Moonlight - de Barry Jenkins - Critique

      Merci à Boris pour m'avoir incité à découvrir Moonlight, qui a remporté l'Oscar du meilleur film en 2017. On y suit, sur trois périodes de sa vie, l'évolution de Chiron depuis son enfance difficile dans un quartier de Miami. Bien que d'autres films auraient à mon goût davantage mérité l'Oscar cette année-là (notamment La La Land, et même Manchester by the sea ou Premier Contact auraient pu lorgner sur la récompense), je comprends amplement que la statuette lui ait été attribuée, en particulier pour l'importance de ses messages dans le cinéma US. Moonlight est un film fort, passionnant et touchant, même s'il n'est pas toujours de la plus grande subtilité.

     Moonlight est un drame superbe, il traite de nombreux sujets importants tels que le harcèlement scolaire, l'enfance et l'adolescence gâchée indirectement par la drogue, ou bien sûr l'homosexualité et la quasi-impossibilité de faire son coming out dans certains environnements. Le fil conducteur, qui guide le montage, est intéressant, puisque le film est découpé en trois parties qui correspondent à trois surnoms donnés au protagoniste principal : Little, Chiron et Black, dont il va devoir essayer de s'émanciper. J'ai de loin préféré la première partie sur laquelle j'ai été le plus sensible, notamment sur la relation mère-fils absolument tragique pour chacun des deux personnages, mais aussi pour la présence de Mahershala Ali dont le charisme est démesuré.

      Certaines séquences m'ont happé dans l'intrigue, comme le regard que Paula adresse à son jeune fils, aveuglée par l'addiction. On sent à quel point ce regard s'est transformé en traumatisme chez Little, marquant à jamais le reste de sa vie d'adolescent et d'adulte. Les couleurs sont magnifiques, tout comme les musiques qui parcourent l'intégralité du film. J'ai trouvé que la BO apportait quelque chose de très absorbant, elle nous tient du début à la fin.

     La deuxième partie se concentre davantage sur la quête d'identité sexuelle et sur le harcèlement scolaire, j'ai également trouvé cette partie très réussie, notamment en terme de subtilité. En effet, l'ellipse entre l'enfance et l'adolescence est à la fois très douce et très brutale, puisque Chiron est hanté par un deuil qui n'est jamais expliqué ni explicité. Le jeune homme garde tout à l'intérieur, plus renfermé que jamais, et on ressent profondément son mal-être à chaque instant de sa misérable vie, jusqu'à sa première expérience sexuelle. Cette partie se termine sur une scène terriblement attendue, mais libératrice, même si j'ai regretté de ne pas avoir entendu Chiron exprimer les choses verbalement. J'ai trouvé également regrettable que Teresa disparaisse totalement du paysage à partir de la moitié du film, sans raison apparente.

     La dernière partie, quant à elle, m'a déçu. Là encore, le processus semble long jusqu'à ce que Black ose enfin exprimer quelque chose, et le chemin est si long pour y arriver qu'il en devient très attendu, et pour le coup, peu subtil. La vie d'adulte de Black touche un peu moins la corde sensible, mis à part une scène avec Paula qui vient relever le tout en terme d'émotion. A part ça, on a peu de choses à se mettre sous la dent jusqu'à la séquence finale dans le restaurant qui retombe un peu comme un soufflé, car on l'attend nécessairement sans grande surprise.

     Malgré tout, j'ai adoré Moonlight et notamment la construction du film avec ses ellipses très discrètes, et un choix de casting exceptionnel puisque chaque acteur est parfait et cohérent pour interpréter Chiron à trois âges différents. Je remercie donc à nouveau Boris the Blade pour m'avoir permis de découvrir ce drame que je ne pensais pas autant apprécier.