A Swedish Love Story - de Roy Andersson - Critique

      Wouaw. Je ne m'attendais absolument pas à ce que ce film suédois soit un tel coup de cœur, de ceux qui marquent durablement. Voilà le cinéma que j'aime, celui qui me fascine, qui m'émeut, qui m'emporte. A Swedish Love Story (Une histoire d'amour suédoise, en français) est un drame romantique mélancolique de 1970, véritable pépite en terme d'atmosphère, de jeux de regards magnifiques, de musique, et même de propos sur la jeunesse. Quelques heures après l'avoir vu, le film ne cesse de tourner dans mon esprit.

      A Swedish Love Story, c'est l'histoire d'Annika et Pär, deux adolescents d'une quinzaine d'années dont les chemins se croisent par hasard. De ces jeux de regards va naître une envie de se connaître et de s'aimer. Tout autour d’eux gravitent des adultes désabusés et amers, qui contrastent avec leur amour naissant. Le film met en avant la fraîcheur et l'insouciance d'une jeunesse qui s'oppose à ce monde d'adultes en perdition. 

     La première séquence de regards (images ci-dessus) est une merveille et m'a plongé immédiatement dans l'ambiance. A partir de cet instant, je n'ai plus décollé les yeux de l'écran. La mise en scène est sobre mais subtile : la rencontre entre Annika et Pär ne contient aucun dialogue, tout passe par les regards furtifs, captés ou non par les personnages, mais aussi par les silences qui permettent de comprendre qu'un amour timide est en train de naître. Les deux jeunes acteurs sont brillants et leurs visages transmettent des milliers d'émotions. Suite à cette scène, le réalisateur Roy Andersson prend son temps pour développer cette relation maladroite, et l'attente est un délice. Les deux adolescents se rencontrent à plusieurs reprises mais n'osent pas s'adresser la parole ni s'avouer, il règne une ambiance de pureté et de sincérité sublime à suivre. J'aurais voulu que le film dure 3 heures.

      En dehors de ces séquences d'un romantisme sobre et envoûtant, A Swedish Love Story nous montre aussi des jeunes sans repères, arpentant la ville sur leur mobylette, leur veste en cuir sur le dos, mâchant du chewing-gum et fumant la cigarette, traînant toute la journée dans les bars pour jouer au flipper. Les enfants sont comme livrés à eux-mêmes, car leurs parents sont défaillants pour de multiples raisons, notamment ceux d'Annika qui sont clairement dans une dépression. Cette ambiance délétère, Annika et Pär tentent par tous les moyens de s'en protéger en fuyant la maison. Tous les deux, ils vont trouver une forme de bonheur à se découvrir, affichant des sourires innocents pendant la grande majorité du film ou, au contraire, des larmes de tristesse face à leurs premiers émois amoureux. L'ensemble est juste magnifique.

      C'est sans parler de la scène dans le terrain vague qui a donné naissance à l'affiche du film : elle est à la fois poignante et touchante, j'ai même ressenti la tension amoureuse entre les deux personnages lorsque Pär décide de faire demi-tour pour retrouver une Annika en larmes. Ces deux gosses ont une part de maturité, probablement fondée sur le déséquilibre de leur cadre familial, qui est très jolie à voir et les rend d'autant plus attachants. A vous filer des frissons.

      Une fois la relation d'amour établie et engagée, le film prend un virage étonnant pour son dernier acte, mais il prend tout son sens avec le propos du film. En effet, lors de la dernière demi-heure, la caméra lâche les deux amoureux pour se concentrer sur les adultes. A partir de ce moment, les tensions ne sont plus amoureuses mais dramatiques et déprimantes : les adultes ne vont pas bien, ils ont perdu toute cette insouciance et cette envie de vivre et d'aimer. Ils se confrontent durant un repas de famille qui tourne au délire, tandis que Pär et Annika disparaissent de l'écran. Roy Andresson décide en effet de les écarter afin de les protéger de toute cette noirceur.

      A Swedish Love Story se conclut alors de la plus poétique des façons sur un dialogue entre les deux enfants qui, voyant les adultes revenir de la forêt, se demandent d'où ils viennent. Pär, d'une candeur absolue, répondra que leurs parents étaient certainement partis pêcher. Une réponse simple, naïve : une réponse d'enfant qui ne saisit pas tous les problèmes de ces adultes en perte d'espoir. Un instant, j'ai vu mes enfants à leur place, je me suis même revu enfant moi-même, loin de tous les drames et de toutes les difficultés liées au monde adulte. C'est une conclusion déchirante, aussi belle et lumineuse que triste et sombre.

     Bref, je recommande chaudement A Swedish Love Story, un réel coup de cœur, petit chef d'œuvre suédois. Pour le moment le plus beau film que j'ai vu cette année, en dehors d'Aftersun.