Quelle arnaque. Depuis que Megalopolis est sorti (j'étais tout fier d'avoir trouvé le jeu de mot "Megaflop-olis" pendant la séance, avant de voir que tout le monde l'utilisait déjà sur internet), les critiques pleuvent et toutes expriment à peu près la même chose : "j'ai dû le voir deux fois et je ne sais toujours pas quoi en penser", "c'est entre le navet et le chef d'œuvre", "oh lala mais je ne sais même pas quoi dire dessus tellement il y a de choses à dire". Pour ma part, on ne va pas tergiverser, Megalopolis est un projet mégalo d'un auteur mégalo, complètement raté (le projet, pas l'auteur), qui m'a mis totalement de côté, et laisse un arrière-goût amer de "tout ce tapage pour ça ??".
Je ne peux pas voir le film une deuxième fois car ce serait une torture, j'ai passé l'une des séances les plus longues de ma vie. Quel ennui ! Alors oui, d'accord, d'accord, c'est ambitieux. Je concède que Megalopolis est un film unique qui propose des idées jamais vues ailleurs. Mais ces idées avaient-elles vraiment besoin d'être montrées ? La question se pose quand on voit le résultat. C'est à mon goût la seule grande qualité du film : sa liberté extrême. Francis Ford Coppola a été obligé de financer son film lui-même, ce qui lui a permis de faire exactement ce qu'il voulait sans condition, sans formatage, et ça se ressent à l'écran. Les idées partent dans tous les sens et ça fuse de partout. Malheureusement, on comprend que personne n'ait voulu se mouiller dans le projet, car ce délire égocentré de Coppola est également imbuvable et ne peut que laisser les spectateurs sur le carreau : absence d'enjeux, absence de propos, absence d'émotion. Le film est, en plus, englobé dans une ambiance théâtrale insupportable qui force les acteurs à exagérer tous leurs traits... déjà que leurs personnages sont des caricatures ambulantes, ça forme un cocktail indigeste.
On a, en effet, des acteurs en roue libre comme Shia Labeouf (étrangement le plus intéressant du film), ou Adam Driver lui-même qui donne lieu à des séquences terriblement ridicules. Impossible de ne pas ressentir de la gêne devant ce César dramatique qui crie "No no no no no !!" vers la fin du film, c'était catastrophique. Sans compter tous les éléments du casting parfaitement inutiles, comme Dustin Hoffman dont les apparitions (et la disparition !) sont inexplicables.
L'impression générale qui ressort de Megalopolis est son manque cruel de subtilité. Le lien entre ce New York futuriste et la Rome Antique est martelé à la gueule du spectateur à coups de citations littéralement gravée dans du marbre, de personnages aux noms qui ne laissent place à aucun doute, qui vont même jusqu'à déblatérer des paroles de Marc Aurèle sans aucune métaphore. Tout est premier degré, sans double lecture. Les dialogues sont creux et pénibles à suivre, car l'ensemble n'est qu'un échange de phrases grandiloquentes qui, parfois, ne veulent rien dire dans le contexte où elles sont balancées. Les dialogues, d'ailleurs, n'en sont pas vraiment. La plupart du temps, les personnages se lancent dans des logorrhées d'une banalité affligeante et ne se répondent pas réellement entre eux. César, joué par Adam Driver, en est l'exemple frappant : il est juste à l'image de Coppola lui-même, dans un pur délire mégalo qui ne concerne que lui. Le personnage principal, en effet, cherche à créer l'œuvre la plus ambitieuse et fabuleuse du monde, afin de rassembler les gens et, surtout, que le monde entier se souvienne de lui. C'est un peu ce que Coppola essaie de faire ici en déployant des moyens faramineux pour, finalement, pas grand-chose. Il tombe même dans le ridicule avec un final pompeux au possible, à base de "tenons-nous la main et vivons tous ensemble", et c'est ceci que certains qualifient de chef d'œuvre ?
Le problème de Megalopolis, c'est qu'il n'a finalement rien à dire. Il ne fait qu'esquisser des idées par-ci par-là pour ne jamais les approfondir ni les exploiter. On sent en filigrane un propos sur la lutte des classes, entre ces bourgeois qui se complaisent dans leur monde de richesse et la classe populaire qui ramasse les miettes, mais le film entier se concentre presque exclusivement sur les premiers, et pas les deuxièmes. Parfois, on a une image sur des gens misérables qui les observent derrière les barreaux (ça dure trois secondes), parfois on assiste à des manifestations avec des panneaux et des slogans, on a droit aussi à des scènes de violences policières, sauf qu'elles sont rapidement éclipsées comme si elles n'avaient aucun intérêt, et que la vie de ces riches mégalos primait sur le reste. Je comprends que ça puisse faire partie du propos, pour démontrer que ces riches sont aveuglés par leur pouvoir et leur propre personne, mais Coppola n'en fait rien. On a même parfois l'impression qu'il glorifie tous ces personnages pourris jusqu'à la moelle.
De même, le film est terriblement réac par moments, notamment concernant l'image de la femme à l'ère MeToo. Les hermétiques du wokisme peuvent lever les yeux au ciel, je m'en fous : la représentation des femmes dans le film est parfois misogyne et souvent limite, tout comme ce passage à propos de viol sur mineure qui s'avère rapidement démentie en mettant en évidence le mensonge de la femme manipulatrice. Et on ne parlera même pas du personnage d'Aubrey Plaza, sexualisée à chaque instant, caricature outrancière de la femme vénale qui obtient tout ce qu'elle veut avec ses charmes. J'ai trouvé ça gênant et oldschool.
Je retiens tout de même quelques images qui m'ont époustouflé, il faut l'admettre. Toute la séquence des débris de "météorite" (pour ne pas spoiler) est une merveille visuelle qui m'a fait décrocher la mâchoire, car le choix des couleurs est sublime. Les ombres sur les immeubles, c'est une sacrée idée visuelle qui surprend et qui en jette. De même, les quelques secondes sur les statues qui s'effondrent est magnifique, avec une réelle ambiance et une mise en scène impressionnante. Malheureusement, niveau subtilité ça se pose là, encore une fois... La statue de la justice qui chute et se retrouve enchaînée à terre, celle des lois qui se brise, bon... Ok, on a compris le message, c'est bon. De même la scène du baiser sur les poutres en hauteur est plutôt jolie formellement, mais seulement visuellement car on ne ressent jamais une quelconque forme d'amour entre ces deux personnages. Et puis la scène pue le studio et ça annule l'effet de "grand espace".
Le comble, c'est que les seules scènes qui valent le coup étaient déjà dans la bande-annonce, malheureusement. Bande-annonce qui est mille fois plus réussie que ce film indigeste. C'est d'ailleurs sur cette note que je vais conclure cet article. Megalopolis a fait énormément de bruit mais c'est un pétard mouillé. A mon sens, c'est un film de Coppola fait uniquement pour Coppola. Le réalisateur est enfin parvenu, après 30 ans, à accoucher du projet de sa vie, et c'est cool pour lui, mais en faire un tel tapage n'était pas mérité.