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Audition - de Takashi Miike - Critique

Audition - de Takashi Miike - Critique

      Un homme veuf fait passer une fausse audition à des jeunes femmes dans l'espoir d'y rencontrer sa future épouse. Il tombe amoureux d'Asami, qui semble aussi douce que mystérieuse. Pour mon premier Takashi Miike, j'ai directement attaqué par son film le plus populaire : Audition est perturbant et obscur, certaines scènes vont me marquer longtemps.

 

     Attention : l'article révèle tous les enjeux importants du film.

 

Audition - de Takashi Miike - Critique

       Hier soir, à la fin du film, Audition n'aurait sans doute même pas figuré dans mon top 500. La première heure souffre de quelques longueurs et l'intensité dramatique tarde à s'installer ; certaines musiques sont particulièrement plates et peu inspirées. Avec le recul, cependant, c'est bien le seul reproche que j'aurais à adresser à Audition. Une nuit de sommeil plus tard, il est évident que le film m'a marqué bien plus que prévu : la voix enfantine d'Asami qui susurre "Kiri kiri kiri" me hante déjà. Si vous avez vu le film, vous savez exactement de quoi je parle.

 

Audition - de Takashi Miike - Critique

      Le film est brillant dans sa construction et dans les thèmes qu'il aborde, tout en subtilité. Le découpage du film est astucieux, avec une première heure romantique et mélodramatique qui bascule brutalement dans l'horreur pure. L'effet est un peu gâché par l'affiche, qui spoile le déroulement des événements, mais Takashi Miike ne cherche pas spécialement à garder l'identité d'Asami secrète. Sa personnalité est trouble dès le départ, dévoilée via des scènes proches du glauque, avec en bonus l'un des jumpscares les plus efficaces que j'ai vus depuis longtemps.

 

Audition - de Takashi Miike - Critique

      Le malaise doit d'abord son efficacité à Eihi Shiina, glaçante et inquiétante dans le rôle d'Asami. Son jeu est magistral du début à la fin. Que ce soit dans les séquences romantiques, avec son regard innocent, ou dans les moments d'horreur, où cette douceur la rend d'autant plus dangereuse, elle parvient à merveille à jouer sur l'ambiguïté de son personnage. Qui plus est, l'actrice est mise en valeur à chaque instant par la caméra. Certaines scènes s'attardent sur la vision idéalisée qu'Aoyama a de la jeune femme, avec une belle poésie et des plans à tomber par terre, comme celui ci-dessous, absolument magnifique.

 

Audition - de Takashi Miike - Critique

      D'un autre côté, la mise en scène de Takashi Miike est ingénieuse pour traduire le côté dérangeant et énigmatique du film. Le cinéaste accentue le malaise avec des plans débullés, des perspectives penchées qui donnent le sentiment que quelque chose cloche. Le montage, lui aussi, est troublant, entre rêves, hallucinations et réalité : la dernière partie du film joue à perdre le spectateur dans un labyrinthe qui ajoute énormément de mystère à Audition, d'autant que la conclusion du film reste assez ouverte. Finalement, je ne parlerai même pas du côté gore de la dernière demi-heure tant il me paraît secondaire. La qualité du scénario tient plutôt dans les diverses révélations qui nous sont offertes via les hallucinations d'Aoyama.

 

Audition - de Takashi Miike - Critique

      Car c'est bien là qu'Audition devient un "petit" chef d'œuvre : le film explore des thématiques inattendues sans jamais chercher à les rendre évidentes. On a affaire à un véritable film féministe - ce qui n'était pas si courant dans les années 90 - avec un personnage féminin fort, qui a passé sa vie à subir des violences masculines et qui se venge à sa manière pour punir ceux qui osent s'intéresser à elle. Tout ici est très subtil, et bien plus original que certains films de l'ère MeToo qui se voulaient subversifs (au hasard : Promising Young Woman). 

      Quant à Aoyama, qui suscite d'abord la sympathie en homme veuf solitaire, son comportement s'avère franchement discutable : organiser une fausse audition pour dénicher une femme jolie et sage est assez détraqué. Qui plus est, le personnage est rongé par la culpabilité : son sentiment de trahir sa femme décédée le hante dans ses cauchemars. La rencontre de ces deux personnages aux psychologies brisées ne pouvait produire que des étincelles explosives. 

 

Audition - de Takashi Miike - Critique

      Bref, j'ai adoré Audition, j'en retiendrai un traitement obscur et mystérieux de la psychologie des personnages, mais surtout l'inoubliable "Kiri kiri kiri", tétanisant. J'ignore si je vais parcourir la filmographie de Miike dans les mois à venir (par où commencer ?) mais cette entrée en matière était intrigante.

 

 

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D
Salut Seb. Moi qui suis très amateur de cinéma asiatique, voilà longtemps que je veux voir ce film mais à chaque fois j'en retardais le visionnage. Le fait de le voir atterrir dans ta playlist coup de coeur me donne donc envie de franchir rapidement ce pas. Je te joins le lien vers ma playlist ciné asiatique sur Letterbox box. Tu y trouveras peut-être des choses qui t'intéressent :)<br /> https://boxd.it/vjxKa
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S
Salut Damien ! Excellente liste, merci pour le partage ! Je n'en ai vu que 12 sur 47, malheureusement, j'ai un sacré retard à rattraper... Je les ai tous aimés à part The Host, mais je l'ai vu à un âge ingrat et je pense qu'il mériterait une deuxième chance.
R
Film tétanisant, qui nous met une bonne claque dans la gueule, surtout pour un public masculin haha !<br /> Pour sa filmo, j'ai vu First Love, un film de yakuza déjanté et très amusant.<br /> Et il a réalisé une très belle version baroque de Hara Kiri (pour le coup un chef d'oeuvre du film de samourai et un superbe drame social épuré de 1962) : Hara Kiri mort d'un samourai, qui perd en sécheresse et en intensité ce qu'il gagne en puissance des sentiments par rapport à l'original.
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S
Oui, ça fait un moment aussi que j'ai envie de voir Harakiri, marrant que je ne l'aie pas ajouté à ma liste pour 2025 !
Z
Alors la! Je ne m'y attendais pas! ^^<br /> Miike est malheureusement aussi prolifique qu'il est inegal (c'est-a-dire tres), je ne suis malheureusement pas le plus grand fan ; Audition est mon favori de lui (mais je n'en ai vu que 6), donc je ne saurais pas trop quoi te recommander.
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S
Hého je suis pas non plus réfractaire à l'ensemble du cinéma asiatique hein ! :D<br /> Je m'y mets doucement mais sûrement on va dire...
Z
Je ne m'attendais meme pas a voir ce film ici, alors que tu aimes en plus... ^^
S
Tu ne t'attendais pas à quoi, à ce que j'aime ? :D<br /> <br /> J'avoue qu'en regardant sa filmographie, rien ne me donne spécialement envie...
E
Ah, Audition, un de mes plus gros traumatismes de cinéma !! Je crois que quasi film d’horreur ne m’a fait cet effet-là.<br /> Concernant Miike, je n’ai vu que la « trilogie » Dead or Alive (je mets des guillemets parce que ce ne sont pas des vraies suites en réalité). Je te conseillerais le premier, bancal mais délirant, et le 2ème, le plus touchant et le mieux construit, qui me rappelle beaucoup les Kitano des années 90 par le mélange film de yakuza et poésie nostalgique. En revanche le 3ème est plus que dispensable.
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S
Merci beaucoup du conseil ! J'ai aussi entendu parler de Ichi the Killer qui avait fait parler de lui, je ne sais pas s'il vaut le coup. <br /> <br /> Traumatisme je peux comprendre, la fin est vraiment marquante.