Mean Creek est un drame sorti en 2004, réalisé par Jacob Aaron Estes. Le film a longtemps figuré dans mon top 50 et j'ignore exactement quand il l'a quitté. Je ne l'avais pas vu depuis plus de 10 ans et ma première critique ici date de 2010. Œuvre méconnue, Mean Creek m'a marqué étant jeune, grâce à son ambiance à la Stand By Me et sa galerie de personnages tous aussi passionnants les uns que les autres d'un point de vue psychologique. Je vous le conseille fortement, car le revoir aujourd'hui a été pour moi un immense plaisir. Il m'avait manqué.
Attention, cet article est réservé aux personnes ayant déjà vu Mean Creek, car tout y sera spoilé.
Mean Creek est génial car il propose, à la manière de Psychose, un retournement de situation vers la moitié du film qui change toute la donne. D'une simple histoire de vengeance adolescente, on vire sur un drame profond : les personnages doivent faire face à l'une des pires situations qui soient. On s'intéresse alors autant aux causes de ce drame (dans la première moitié) qu'à ses conséquences (dans la deuxième), ce qui fait de Mean Creek un film qui multiplie les genres.
Au début, les personnages nous sont plutôt présentés avec un ton léger, et même de l'humour. On suit une bande de jeunes dans la campagne de l'Oregon, entre bagarres d'enfants et rébellion de jeunes adultes en quête de liberté, et l'ensemble fait sourire car il y a une atmosphère 80's ou 90's assez marquée. Pas de téléphones portables, des jeunes qui sortent dans la nature, fument dans des voitures déglinguées, sans ceinture... Et puis surtout, l'absence flagrante des adultes vient renforcer l'idée d'une jeunesse aventureuse qui vagabonde sur les routes sans penser à sa sécurité.
J'aime Mean Creek pour ce côté "à l'ancienne" qui donne un sacré charme à l'ensemble, et on ressent clairement les influences de Stand by me de Rob Reiner, sorti en 1986. Il ressort de la première demi-heure de Mean Creek un côté cool à travers la musique mais aussi les personnages, qu'on apprend à connaître tout doucement. Les éléments cruciaux de leurs personnalités nous sont livrés : Clyde est discret mais droit dans ses bottes, Rock est cool mais influençable, Marty cache sous sa carapace de gros dur des fêlures importantes : celles d'un père absent et d'un manque de repères. Quant aux trois plus jeunes, ils sont embarqués dans cette histoire un peu contre leur volonté, ils suivent les "grands" sans mesurer les conséquences de leurs actes.
Lorsque tout bascule et que vient le moment de réagir et faire face à l'homicide qu'ils ont commis, ces traits de personnalité s'affrontent et chacun dévoile sa vraie nature. Clyde fait face à Marty avec un aplomb qui force le respect, car ce dernier ne connait que la violence pour imposer ses idées et échapper à ses responsabilités. Rock, quant à lui, porte mal son prénom car il déçoit dans son inaction et s'avère démuni et faible face à la situation. Son mutisme traduit une brusque plongée dans la dure réalité, dans laquelle ses actes ont des répercussions qu'il devra assumer. L'innocence de ces jeunes n'existe plus : ils deviennent adultes en l'espace d'une après-midi.
Mean Creek est sublime car il fait se confronter des personnages bien différents face à une situation qu'ils partagent. Et c'est sans parler de George, le personnage de Josh Peck, que l'acteur maîtrise avec puissance et sensibilité du début à la fin. Tantôt doux, tantôt agressif, il inspire à la fois la compassion et la révolte, ce qui en fait un personnage extrêmement nuancé. Là est d'ailleurs tout le propos du film : personne n'est foncièrement méchant, chaque comportement peut être expliqué par un passé plus ou moins douloureux. Marty paie la mort de son père et part en roue libre. George a juste peur du rejet, qu'il comble avec une certaine arrogance, et se montre agressif lorsqu'il se sent exclu. A contrario, quand il se sent apprécié et qu'il entrevoit la possibilité d'avoir des amis, son visage s'adoucit et ses propos sont remplis de bienveillance. La fin du film est bouleversante car on comprend que George n'était qu'un gamin mal dans sa peau...
On rajoute à tout ça les paysages merveilleux de l'Oregon, les plans sur la sublime rivière Lewis, sur la cascade ou les belles forêts du comté de Clackamas qui ont servi de décors lors des 24 jours de tournage (seulement !). La musique de Tomandandy permet une poésie et une douceur qui marquent l'esprit même des années plus tard, avec des thèmes musicaux extrêmement apaisants, entre le calme d'une rivière qui coule et le drame de la mort d'un enfant. Mean Creek est une pépite et je ne cesserai de vous encourager à le découvrir et à l'estimer.