Bruno Reidal - de Vincent Le Port - Critique

Bruno Reidal - de Vincent Le Port - Critique

      Ce film qui m'a été conseillé par Sami est une adaptation de l'autobiographie écrite par Jean-Marie Bladier suite au meurtre par décapitation qu'il a commis sur Jean Raulnay, un enfant de 13 ans, le 1er septembre 1905 dans le Cantal. Alors jeune paysan séminariste de 17 ans, Bladier s'est rendu aux autorités après son acte, puis a été interrogé dans les détails par le professeur de médecine Alexandre Lacassagne afin de comprendre sa psychologie. Lacassagne soumettra ensuite quelques publications sur l'affaire, où il choisira d'utiliser un pseudonyme pour le criminel, anagramme miroir de son vrai nom : Bruno Reidal (Reidal.B / Bladier). Le film de Vincent Le Port raconte donc ces événements du point de vue de Bladier, de manière froide, crue et violente.

 

Bruno Reidal - de Vincent Le Port - Critique

      Je remercie Sami pour la découverte car je n'avais jamais entendu parler de Bruno Reidal, ni en tant que film, ni en tant qu'affaire criminelle. Le parti pris du réalisateur est troublant et fort : il s'est inspiré des écrits de Bladier pour entrer dans sa tête ; le film est donc entièrement subjectif, ce qui est à la fois une qualité et un problème. Mais commençons par les points positifs, car il y en a beaucoup. Bruno Reidal est fascinant et son témoignage est glaçant. Même si on aura bien des difficultés à comprendre ses motivations, on ressent profondément les troubles mentaux qui l'assaillent depuis le plus jeune âge, sans vraiment en comprendre l'origine. Y en a-t-il seulement une ? De nombreuses pistes sont ouvertes dans le film, comme une agression sexuelle subie en pleine journée ou encore les traumatismes de la torture d'un cochon saigné à vif, mais le meurtrier insiste pour dire que ses pulsions meurtrières datent d'avant tout ça. La lucidité du jeune homme sur sa propre condition fait d'ailleurs froid dans le dos, il est conscient d'avoir un problème qu'il ne parvient pas à régler tout seul : une relation morbide entre l'envie de tuer et le plaisir sexuel.

 

Bruno Reidal - de Vincent Le Port - Critique

      Le film met en évidence, au début du XXe siècle, les théories du professeur Lacassagne qui déplorait que les crimes soient généralement expliqués par l'atavisme et non, comme il le pressentait, par l'influence de l'environnement et de la société sur des individus tels que Bladier. Par ailleurs, la reconstitution de cette campagne cantalienne au début du XXe siècle est très réussie, on s'y croirait. La mise en scène, de manière générale, est parfaite pour illustrer le point de vue de Vincent Le Port : elle est à l'image de son personnage. Froide, dure et violente. Le réalisateur n'y va pas par quatre chemins et nous fait plonger dans la psychologie et dans les sombres pensées de l'assassin, jusqu'à une scène de meurtre d'une brutalité implacable, très audacieuse pour du cinéma français. Les acteurs sont tous brillants, notamment Dimitri Doré dans le rôle principal, mais aussi les jeunes acteurs tels que Roman Villedieu ou Alex Fanguin. 

 

Bruno Reidal - de Vincent Le Port - Critique

      Malheureusement, comme je l'écrivais plus haut, l'angle d'approche de Vincent Le Port est aussi problématique sur la forme. A vouloir relater les événements avec une précision biographique quasi chirurgicale, le cinéaste n'est pas parvenu à se détacher des écrits de Reidal et le film souffre d'une absence totale de narration visuelle. Rien ne nous est conté par l'image, tout passe uniquement par la voix off qui parcourt l'intégralité du film. Si, au début, on comprend ce choix pour placer l'intrigue, cette voix off devient de plus en plus pénible et ennuyeuse à écouter, d'autant que le ton employé par Dimitri Doré est monotone et parfois très chiant, il faut le dire. Sans m'endormir, le film ne m'a pas impliqué jusqu'au bout, et heureusement que la dernière partie décrivant le meurtre vient donner un peu de corps à tout ça, car la narration commençait à me procurer des symptômes narcoleptiques. Tout le film est sur le même ton, c'est compréhensible puisque le personnage principal n'a aucune émotion ni aucune empathie, mais ça provoque à la longue davantage de lassitude que de choc. Au niveau des images, il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent puisque l'ensemble est principalement descriptif ou explicatif. 

 

Bruno Reidal - de Vincent Le Port - Critique

      Si ce ton monocorde est le principal défaut du film, ce n'est d'ailleurs pas le seul puisque j'ai également trouvé les musiques d'Oliver Messiaen assez convenues et faibles, ce qui donne un rendu assez décevant. Ça n'enlève pas, bien sûr, toutes les qualités que j'ai précédemment citées, mais c'est frustrant car le film aurait pu être bien plus marquant. Le dernier quart d'heure est parfait et m'a beaucoup remué, mais il a fallu 1h20 pour y arriver... avec les longueurs qui vont avec !

 

     Bref, merci à nouveau à Sami pour m'avoir poussé à voir Bruno Reidal, qui restera dans mon esprit comme un film au point de vue passionnant et aux choix audacieux, mais pas toujours mis en valeur. Je ne peux que vous conseiller de le découvrir à votre tour, car ça vaut clairement le détour.

 

 

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S
Merci pour cette article que je trouve très juste même si je ne partage pas toujours la même opinion. Cette froideur, cette monotonie de ton, de narration, qui reflète l'esprit de Reidal m'hypnotise mais je comprends totalement que cela peut provoquer l'inverse. À nouveau, une proposition loin d'être accessible mais comme tu l'as bien dit, le film n'a pas été très mise en avant et pour un film français avec un point de vue aussi fort, je trouve qu'il mérité d'être d'avantage encore reconnue. :)
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S
Oui, c'est clair qu'il n'a pas du tout été mis en avant, je pense avoir déjà vu l'affiche vaguement mais rien de plus...!