Poursuivons tranquillement ce petit voyage du côté des chefs d'œuvre du cinéma, conformément à l'objectif que je m'étais fixé en début d'année. Ce mois de juillet m'a réservé de belles surprises (Série Noire, Le salaire de la peur, Audition...) mais également de grosses déceptions. Pour une fois, je ne prendrai même pas la peine de chroniquer certains films vus récemment : Les spéculateurs (1909) et La poupée (1919) ne m'ont laissé aucun souvenir notable – et que dire de La vengeance des 47 Rōnin, interminable fresque de 3h45, froide et figée, que j'ai vécu comme un calvaire. Ce fut mon deuxième Mizoguchi, et cette expérience n'a rien à voir avec mon ravissement devant L'intendant Sansho il y a quelques mois.
A l'image de ce mois de juillet, les trois films critiqués dans cet article couvrent tout le spectre : un coup de cœur, une déception... et un supplice interminable.
La femme d'à côté (1981)
Commençons par mon impression la plus tiède avec ce film de François Truffaut. Le cinéaste, que je n'avais pas exploré depuis de longues années, donne ici la réplique à Fanny Ardant et Gérard Depardieu dans une histoire d'amour impossible sur fond d'adultère. Globalement, j'ai beaucoup apprécié La femme d'à côté, notamment grâce aux interprétations des deux comédiens qui apportent du charme et du mystère à l'intrigue amoureuse. Fanny Ardant est exceptionnelle, que ce soit dans ses attitudes, ses regards mi-fascinés, mi-apeurés, ou son phrasé unique qui lui donne une classe inestimable.
La mise en scène de Truffaut est agréable, douce. La caméra ne fait rien de spectaculaire, elle est discrète, tandis que les cadres donnent lieu à des scènes très intimes. On est loin de la Nouvelle Vague, même si certaines séquences nous y ramènent parfois (notamment l'introduction assez amusante, où la narratrice s'adresse directement au spectateur).
Malgré tout, La femme d'à côté reste à mon goût un film mineur à cause de son scénario franchement pas folichon. Le principal problème réside dans le manque d'alchimie entre Ardant et Depardieu. Chacun fait ce qu'il peut pour alimenter cette romance secrète, mais je n'ai pas cru un seul instant à cet amour ardent et complexe. Quant au drame psychologique, il semble bien trop convenu et attendu : on sait parfaitement quels chemins vont être empruntés, jusqu'à un dénouement assez bête qui fait lever les yeux au ciel. Bref, c'est un film qui se regarde aisément, mais qui ne méritera pas un deuxième visionnage.
L'homme invisible (1933)
La version originale de L'homme invisible, réalisée par James Whale, est infiniment plus ludique et étonnante que l'adaptation faiblarde avec Elisabeth Moss que j'avais vue au cinéma en 2020. Le film va fêter ses 100 ans d'ici quelques années et il reste aujourd'hui tout à fait impressionnant sur le plan des effets spéciaux. James Whale n'y va pas par quatre chemins et ne ménage pas le suspense : l'homme invisible enlève ses bandages au bout de 15 minutes et le reste du film est une amusante chasse à l'homme aveugle. Même lorsque Jack Griffin est nu, et donc totalement invisible, il est tout de même présent à l'écran. Que ce soit grâce à la voix de Claude Rains ou par l'intermédiaire de petits ajouts comme une cigarette, l'homme invisible est constamment visible.
Niveau scénario, j'ai été agréablement surpris par le comportement du personnage principal. La potion qui le rend invisible le transforme également en meurtrier fou aux idées totalitaristes, ce qui ajoute beaucoup de piment à l'histoire. Jack est diabolique et mauvais, rendant certaines séquences étonnamment drôles. Le rire mesquin de Claude Rains donne au film un aspect loufoque, c'est très amusant. Bref, L'homme invisible est un film à voir, ne serait-ce que pour le côté technique : rendre un personnage partiellement invisible en 1933 a dû représenter un sacré défi pour adapter le roman d'H.G. Wells, pari relevé haut la main par John P. Fulton – superviseur des effets spéciaux. Pour le voir, je vous conseille la VO mais il existe une version VF via ce lien qui fera parfaitement l'affaire.
Le guépard (1963)
On a tous des films qui nous font peur, soit à cause de leur réputation, soit à cause d'un pressentiment tenace. Le guépard m'a souvent été conseillé, généralement décrit comme chef d'œuvre ultime du cinéma italien, meilleur rôle d'Alain Delon, etc. Pour ma part, j'ai toujours refusé de le voir car je sentais qu'il me laisserait totalement sur le carreau. C'est vraiment à reculons que je l'ai découvert, confirmant ainsi mon a priori : je serais bien incapable de qualifier Le guépard de passionnant.
C'est ici ma subjectivité qui va entrer en compte : le film fut pour moi une longue sieste de 3h. Alors, je peux tout à fait concevoir que certains le placent sur un piédestal : la mise en scène est certes somptueuse, tout comme les paysages, les costumes et les décors... Il est difficile de remettre en question le travail formel de Visconti. Mais pour ce qui est de me maintenir intéressé ou éveillé, c'est une autre histoire ! Avec un rythme excessivement lent, des scènes de dialogues interminables qui m'ont fait décrocher très rapidement, et surtout des enjeux politiques peu accessibles pour quelqu'un comme moi, qui n'ai aucune connaissance sur l'histoire de l'Italie, je me suis éteint progressivement au fond de mon fauteuil. Ce n'est pas du cinéma qui me parle, tout simplement.
Pour compléter le tableau, les répliques rajoutées en post-synchronisation à cause du tournage multilingue donnent des doublages en italien laborieux, qui nuisent aux performances des acteurs. Certes, Delon et Cardinale sont très beaux, mais leur jeu reste tout de même bien fade... Non, je ne comprends pas comment on peut se passionner pour Le guépard, mais je suppose qu'il en faut pour tous les goûts. La fresque historique n'a jamais fait partie de mes passions, et ce n'est pas ce film qui me fera dire le contraire.