Alimentons un peu cette section du blog en parlant d'un nouveau "film de l'enfance". L'idée est de redécouvrir des madeleines de mon enfance avec mon regard d'adulte, tout en essayant de transmettre à mes propres filles cette passion pour le cinéma. Comme elles ont à présent 5 et 8 ans, je peux commencer à leur montrer des choses différentes, on s'extrait enfin du dessin animé ! (même si le cinéma d'animation est souvent merveilleux).
Aujourd'hui, il s'agit des Choristes, de 2004, donc on remonte plutôt à la fin de mon adolescence et je n'avais pas vu le film depuis longtemps. Lors d'une soirée de nos vacances il y a trois jours, nous avons été pris par surprise lorsque nous avons entendu de la musique provenant d'un champ voisin. Intrigués, nous avons marché en direction du son et j'ai reconnu la première scène du film de Christophe Barratier, diffusée sur un écran géant lors d'une séance en plein air en Drive-in. L'occasion était trop belle pour la rater, on est restés.
Etonnamment, Les choristes est souvent critiqué par les cinéphiles, pour des raisons assez obscures. Certains déplorent peut-être un certain académisme ; j'adore pour ma part ces films qui nous permettent de plonger dans cette France des années 40, un peu démodée mais au charme fou. On peut rapprocher le film de Effroyables jardins de Jean Becker, sorti l'année précédente. Cette adaptation du livre de Michel Quint est moins connue que Les Choristes mais fait également partie de mes chouchous, figurant dans mon top 500. Je vous le conseille absolument. Les deux placent leur intrigue dans un monde de guerre ou d'après-guerre et on retrouve l'idée du long flashback qui fait office de souvenir. On y trouve le même charme, les vêtements désuets et le phrasé d'autrefois, mais aussi les côtés plus sombres comme, dans Les Choristes, le mauvais traitement des enfants à l'école par le biais de punitions abusives.
Si vous souhaitez découvrir le film avec vos enfants, sachez que, malgré son côté "jolie morale", il contient beaucoup de grossièretés (gros mots allant jusqu'à "enculé", "pute", "tripoter la bite") et de scènes parfois violentes (punition au martinet, gifles données aux enfants, évocation de suicide). Cependant, mes filles n'ont pas semblé perturbées plus que ça, mais je pense qu'il est nécessaire d'expliquer aux enfants que ces scènes datent d'un autre temps, et que le vocabulaire n'est pas adapté dans des conversations polies. Tous ces aspects, qui pourraient susciter des questionnements de leur part, proviennent d'un unique personnage : celui de Mondain, magistralement interprété par Grégory Gatignol.
Cependant, ce personnage est également l'occasion de rappeler que la punition et la sévérité sont parfois totalement inefficaces. Il est aussi question d'injustice puisque Mondain est battu et accusé à tort pour un vol qu'il n'a pas commis. Il est regrettable que le film ne s'attarde pas davantage sur le passé de Mondain et sur les potentiels traumatismes qui ont pu le mener à adopter un tel comportement agressif, à l'égard de tout le monde. On ressent une faille lors de la scène du cachot, où il semble désabusé, mais ça n'ira pas plus loin. Malgré tout, ça dénonce aussi l'impuissance que l'école connait parfois, même de nos jours, lorsque des éléments dits "perturbateurs" sont baladés de villes en villes, d'établissements en établissements. "On ne peut rien en tirer".
Le film est également magistral pour montrer que l'éducation ne passe pas que par la répression (incarnée par l'excellent François Berléand), et que celle-ci est d'ailleurs souvent néfaste. Certains mauvais comportements peuvent être corrigés par des tentatives d'enseigner autrement, ou de proposer une ouverture sur d'autres activités. Grâce à la musique et cette fabuleuse chorale, de nombreux élèves du Fond de l'Etang découvrent un nouveau plaisir, une joie qu'ils n'avaient pas dans ces lieux sinistres. Les choristes a également l'intelligence de montrer que ce n'est pas une recette miracle et que ces méthodes ne fonctionnent pas sur tous. Mondain, par exemple, ne pourra pas être récupéré par ce biais.
Les acteurs sont tous exceptionnels, à commencer par Gérard Jugnot qui est impeccable du début à la fin, parfois sévère, parfois conciliant. Il incarne le bon sens et donne à son personnage une incroyable douceur. Quant aux enfants, ils sont tous parfaits, chacun imposant son caractère, et la palme revient évidemment à Jean-Baptiste Maunier, génial dans la peau de cet enfant torturé par l'absence de sa mère et le syndrome de l'abandon. Morange est mutique mais toutes ses émotions passent puissance 1000 par le regard du jeune acteur prodige, tantôt rebelle, tantôt très doux. La relation entre Morange et Mathieu est passionnante et émouvante.
Et puis, bien sûr, les musiques. Les enfants comme les adultes peuvent être profondément emportés par les chansons des Choristes, composées par Bruno Coulais et devenues cultes instantanément après la sortie du film. Toutes sont grandioses, touchantes, sublimes. Mes filles étaient émerveillées, et le don de Jean-Baptiste Maunier associé à sa "gueule d'ange" font clairement la force du film.
Bref, Les Choristes est une petite pépite que je redécouvre toujours avec un immense plaisir. Le film est court et efficace, drôle et poignant, cruel et doux. Un petit chef d'œuvre qui se conclut dans une merveilleuse poésie nostalgique.