Sombre voire déprimant, mais également drôle, A Tombeau Ouvert (1999) est un film pas comme les autres qui nous plonge dans la vie d'un ambulancier pendant 48 heures, au coeur des quartiers malfamés de New York. C'est un film que je n'avais pas vu depuis longtemps, je n'en avais quasiment aucun souvenir, uniquement celui d'avoir adoré, ce qui fait que je l'ai entièrement redécouvert. Pas super connu, mais suffisamment pour être considéré comme l'un des meilleurs de Nicolas Cage, c'est un chef d'oeuvre à ne pas louper.
A Tombeau Ouvert est la preuve ultime que Nicolas Cage peut être un acteur génial quand il s'en donne les moyens, avec ici un rôle qui lui va à merveille. On suit le film depuis les yeux de son
personnage Frank Pierce, pendant deux heures qui passent quand même assez vite. Frank est ambulancier et il semble avoir
pas mal de problèmes personnels. Très mal dans sa peau, il est hanté par toutes les vies qu'il n'a jamais pu sauver, en particulier celle de Rose, une jeune
femme asthmatique de 18 ans. Probablement dépressif avec d'énormes difficultés à dormir (comme en témoignent ses poches sous les yeux), il travaille sans relâche dans un boulot qu'il a du mal à
gérer, sillonnant toutes les nuits les rues de New York avec un coéquipier au volant de son ambulance. Une ambiance sombre au sein de laquelle notre personnage évolue et se pose des
questions sur sa vie, visiblement souffrant car il se noie dans l'alcool et semble parfois décoller de la réalité. On entre dans la vie d'une personne normale qui voit des horreurs tous les jours
et qui est lui-même à bout de forces dans sa vie professionnelle, au point de désirer se faire licencier au plus vite. Un drame très psychologique, très humain et réaliste qui fait vraiment
réfléchir. Ce film est une pure merveille technique, on a des plans sublimes au sein d'un univers très noir, avec de bons jeux de lumière. On repense notamment à cette scène où le personnage rêve
qu'il extirpe des fantômes sortant du sol, visuellement très bien foutue. Tout ceci est soutenu par une BO géniale qui accompagne les meilleurs passages du film avec splendeur. Le film se permet,
en même temps, de traiter du sujet de l'euthanasie sans le rendre larmoyant, ce qui est un exploit.
Pendant 2 heures, à travers les yeux de Frank, on découvre le monde des ambulanciers
et tout le stress et les responsabilités qui vont avec. Mais surtout la misère qui règne au sein des quartiers, où les personnes sont rejetées des hôpitaux complets car leur état est moins
alarmant que celui d'autres malades. Une misère contagieuse qui touche donc notre personnage principal. Il est à la fois faible physiquement et moralement, plongé dans un monde de souffrance
qu'il vit au jour le jour. Il se rend compte que son métier n'est pas aussi efficace que ça, puisqu'à part quelques miracles qui surviennent de temps à autres, il ne sauve pas grand monde. Il
comprend qu'il ne sert pas de sauveur mais plutôt de témoin de la mort des gens qu'il peut rarement éviter. Un poids qui doit être lourd à porter et on comprend facilement que notre homme soit
aussi mal en point. On éprouve une grande pitié pour lui qui est tombée dans une spirale de malheur et semble ne pas pouvoir en ressortir. car il n'ose pas démissionner. Un travail accablant, le
poids de nombreuses morts sur la conscience, un état physique déplorable, on se demande même comment il peut encore tenir debout et ne pas devenir complètement fou (même s'il pète assez souvent
les plombs). Ses coéquipiers, en moyenne, s'en tirent beaucoup mieux que lui et on peut noter la présence de John Goodman qu'il est toujours
agréable de revoir. Tom Sizemore joue le rôle d'un ambulancier un peu "enfoiré" sur les bords mais qui souffre probablement du même mal-être
que Frank (à plus faible dose), baissant les bras et oubliant d'assurer la fonction première de son métier. Enfin, on peut citer Ving Rhames qui campe un flic ultra-chrétien énervant et Marc Anthony qui joue le rôle de
l'assoiffé Noel de façon incroyable (en arrière-plan dans la photo ci-dessous).
Le film est tiré d'un livre de Joe Connelly, "Ressusciter les morts", que je n'ai pas lu et il a sûrement été difficile (comme toujours) de retranscire les pensées du personnages à l'écran.
Ici, à part une voix off occasionnelle, tout passe par le regard de Nicolas Cage qui en dit toujours très long sur l'état d'esprit de son
personnage, toute sa détresse face à la souffrance d'autrui. Cet acteur est quand même admirable pour cette faculté à s'introduire avec un naturel déconcertant dans les rôles les plus difficiles
(il nous l'a montré plus récemment avec Les Associés). Dans A Tombeau Ouvert, il est à
la fois émouvant, touchant, désespéré et drôle. Car ce film est également un bijou d'humour, parfois noir, qui ne manque pas de faire mouche au moment où on ne s'y attend pas. De l'humour
typiquement "Nicolas Cage" que j'adore, c'est-à-dire passant par l'intermédiaire de répliques inattendues, parfois agressives ou psychotiques qui montrent que
quelque chose ne tourne pas rond chez son personnage. L'humour est souvent présent, comme lorsque Frank se fout un masque sur le visage dans l'ambulance car
il ne se sent pas bien. Quelques répliques amusantes également, comme le vigile de l'hôpital : "ne m'obligez pas à retirer mes
lunettes !" ou encore l'une des conseillères médicales qui se permet d'engueuler les malades afin qu'ils ne recommencent pas leurs bêtises.