Les figures de l'ombre - de Theodore Melfi - Critique

Les figures de l'ombre - de Theodore Melfi - Critique

     Quelle déception... Lorsqu'on est passionné de mathématiques, on s'intéresse aux grands mathématiciens de l'Histoire mais, aussi, aux grandes mathématiciennes qui ont été malheureusement invisibilisées. Les figures de l'ombre tente de mettre en lumière trois femmes noires brillantes qui ont contribué à faire avancer la science : Katherine Johnson, Mary Jackson et Dorothy Vaughan. Malheureusement, le film ne leur fait pas honneur plus que ça, à cause d'un académisme infernal qui rend le génie de ces trois femmes presque banal.

 

Les figures de l'ombre - de Theodore Melfi - Critique

      Les figures de l'ombre est un réchauffé de tout ce qu'on peut voir au cinéma lorsqu'il s'agit de biopic historique plein de bons sentiments. Même si l'histoire de fond est passionnante, tout est gâché par des musiques creuses, des scènes forcées et des dialogues parfois catastrophiques. Le film est un condensé de performances moyennement convaincantes et de scènes prévisibles. Chaque personnage est exactement là où on l'attend, chaque séquence est exactement conforme à l'idée qu'on se fait d'un tel scénario : tout est romancé à outrance pour faire une espèce de soupe globalement satisfaisante mais tiédasse.

 

     Pour moi qui suis prof de maths, passionné de sciences et d'espace, et qui connais vaguement l'histoire de ces trois femmes, Les figures de l'ombre est un échec décevant : je suis frustré et triste de voir un tel manque d'originalité dans la mise en scène, une telle platitude dans les événements et les relations entre les personnages. Katherine Johnson, Mary Jackson et Dorothy Vaughan sont ici des personnages attendus, des sortes de super-héroïnes qui exécutent des calculs de tête à la vitesse de la lumière, qui parviennent à accomplir des exploits en claquant des doigts. Encore une fois, voilà un film qui n'a absolument rien compris à la manière dont fonctionne un raisonnement scientifique, qui n'a aucune idée de la manière dont le génie peut se manifester. C'en est parfois ridicule.

 

Les figures de l'ombre - de Theodore Melfi - Critique

      Le casting est pas mal, on ne peut pas dire le contraire. Je n'ai jamais pu supporter Octavia Spencer (et ça ne change pas ici), mais Taraji P. Henson et Janelle Monáe sont plutôt convaincantes, à défaut de proposer des performances inoubliables. Les trois actrices font leur job même si rien n'est transcendant, tout comme Kevin Costner, Kirsten Dunst ou Jim Parsons qui s'en sortent dans des rôles déjà vus mille fois. Cependant, rien ne semble dépasser, tout est calibré pour obtenir des récompenses, il n'y a aucune effervescence, aucune audace, aucune surprise.

 

   On ne peut pas dire que le film soit complètement raté parce que cet épisode méconnu est tout de même incroyable et passionnant. L'effort de mettre en lumière des femmes scientifiques est louable car on les voit très rarement au cinéma, surtout lorsqu'elles sont noires. De même, mettre en avant des choses positives notamment en ce qui concerne l'évolution des droits (pour les femmes, pour les personnes de couleur) est nécessaire, dommage que ça n'ait pas été fait de manière très intelligente ni subtile. Les figures de l'ombre, en effet, est d'une lourdeur assez conséquente notamment en terme de dialogues ou de ressorts scénaristiques. A de nombreuses reprises, le spectateur est pris pour un débile, à grand renfort d'indices appuyés et de répliques stupides.

 

     Bref, j'aurais aimé voir un film engagé, surprenant, excitant, mais je n'ai eu qu'un concentré d'académisme relativement cliché. Tant pis.

 

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R
Oui, un biopic trop académique, et sans ambition formelle, comme il s'en fait bien trop aux États-Unis.<br /> Le sujet permet aussi trop de bien-pensance à peu de frais, en accentuant les caricatures, avec des racistes très racistes, des gentils alliés blancs, des géniales mathématiciennes dont le génie saute tellement aux yeux qu'on se demande comment ces idiots ont pu être si aveugles !<br /> Bref, que de la soupe de clichés, faisant fi de la complexité du réel.<br /> <br /> Pour prendre un autre exemple, malgré toutes les critiques qu'on peut faire à ce film, Green Book avait le mérite de montrer à la fois que des américains racistes et sudistes pouvaient reconnaitre le talent d'un pianiste noir, s'enthousiasmer et l'applaudir, et à la fois lui demander d'aller faire ses besoins à l'écart dans un cabinet au fond du jardin, ou lui interdire de manger dans le restaurant où il allait pourtant se produire en concert.<br /> <br /> Et enfin, sur le sujet du féminisme, j'ai découvert hier le film de Mizoguchi "flamme de mon amour", et si tu veux découvrir un vrai film "féministe", dans lequel le sujet est traité dans sa complexité prenant en compte les réelles contradictions propres à l'époque où se déroule le film, tout en étant intransigeant sur la quête d'émancipation, ce film est fait pour toi.
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S
Oui c'est clairement une régression, c'est même assez inquiétant quand on y pense.
R
Green Book est peut-être un peu plus subtil, le fait que ce soit un duo en road trip fait qu'il y a quelques bonnes interactions, et les personnages évoluent vraiment au fil de leur traversée au contact de l'autre. Ça reste dispensable et gentillet.<br /> <br /> Je crois que les gens ont besoin aujourd'hui de se sentir représentés, et de voir leurs combats portés à l'écran, et se fichent au fond de la qualité du film au final. C'est la logique de représentation Netflix qui prévaut comme critère de qualité pour juger les oeuvres. Et je ne parle pas que du grand public, mais même de nombreux étudiants en cinéma, pour qui un film qui n'est pas en accord avec leurs valeurs ne peut pas être bon selon eux (alors, les critères sont quand même un peu plus élevés que pour le grand public qui consomme du Netflix, mais la logique de fond est la même), et qui présentent malheureusement des lacunes dans l'analyse de séquence (la base de l'exercice d'étude cinématographique fait à la fac de cinéma) à force de privilégier le détail et la méta-analyse à l'étude des images.<br /> <br /> Pour moi, c'est une régression, parce que s'intéresser à une oeuvre artistico-narrative, c'est aussi se remettre en question, découvrir l'autre.
S
Je vais jeter un oeil sur le film de Mizoguchi, t'as attisé ma curiosité !<br /> <br /> Quant à Green Book je ne l'ai jamais vu, j'ai l'intuition que c'est le même genre de proposition...<br /> <br /> Ce qui me surprend surtout c'est de voir le public se faire avoir en beauté par tout ce côté consensuel. Le film semble unanimement acclamé.