluidité et de propreté est poussé au maximum à chaque instant. Mais putain*, comment fait-il ?
Alors certes, d'aucuns pourront critiquer la présence très importante d'effets visuels qui puent le fond vert et le studio, là où Fury Road était davantage centré sur des décors naturels... mais bon sang, c'est d'une qualité assez exceptionnelle ! L'univers est palpable. D'autant qu'il existe un style "George Miller" dans cette action, qu'on peut voir dès les premières scènes d'ailleurs. Je ne sais pas exactement de quoi il s'agit, puisque je n'ai pas eu le temps de l'analyser correctement devant ce déferlement de spectacle, mais de nombreuses séquences subissent une sorte d'accéléré / saccadé un peu étrange que je n'arrive pas à définir, mais qui fait toute la puissance de Fury Road et Furiosa. Il y a un sacré peps, une frénésie débordante qui donnent au film un aspect "irréel". De ce fait, même les effets spéciaux les moins réalistes passent crème, puisque ça fait partie intégrante de l'univers visuel de cette saga. J'ai pris mon pied pendant 2h30, car ce visuel est totalement assumé.
On pourrait aussi chercher la petite bête en disant que sur l'ensemble des chapitres, le deuxième aurait probablement pu être écourté, car le film aurait été parfait sur 2h-2h10... Mais bordel c'est vraiment chercher la petite bête par esprit de contradiction face à la vague de commentaires élogieux que le film va se prendre dans les jours qui viennent.*
Bref, je ne m'y attendais pas spécialement, mais Furiosa m'a mis une aussi grosse claque que Fury Road. Je regrette d'avoir critiqué la bande-annonce, je regrette de ne pas y avoir cru totalement. J'ai déjà envie de le revoir.
* Je sais, ça fait beaucoup de "putain" dans le même article... Mais putain quoi !
* Deux semaines plus tard, je constate que je ne suis pas du tout visionnaire, voyant le shitstorm que s'est pris le film par des types qui ont de la merde dans les yeux. J'hallucine devant tant de mauvaise foi.