Il est temps de creuser un peu la filmographie de David Lynch, dont j'ai toujours adoré les ambiances et les délires. Grâce à Martin De Moor, j'ai ainsi découvert Blue Velvet, dont je repousse le visionnage depuis trop d'années à cause d'une appréhension : celle de voir un film inaccessible et obscur. Verdict : il s'agit en fait probablement de l'une des œuvres les plus abordables de l'auteur et j'ai adoré retrouver ces atmosphères à la Twin Peaks que je chéris depuis toujours.
Même si la série culte de David Lynch sera créée quelques années après Blue Velvet (1986), on ressent déjà dans le film tout ce qui fera la saveur de Twin Peaks au début des années 90. Les grands rideaux mystérieux, les pièces sombres, les personnages énigmatiques, les chansons atmosphériques interprétées sur scène, tout l'univers du cinéaste est ici. Le style de Lynch est feutré et doux, la première partie du film est presque cotonneuse dans le son et l'image : rien ne vient nous brusquer, c'est comme si on se déplaçait dans cette étrange affaire criminelle avec des chaussons aux pieds. Les voix sont douces, les regards des acteurs sont sublimés par des lumières magnifiques (les yeux de Laura Dern, mais surtout de Kyle MacLachlan, font des étincelles), les divers sons (bruits de pas dans les escaliers) sont tendres et apaisants. Et c'est sans parler de la musique d'Angelo Badalamenti, compositeur attitré de Lynch, qui nous sert encore des atmosphères feutrées à foison. J'ai donc plongé dans Blue Velvet avec un grand ravissement, car j'adore la manière avec laquelle Lynch nous accueille dans son univers unique en son genre.
Le tout est renforcé par un scénario qui intrigue, comme toujours chez Lynch, mais sans devenir abscons. Pour une fois, le labyrinthe est simple à parcourir et les embranchements ne sont pas trop nombreux. Je ne suis évidemment pas contre des scénarios à la Mulholland Drive (c'est un chef d’œuvre absolu), mais il fait parfois du bien de s'immerger dans cet univers onirique sans froncer les sourcils. Blue Velvet vire progressivement vers des scènes de plus en plus violentes et douloureuses, mais Lynch nous y accompagne et le film prend de l'ampleur (scénaristiquement comme émotionnellement). Toute une galerie de personnages originaux font leur apparition, comme le génial Dennis Hopper qui m'a fait flipper à de nombreuses reprises tant il est survolté, ou encore la brève apparition précieuse de Dean Stockwell. De toutes manières, le casting entier est une merveille, notamment MacLachlan mais aussi Isabella Rossellini, sublime lorsqu'elle est habillée de toutes ces couleurs rouges, bleues ou violettes.
Bref, je remercie donc Martin De Moor pour cette proposition, qui m'encourage à faire ce que j'aurais dû faire depuis déjà longtemps : rattraper les quelques films de Lynch que je n'ai pas encore vus. Son univers est épais, sombre et doux, comme ces rideaux de velours qu'il utilise dans quasiment toutes ses œuvres. Blue Velvet est un joyau qui rejoint bien évidemment mon top 500 sans hésitation.