Joker : folie à zéro aurait été un titre plus honnête. Ce deuxième volet est une non-suite, un non-film, un simple prétexte à se faire du fric sur le dos des adorateurs du premier film. Joker 2 est un troll pour les spectateurs, une grande blague des producteurs pour justifier la sortie d'un second opus. Je ne suis pas agacé par le propos, mais plutôt par la forme que prend ce Joker 2.
Joker : folie à zéro est malhonnête sous plein d'aspects.
Premièrement, le film a été vendu comme un retour du Joker libéré de ses chaînes ; la bande-annonce insistait en effet sur les scènes qui faisaient référence à celles, iconiques, du premier volet. Quand on se retrouve devant Joker 2, on se rend compte que tout ceci n'est que fantasmé par Arthur Fleck depuis sa prison. Le film est surtout un film de procès très classique avec, parfois, des délires fantasmés du personnage pour bien nous tenir éveillés. Attention, je ne déplore pas ce parti-pris qui aurait pu être très intéressant, mais les séquences sont vides et sans relief.
Deuxièmement, Joker 2 a vendu Harley Quinn comme un personnage important, qui rejoindrait les rangs du Joker pour une folie décuplée. Ce n'est pas le cas : Lady Gaga fait quasiment de la figuration puisque son personnage est vide et inexistant. Ses interactions avec Arthur font un flop, on peine même à comprendre comment les deux personnages ont pu se rencontrer tant ça défie toute cohérence scénaristique.
Troisièmement, le film a été vendu comme une comédie musicale, et je regrette mais on est loin du compte. Si vous cherchez un peu de chorégraphies, de spectacle, alors passez votre chemin : à part une séquence de claquettes très classique, il ne s'agit que de personnages qui chantent sans aucune conviction au beau milieu de scènes qui n'ont rien à voir avec lesdites chansons. Les chansons sont ennuyeuses au possible, car toujours interprétées de la même manière, sur un ton lent et répétitif. Les paroles, généralement, sont vides de sens et ne permettent ni d'expliquer une situation, ni de montrer la psychologie des personnages. A la fin, je ne lisais même plus les sous-titres tant les paroles n'étaient pas pertinentes. De plus, on n'a même pas l'occasion d'admirer la sublime voix de Lady Gaga puisqu'elle ne fait que chantonner doucement les paroles sans les interpréter. Quant à Joaquin Phoenix, il fait le job globalement mais on sent bien qu'il est constamment à la limite de chanter faux. C'en est presque gênant.
Tous ces points sont justifiés par une seule chose : la volonté de ne pas recréer l'iconisation du Joker dans le premier volet. Le message général du film est : "Non, vous n'aurez pas ce pour quoi vous êtes venus, vous n'aurez pas le Joker, mais seulement Arthur Fleck et son côté misérable". Todd Phillips renie presque son premier film en nous expliquant que nous sommes passés à côté du message, et surligne alors pendant 2h15 une seule idée : "vous ne devriez pas admirer le Joker". C'est à mon goût le dernier acte malhonnête du film, car Joker était justement un chef d'œuvre pour cette ambiguïté permanente entre le misérabilisme d'Arthur et l'iconisation du Joker. Joker était réussi justement parce qu'il nous plaçait dans une étrange situation : celle de compatir pour un tueur en série à travers la thématique de la maladie mentale. Joker nous montrait un personnage rejeté par les autres, détruit par son enfance, flingué par une société violente et injuste.
Ce n'est pas parce que quelques abrutis ont fait de Joker une légende, une icône, que le message du premier film n'a pas été compris. Joker : folie à deux est méprisant, on a l'impression d'être pris pour des cons pendant plus de 2h, comme si nous n'étions pas capables de prendre du recul sur le premier film et qu'on avait besoin de quelqu'un pour nous remettre dans le droit chemin. Malgré tout, n'est-ce pas Todd Phillips lui-même qui a créé ce personnage ? Qui l'a iconisé ? Qui en a fait un martyr ? Tout ceci est malhonnête, c'est comme si le réalisateur décidait de tuer son personnage, en niant littéralement son existence dans ce deuxième volet.
"On arrête tout, le Joker n'existe pas, seul Arthur Fleck existe". L'idée était très intéressante, mais terriblement mal amenée. J'aurais adoré voir cette idée développée avec subtilité, avec intelligence, et surtout avec un scénario digne de ce nom. Parce que là, malheureusement, je me suis fait chier d'un bout à l'autre du film tant il ne se passe rien. La comédie musicale aurait pu apporter de grandes scènes de procès chantées, j'aurais rêvé de voir des chansons dynamiques et entêtantes où le Joker et son accusation se seraient répondus, ça aurait été extrêmement classe. Mais ce n'est pas ce qui nous est proposé. Ici, on a davantage l'impression que le film est bombardé de dialogues chantés uniquement pour rallonger la durée du film, déjà très long pour ce qu'il a à raconter. Car le film, et c'est triste, n'a strictement rien à dire.
Pire que tout : Joker 2 ne développe aucun personnage. Harley Quinn est simplement une incarnation d'un public adorateur de Joker (le psychopathe, et le film), désillusionnée par la vraie nature de celui-ci. Quant à Arthur, sa psychologie n'est plus au centre de l'intrigue, on évoque à peine sa maladie mentale ou son syndrome pseudobulbaire... et quand c'est le cas, Joaquin Phoenix en fait des caisses et c'est assez mauvais. Même les violences dans les prisons sont reléguées au second plan, derrière un discours moralisateur un peu con : l'apologie de la violence, c'est pas bien. Todd Phillips a même le culot de critiquer ouvertement les œuvres qui mettent en avant les tueurs en série (avec cette histoire de téléfilm dont on nous rabâche les oreilles), car c'est effectivement une mode assez répandue. Mais il en oublie que Joker était précisément dans cette mouvance.
Bref, Joker 2 est inutilement long, chiant, rébarbatif, et ne propose aucun scénario ni aucun approfondissement de personnage. C'est juste un troll adressé à ceux qui auraient mal interprété le premier film : "Vous voulez voir la même chose ? Et ben non !". Sauf que dans ce cas, il faut proposer autre chose, pas seulement du vide. Personnellement, j'étais venu pour me prendre une claque pleine de surprises, certes à l'opposé du premier film, mais quelque chose d'un minimum entraînant. J'aurais rêvé de vivre cette désillusion avec quelque chose de délirant et de musical, mais c'est le calme plat.
Je retiendrai tout de même certaines scènes magnifiques du point de vue des costumes, de la couleur ou de la photographie, avec des jeux d'ombres sublimes. Mais Joker 2, c'est juste une blague inutile pour les demeurés qui n'avaient pas compris le premier.