Quelle déception... Lorsqu'on est passionné de mathématiques, on s'intéresse aux grands mathématiciens de l'Histoire mais, aussi, aux grandes mathématiciennes qui ont été malheureusement invisibilisées. Les figures de l'ombre tente de mettre en lumière trois femmes noires brillantes qui ont contribué à faire avancer la science : Katherine Johnson, Mary Jackson et Dorothy Vaughan. Malheureusement, le film ne leur fait pas honneur plus que ça, à cause d'un académisme infernal qui rend le génie de ces trois femmes presque banal.
Les figures de l'ombre est un réchauffé de tout ce qu'on peut voir au cinéma lorsqu'il s'agit de biopic historique plein de bons sentiments. Même si l'histoire de fond est passionnante, tout est gâché par des musiques creuses, des scènes forcées et des dialogues parfois catastrophiques. Le film est un condensé de performances moyennement convaincantes et de scènes prévisibles. Chaque personnage est exactement là où on l'attend, chaque séquence est exactement conforme à l'idée qu'on se fait d'un tel scénario : tout est romancé à outrance pour faire une espèce de soupe globalement satisfaisante mais tiédasse.
Pour moi qui suis prof de maths, passionné de sciences et d'espace, et qui connais vaguement l'histoire de ces trois femmes, Les figures de l'ombre est un échec décevant : je suis frustré et triste de voir un tel manque d'originalité dans la mise en scène, une telle platitude dans les événements et les relations entre les personnages. Katherine Johnson, Mary Jackson et Dorothy Vaughan sont ici des personnages attendus, des sortes de super-héroïnes qui exécutent des calculs de tête à la vitesse de la lumière, qui parviennent à accomplir des exploits en claquant des doigts. Encore une fois, voilà un film qui n'a absolument rien compris à la manière dont fonctionne un raisonnement scientifique, qui n'a aucune idée de la manière dont le génie peut se manifester. C'en est parfois ridicule.
Le casting est pas mal, on ne peut pas dire le contraire. Je n'ai jamais pu supporter Octavia Spencer (et ça ne change pas ici), mais Taraji P. Henson et Janelle Monáe sont plutôt convaincantes, à défaut de proposer des performances inoubliables. Les trois actrices font leur job même si rien n'est transcendant, tout comme Kevin Costner, Kirsten Dunst ou Jim Parsons qui s'en sortent dans des rôles déjà vus mille fois. Cependant, rien ne semble dépasser, tout est calibré pour obtenir des récompenses, il n'y a aucune effervescence, aucune audace, aucune surprise.
On ne peut pas dire que le film soit complètement raté parce que cet épisode méconnu est tout de même incroyable et passionnant. L'effort de mettre en lumière des femmes scientifiques est louable car on les voit très rarement au cinéma, surtout lorsqu'elles sont noires. De même, mettre en avant des choses positives notamment en ce qui concerne l'évolution des droits (pour les femmes, pour les personnes de couleur) est nécessaire, dommage que ça n'ait pas été fait de manière très intelligente ni subtile. Les figures de l'ombre, en effet, est d'une lourdeur assez conséquente notamment en terme de dialogues ou de ressorts scénaristiques. A de nombreuses reprises, le spectateur est pris pour un débile, à grand renfort d'indices appuyés et de répliques stupides.
Bref, j'aurais aimé voir un film engagé, surprenant, excitant, mais je n'ai eu qu'un concentré d'académisme relativement cliché. Tant pis.