Celui qui est indiscutablement le plus grand réalisateur de l'Histoire du cinéma méritait bien son petit classement. Depuis plus d'un siècle maintenant, Charles Chaplin nous émerveille, nous touche, nous fait rire grâce à son personnage culte de Charlot, vagabond malin et facétieux dont la figure est ancrée dans la culture. A l'époque, Charlie Chaplin avait compris qu'il suffisait de quelques accessoires pour devenir inoubliable : un chapeau, des chaussures trop grandes, une canne. Sa démarche reconnaissable entre mille est une idée de génie, surtout à l'époque du muet où tout devait passer par l'image. Avec ses tourniquets de canne, ses virages à l'équerre à cloche-pied, ou ses expressions faciales terriblement craquantes, l'acteur-réalisateur est aujourd'hui devenu une légende.
On oublie trop souvent que le personnage de Charlot, "The Tramp", n'a pas poursuivi Chaplin toute sa vie, puisque sa dernière apparition a été dans Les temps modernes en 1936. C'est aussi la première et dernière fois qu'on entendra la voix de Charlot, sous forme d'une chanson charabia, véritable pied de nez à l'essor du cinéma parlant. En effet, lorsque le parlant fait son apparition au cinéma avec Le chanteur de Jazz en 1927, Chaplin n'est pas convaincu par cette petite révolution, préférant largement continuer à user de ses talents de pantomime pour satisfaire son public. Les lumières de la ville (1931) s'ouvre sur le discours d'un maire. Plutôt que de le faire parler (ce qui aurait été possible cette année-là), Chaplin a préféré remplacer sa voix par des sons de kazoo, comme pour tourner en dérision ce cinéma parlant qui, selon lui, n'allait pas faire long feu. Une belle manière de se moquer de cette nouvelle ère du cinéma qui semblait annoncer la fin de sa carrière.
Ce n'est que 10 ans plus tard, en 1940, que le cinéaste sortira son premier vrai film parlant avec Le dictateur, sans le personnage de Charlot. The Tramp, en effet, est mort en même temps que le cinéma muet et personne n'aura la chance de le voir s'exprimer au cinéma, sinon dans cette chanson ironique des Temps modernes. Là où Chaplin est un génie, c'est qu'il utilise le dialogue dans Le dictateur pour livrer un message universel et magnifique avec le plus beau discours de l'Histoire du cinéma : le monologue le plus célèbre du grand écran. Avec ce film, Chaplin est très clair : il accepte enfin le cinéma parlant... et il a beaucoup de choses à dire ! S'ensuivront d'autres chefs d'œuvre tels que Monsieur Verdoux et Les feux de la rampe, qui classeront définitivement Charlie Chaplin comme un cinéaste complet et accompli. Je n'ai malheureusement pas encore vu ses deux derniers films, dans lesquels il ne joue pas ou peu (Un roi à New York et La comtesse de Hong-Kong, qui n'apparaitront donc pas dans ce top).
Mais assez parlé (justement), car le but de cet article n'est pas de retracer le parcours complet de Chaplin, que tout le monde connait. Mon but était ici de proposer mon top 10 de ses films (en excluant ses premiers courts-métrages du type Charlot patine (je n'ai pas vu non plus L'émigrant)). Si vous souhaitez comprendre ma relation avec Charlie Chaplin, j'en avais déjà fait un article il y a quelques temps, qui exprime tout l'amour que je porte pour ce réalisateur.
Je tiens à signaler que ce top 10 ne contient que des chefs d'œuvre, puisque j'ai adoré chacun de ces films au plus haut point. Pour moi, Chaplin a fait un sans-faute du début de sa carrière en 1914, jusqu'à sa fin en 1967.
10 - L'opinion publique (1923)
Seul film de cette liste dans lequel Charlie Chaplin n'apparaît pas en tant qu'acteur, L'opinion publique est passionnant car il est sorti au début de sa carrière. Dans ce film, il a voulu se démarquer des productions comiques qu'il sortait depuis 10 ans, en proposant quelque chose de plus sombre, sans son personnage fétiche. Le film est fascinant mais il a été boudé par le public de l'époque, créant un vrai flop.
9 - Monsieur Verdoux (1947)
Sur une idée d'Orson Welles, Monsieur Verdoux est une tragicomédie dans laquelle Chaplin sort de son personnage habituel, puisqu'il y incarne un assassin (inspiré de Landru). Même si le personnage de Charlot est mort en 1936, on retrouvait tout de même de nombreuses de ses caractéristiques dans Le Dictateur. Monsieur Verdoux est donc le premier film sans cette figure à laquelle le public était habitué. Le film, également boudé pour les mêmes raisons que L'opinion publique (l'audience n'attendait de Chaplin qu'une seule chose : son côté burlesque) n'en reste pas moins une œuvre géniale.
8 - Une vie de chien (1918)
C'est le premier film de Chaplin que j'ai vu. Découvert il y a maintenant 13 ans, Une vie de chien est un moyen-métrage de 35 minutes bourré d'idées, avec un langage visuel universel et totalement charmant.
7 - Le cirque (1928)
Petit chef d'œuvre d'humour mais aussi d'émotion (mon dieu, cette fin !), Le cirque nous émerveille et nous fait rire. Comme le personnage de Charlot, le spectateur est un peu funambule, puisqu'il jongle constamment entre un humour désopilant et des moments de tristesse. Magique.
6 - Le Kid (1921)
Le Kid est une merveille, encore une fois. Avec un format assez court (50 minutes), Charlie Chaplin m'a émerveillé et fait passer un moment d'une grande magie. Le vagabond recueille ici un enfant abandonné et le prend en charge malgré sa pauvre condition. Toujours bourré d'un humour visuel et de situation qui me fascine et me donne le sourire, Le Kid est un bijou d'émotion et d'amusement. La démarche caractéristique de Chaplin, ses mimiques, son sourire sont extrêmement attachants. Qui plus est, Le Kid offre de grands moments de déchirement. Presque un siècle plus tard, ce personnage est toujours aussi efficace et plein d'humanité.
5 - Les feux de la rampe (1952)
On entre dans le top 5 de la perfection absolue, avec Les feux de la rampe, dernier film de Chaplin en tant qu'acteur. L'auteur signe ici une œuvre personnelle, mise en abyme émouvante de sa propre carrière. Clap de fin pour le vagabond. Testament pour l'artiste.
4 - Le dictateur (1940)
Il n'y a rien à dire, cette satyre qui moque Hitler en pleine période de Guerre Mondiale est un monument du cinéma. Le cinéaste a préparé son film avant que la guerre n'éclate, dans une démarche quasiment visionnaire. Son message est puissant et osé, l'un des films les plus importants de l'Histoire du cinéma. Dans ce discours final émouvant au possible, on sort du film car c'est Charlie Chaplin qui parle en personne, qui fait part de ses idées et lance un appel bouleversant au monde entier, avec force. Paulette Goddard, elle aussi, est juste géniale.
3 - Les temps modernes (1936)
Les Temps Modernes, c'est une critique sociale, un amer constat de l'industrialisation et ses effets catastrophiques sur le monde du travail. Mais c'est aussi, comme j'en parlais plus haut, la modernisation du cinéma, ce cinéma parlant que Chaplin ne parvient pas à affronter. Un chef d'œuvre intemporel.
2 - La ruée vers l'or (1925)
Tout est parfait dans ce film, que ce soit l'épopée enneigée de notre vagabond comme le moment de tristesse absolue sur l'Auld Lang Syne, ou encore la magie de la danse des petits pains ou les effets spéciaux d'une maison qui penche dans le vide. La ruée vers l'or est sublime, drôle, inventif.
1 - Les lumières de la ville (1931)
Evidemment, je n'accepte pas d'autre film en première place. Les lumières de la ville, c'est le chef d'œuvre ultime, la plus belle romance du cinéma, le plus lumineux des regards, mais aussi l'image finale la plus bouleversante qui soit avec ce sourire timide et inoubliable. Un jour, je parlerai des Lumières de la ville en détails... Pas aujourd'hui, car il y a des milliers de trucs à en dire, mais un jour je prendrai le temps. Clairement le meilleur film de Chaplin, une petite pépite de douceur, d'humour, de nostalgie. Quel putain de film.