Mon dieu, ce film. Coup de cœur immédiat. J'attendais L'amour ouf avec impatience car le projet me paraissait très ambitieux et que l'affiche était magnifique. La sortie du film en avant-première hier soir était donc pour moi un événement, j'avais même réservé ma place en avance (ce que je ne fais jamais) tant j'avais peur de ne pouvoir le voir. En m'installant dans la salle, déjà quasiment bondée, j'ai eu l'énorme plaisir d'admirer l'affiche du film sur grand écran durant 10 bonnes minutes. Cette affiche, putain, qu'elle est belle ! Je ne saurais expliquer pourquoi, mais j'en suis tombé amoureux. Mes yeux étaient rivés dessus et je n'avais qu'une chose en tête : "Pourvu que le film en soit à la hauteur".
Et bon sang, quel pied ! L'amour ouf est un projet qui trotte dans la tête de Gilles Lellouche depuis 2007, lorsqu'il a lu le livre de Neville Thompson que Benoît Poelvoorde lui avait conseillé. Il s'agit de l'histoire de deux adolescents. Lui est un voyou sans grande éducation, qui subit la violence de son père depuis tout petit. Elle est une jeune fille modèle, élevée par un père adorable. L'amour ouf relate leur rencontre et leur histoire sur plus de 10 ans, en deux grandes parties, un peu à la manière de The place beyond the pines.
Ce film, on le sent, a été fait avec le cœur, c'est une véritable déclaration d'amour à l'amour, mais aussi au cinéma. On assiste à 2h45 de pur cinéma, bourré d'idées de mise en scène folles que je n'aurais pas soupçonnées chez Lellouche, à coup de travellings, de gros plans, de zooms, mais pas que... L'amour ouf est ambitieux, fort, beau, grand. Rien que l'apparition du titre est incroyable, on ressent directement l'atmosphère des années 80-90 qui va parcourir l'entièreté du film, que ce soit à l'image comme à la musique. Le film est en effet ancré dans cette époque, marqué en terme d'ambiance, il a une identité très forte dès les premières minutes.
Le casting est d'une rare perfection. Vais-je citer tous les acteurs ? Oui. La première partie du film se concentre sur Jackie et Clotaire adolescents. Pour les interpréter, Gilles Lellouche a repéré Mallory Wanecque (qui m'avait déjà impressionné dans Pas de vagues) et Malik Frikah, que je découvre et qui crève l'écran à chaque instant. Son petit air d'Edward Furlong dans American History X n'y est pas pour rien. Les jeunes comédiens sont ici d'une justesse incroyable et n'ont pas à rougir d'Adèle Exarchopoulos et François Civil qui prennent leur relève dans la deuxième partie du film. Ces deux-là, inutile d'en parler, ils sont exceptionnels et tout le monde le sait déjà.
Mais le casting ne se limite pas à ces quatre têtes d'affiche, car l'ensemble des seconds rôles forme une galerie de personnages passionnants ou drôles, tous parfaitement interprétés par une flopée d'acteurs de talent. Alain Chabat est aussi puissant dans le rôle du père compréhensif que Karim Leklou dans celui du père négligent, Elodie Bouchez rayonne de talent et de délicatesse, Raphaël Quenard fait du Raphaël Quenard et, donc, apporte beaucoup de rire. Benoît Poelvoorde est convaincant en grand caïd, tout comme Anthony Bajon dans son unique scène marquante, et Vincent Lacoste confirme son aisance à la fois dans la douceur et la violence (l'une des scènes impliquant une cabine téléphonique est d'une rare explosion). Il n'y a guère que Jean-Pascal Zadi qui m'ait déçu dans ce film, car, même s'il est très drôle, son personnage adulte ne correspond pas du tout au Lionel adolescent auquel on s'était attaché dans la première moitié.
Tout ce casting est au service d'un film de grande ampleur à tous niveaux. La mise en scène de Gilles Lellouche fut un délice à découvrir, tant le film regorge d'idées toutes aussi folles les unes que les autres. On sent une réelle passion pour le cinéma dès les premières séquences, avec par exemple ces ombres sur le mur d'un parking souterrain, ou encore ce plan d'Adèle Exarchopoulos courant dans la rue vers une cabine téléphonique, et ce regard de François Civil en réaction à la sonnerie du téléphone, qui indiquent dès le départ une forte relation entre les deux personnages. L'ouverture du film pourra décevoir quelques spectateurs après coup, car Gilles Lellouche utilise un procédé à la limite de la fourberie, mais c'est passé pour moi comme une lettre à La poste. Je n'en dis pas plus.
L'amour ouf, c'est pratiquement une idée pour chaque scène. La lumière est exquise, il y a des effets de flou parfois, qui se mêlent à la lumière éblouissante et débordent de couleurs, qui m'ont subjugué. Je retiens aussi une séquence absolument géniale d'un point de vue technique, lorsque Lellouche nous montre les différents personnages les uns après les autres, avec des transitions complètement folles. La caméra effectue des rotations de 90° rapides et successives pour passer d'un personnage à l'autre, suivies d'un dézoom qui accentue le côté dramatique de la situation. J'ai trouvé ça magnifique. De même, Gilles Lellouche utilise des whip-pan parfois, à la manière de Damien Chazelle : la caméra fouette l'espace pour montrer François Civil et Adèle Exarchopoulos dans un même plan. C'est prodigieux.
On a même droit à une séquence de comédie musicale, où les deux jeunes acteurs dansent sur la musique de The Cure, qui est à tomber.
Tout ceci, c'est sans parler de l'émotion qui suinte entre les personnages, que ce soit dans la scène déchirante à l'hôpital ou dans cette discussion entre Jackie et son père qui fera verser des larmes à beaucoup de monde grâce aux interprétations intenses d'Adèle Exarchopoulos et d'Alain Chabat. En écrivant cet article, je ne peux pas vous exprimer mon irrésistible envie de revoir le film immédiatement.
Bref, foncez voir ce bijou lorsqu'il sortira dans nos salles mercredi, c'est un film français d'une ambition démesurée, et qui honore son ambition jusqu'à la fin. C'est une romance d'aventure intense et belle, parfois drôle, souvent dramatique. Un film de grande qualité comme on en voit peu en France.
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