Presence - de Steven Soderbergh - Critique et explication

Presence - de Steven Soderbergh - Critique et explication

      Difficile de se motiver à découvrir un film au cinéma lorsque la plupart des avis sont extrêmement mitigés. Le principe de Presence est pourtant fascinant et donne envie : nous suivons pendant 1h20 l'histoire d'une famille sous le point de vue d'un fantôme qui hante la maison. Certains parlent de film chiant, d'idée ratée. Pour ma part, Presence est une petite perle aussi touchante que cohérente, qui méritera à mon goût un second visionnage. Sacrée surprise pour cette jolie proposition de Soderbergh.

 

Critique sans spoiler

Presence - de Steven Soderbergh - Critique et explication

      Pour une fois, on va faire comme 95% des youtubeurs ciné en commençant par une brève critique du film sans aucun spoiler, car révéler la fin de Presence serait terrible. Etant donné que le film a fait un petit flop, je voudrais d'abord vous pousser à aller le découvrir avant qu'il ne disparaisse de nos salles (ce qui est déjà quasiment le cas, et c'est triste). Presence est un drame : celui d'une entité dont on ne connait pas vraiment l'identité, mais semble fortement attachée à une jeune fille, Chloe, ainsi qu'à ses parents et son frère. Au fur et à mesure qu'on apprend à découvrir cette famille, des indices nous sont donnés au compte-goutte, jusqu'à un dénouement d'une incroyable et émouvante cohérence. Mais nous parlerons de ça plus bas.

 

     Au départ, j'étais moyennement convaincu par le dispositif : le Steadicam est certes idéal pour ce genre de point de vue, ça donne un effet aérien plutôt efficace, mais quelques détails techniques m'ont fait tiquer. Par exemple, on ressent clairement que le réalisateur monte les marches lorsque le fantôme emprunte l'escalier (c'est Soderbergh lui-même qui tient la caméra). De même, j'ai eu du mal, au début, à me mettre dans la peau de cet esprit, dont les mouvements semblent bien trop terre-à-terre. Parfois, j'aurais eu envie que la caméra s'évade, pourquoi pas traverse des murs, s'envole, un peu à la manière de celle de Gaspar Noé dans Enter the Void. J'ai trouvé que la caméra avait souvent davantage un comportement de caméra que de fantôme, ce qui a failli me gâcher l'expérience.

 

Presence - de Steven Soderbergh - Critique et explication

      Cependant, j'ai fini par m'y faire, notamment grâce aux plans-séquences qui permettent de s'immerger dans l'atmosphère de la maison. On pense souvent à A Ghost Story, et cette comparaison est un sacré compliment de ma part. Et puis, on y trouve de très belles idées, notamment cette tendance du fantôme à se réfugier dans le placard de Chloe, ce qui permet de ressentir brièvement ses émotions. L'entité a des accès de colère, de tristesse : la caméra est active. Il y a une scène lors de laquelle l'esprit monte brusquement les escaliers pour aller se cacher dans la penderie, et j'ai presque ressenti ses larmes. C'était très joli. De plus, le film bénéficie d'une magnifique photographie, les lumières sont tantôt éclatantes, tantôt tamisées et réconfortantes. Il n'est pas difficile de se plonger dans le quotidien de cette famille.

 

      Niveau scénario, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde car tout est fait pour qu'on se pose le maximum de questions : quelle est l'histoire de cette famille ? Quel est le drame qui les menace ? Et surtout : quelle est l'identité de cette présence ? Ses motivations ? Le film aborde des thèmes parfois inattendus, comme le fait de faire confiance à ses enfants (la relation père-fille est sublime), ou les dangers liés aux mauvaises fréquentations. Certaines séquences sont un peu plus discutables, je n'ai pas trop aimé celle qui tourne autour de la médium, elle est clichée et très vite expédiée, d'autant que le jeu de Natalie Woolams-Torres (la médium) est globalement mal géré dans cette scène. L'actrice ne semble pas vraiment savoir comment elle doit interagir avec la caméra, c'en est presque gênant. Par contre, le reste du casting est impeccable, que ce soit Lucy Liu en mère distante, Chris Sullivan en père compréhensif, Eddy Maday en frère rebelle, ou bien sûr Callina Lyang en jeune fille incomprise et endeuillée.

 

     Je m'arrête ici pour cette critique. Globalement, Presence est un excellent film que je reverrai probablement avec plaisir. Une belle proposition intéressante, malgré quelques défauts. Je vous encourage à aller vous faire votre avis.

 

Explication de la fin

Presence - de Steven Soderbergh - Critique et explication

      Vous êtes prévenus : je vais maintenant spoiler la fin du film. J'ai cru que le dénouement serait classique et que Presence ne serait finalement qu'une histoire de vengeance. Jusqu'au bout, j'ai pensé que cette "présence" était Nadia (la meilleure amie décédée de Chloe), ou même la deuxième amie dont les personnages parlent de temps en temps, bien que ça n'ait pas totalement de sens. Je ne me serais jamais imaginé qu'il s'agissait en fait de Tyler, le frère de Chloe. Il y a donc un sentiment de vengeance de la part du fantôme, mais aussi des regrets, de l'amour.

 

      Pendant une bonne partie du film, j'ai été gêné par le fait que le fantôme évite soigneusement les miroirs. J'ai pensé (bêtement) que Soderbergh n'avait pas voulu s'encombrer de procédés techniques pour effacer numériquement la caméra dans les divers reflets. Pourtant, tout ceci avait pour objectif de ne pas révéler l'identité de cette présence, qui nous est dévoilée lors du dernier plan. Comme la médium l'explique en milieu de film, le temps n'est pas le même pour les vivants et les morts : il est possible que la réalité du fantôme navigue dans diverses époques. A la fin du film, on comprend que l'esprit de Tyler est parvenu à revenir en arrière pour sauver sa propre sœur, ce qui explique pourquoi le fantôme est attaché à cette maison précisément. En effet, il n'aurait pas été logique qu'une amie de Chloe hante les lieux, et c'est ce qui m'avait fait tiquer pendant une bonne partie du film.

 

      Avec ce twist final, l'intégralité des actions du fantôme prend tout son sens, même s'il subsiste une sorte de paradoxe de boucle temporelle difficile à expliquer (le fameux paradoxe de Terminator). Emotionnellement parlant, par contre, cette fin est magnifique car on comprend toutes les motivations du fantôme. Sa manière de dévier le regard lorsque sa sœur couche avec son ancien ami. Sa façon de la protéger, de veiller sur elle en se cachant dans son placard. On comprend également pourquoi le fantôme semble aussi en colère contre Tyler : il se hait lui-même pour n'avoir pas cru sa sœur et pour avoir agi en connard, allant jusqu'à détruire sa propre chambre avec rage. Cette révélation m'a donné envie de revoir le film pour en saisir toutes les subtilités, car je sens que je suis passé à côté d'une tonne de détails qui donnent à Presence encore plus de cohérence. Quoiqu'il en soit, j'ai trouvé l'idée magnifique et savoureuse.

 

Presence - de Steven Soderbergh - Critique et explication

      Bref, j'ai beaucoup aimé Presence, que j'ai trouvé aussi touchant que bien foutu visuellement. Pour un retour au cinéma (c'est ma première séance de 2025, je crois), ce fut une très agréable surprise.

 

 

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