Quel ascenseur émotionnel ! J'attendais beaucoup de Memory, je trépignais de voir Jessica Chastain dans un film psychologique, mais la déception fut au rendez-vous. Je crois que j'ai rarement vu un film aussi frustrant, qui échoue en permanence à faire vivre ses personnages. Attention, cet article va révéler certains moments clés de l'intrigue.
Déjà, la durée de l'exposition est beaucoup trop longue. Il faut 20 minutes pour que les personnages et la situation se mettent en place, puis 10 de plus pour qu'on comprenne enfin tous les enjeux et les aspects psychologiques de ces deux êtres perdus. Passée cette première demi-heure que j'ai trouvée interminable, l'espoir de voir développée une histoire passionnante et émouvante sur le thème de la reconstruction s'évanouit au fur et à mesure que les minutes avancent.
Memory passe son temps à nous montrer des discussions amorcées qui se coupent brutalement, parfois même avant d'avoir commencé. On n'a qu'une envie : que tous ces personnages parlent, se dévoilent, s'avouent, mais il n'en est jamais rien et c'est extrêmement frustrant. Le film manque d'authenticité et de couleurs, de vie. Au bout d'un moment, je me suis mis à compter le nombre de scènes inutiles (ou inutilement longues), et je me suis rendu compte que la quasi totalité du film était construite de manière répétitive. Les séquences s'enchaînent comme pour combler un vide : celui d'une absence d'idées de scénario, de dialogues soporifiques, d'un manque cruel d'alchimie entre les personnages. On peut, par exemple, avoir une scène entière lors de laquelle Sylvia annonce à Saul qu'elle va emmener sa fille à l'école, ce à quoi il répond : "D'accord". Fin de la scène. La scène ne sert à rien, elle est surexplicative, comme la plupart des révélations du film qui sont prononcées à voix haute brutalement, ça semble un peu facile.
La scène ci-dessus en est d'ailleurs un parfait exemple tant elle est mauvaise. Sylvia se met à parler sans aucun filtre de l'un de ses traumatismes à un illustre inconnu, alors qu'on passe le reste du film à réaliser qu'elle est incapable de parler à qui que ce soit, même à sa propre fille. J'ai été frustré pendant 1h40 par l'absence de dialogues, car les plans se coupent prématurément, juste au moment où les situations auraient pu permettre d'instaurer des discussions intimes et passionnantes. J'ai en tête l'exemple de Sylvia et sa fille qui se retrouvent par la force des choses à devoir dormir dans le même lit. Mère et fille s'allongent, se regardent... et pouf ça se coupe et nous voilà au petit matin ! Mais pourquoi alors avoir mis en place cette situation ? Quel intérêt ? Ne pouvait-on pas tenter ici quelque chose de privé, de secret ? Mais non, Memory ne fait qu'esquiver les sujets ou les survoler de manière superficielle, comme s'il n'avait pas envie de les traiter. Ça tourne autour du pot, ça rallonge des scènes inutilement...
La scène ci-dessus en est un autre exemple. Ces deux âmes tristes et détruites pleurent ensemble et, au moment où j'ai enfin cru que la scène durerait plus de trois minutes, que l'on aurait droit à quelque chose qui prend son temps et ne fuit pas la réalité des personnages, PAF la scène s'arrête et on passe à une autre. A un moment, j'ai soupiré bruyamment et j'ai même donné une claque à l'accoudoir de mon siège tant j'étais frustré devant ce montage fuyant, qui n'affronte jamais rien, et lassant à la longue. Il n'y a qu'une seule scène qui fait mouche (ci-dessous), mais il faut attendre 1h20 d'accumulation de scènes chiantes et inutiles avant de la voir. Celle-ci vaut vraiment le détour et m'a laissé croire à la manifestation d'un grand moment de cinéma... avant qu'elle ne s'interrompe brutalement au bout de deux minutes, encore une fois.
Voilà donc l'effet que m'a fait Memory : l'impression que ça ne va jamais au bout, que ça ne fait qu'effleurer les véritables sujets. Et c'est sans parler de cette romance à deux ronds qui n'est pas crédible une seconde, car il est évident dès le départ que ces deux-là ne pourront que se créer des problèmes l'un pour l'autre. Au début, j'ai vaguement espéré qu'il n'y aurait pas d'histoire d'amour dans ce film, que ça allait jouer la carte de l'originalité en poussant jusqu'au bout le personnage de Sylvia, détruite psychologiquement. Mais non, le film tombe quand même dans cet écueil un peu bête, sans respecter la psychologie du personnage. Il faut croire que la venue d'un type tout à fait quelconque et très peu fiable lui redonne foi en l'amour et au sexe comme par magie. Rhaaaa je suis désolé, mais ce film n'a aucun sens. Aucun. D'ailleurs, l'intégralité de l'intrigue est téléphonée, on voit venir les ressorts dramatiques longtemps à l'avance. Le scénario est raté, le montage est raté, l'intrigue est osef. Les seules choses un tant soit peu intéressantes ne sont traitées que dans le silence le plus total (les deux relations mère-fille, car la relation amoureuse est franchement débile) alors qu'elles auraient mérité quelque chose de plus fort, de plus vivant.
Y a-t-il alors quelque chose à sauver ? Heureusement, oui. Sans surprise, c'est Jessica Chastain qui sauve le film avec son interprétation fabuleuse. Si elle n'avait pas été là, j'aurais passé un moment terrible dans cette salle de cinéma. La pauvre fait ce qu'elle peut avec un personnage mal écrit et des dialogues faiblards, mais elle parvient à nous emporter dans quelques scènes. C'est déjà ça.