Voilà donc, encore une preuve que les cinémas près de chez moi sont géniaux : j'ai nommé Le
Lux et Le Café des Images. Le Lux m'avait fait un gros plaisir en proposant une nuit frères Coen très agréable, mais le Café des Images est également
parfait car ce petit ciné passe régulièrement de vieux films sur grand écran. Ca m'avait permis entre autres d'y voir Vol au-dessus d'un nid de
coucou, et quel pied incroyable ! Y'a pas à dire, ça change carrément de la télé. Bref, Le Café des Images, en ce moment, a décidé de nous passer une rétrospective Stanley Kubrick s'étalant d'aujourd'hui à fin septembre, en VO bien entendu. L'occasion pour moi de voir ceux que je n'avais pas encore vus (et que
j'attendais avec impatience) et de redécouvrir les autres sur grand écran. Là, en l'occurrence, la première semaine est consacrée à Eyes Wide
Shut (étrange de commencer par son dernier film (1998), mais pourquoi pas !) et il se trouve que je ne l'avais pas vu. Erreur réparée, j'ai adoré.
Pour commencer, je suis allé voir ce film sans vraiment savoir à quoi m'attendre. Le peu de choses que j'avais entendu dire sur
Eyes Wide Shut étaient à la fois peu flatteuses et fausses. Etant donné que
Tom Cruise et
Nicole Kidman étaient ensemble à l'époque du tournage (qui a duré 19 mois soit dit en passant), j'avais souvent entendu dire que le film
était un reflet un peu voyeur de la vie privée des deux acteurs, ce qui aurait fait scandale auprès du public. Et j'ai été très agréablement surpris de voir que ce n'est pas du tout le cas. Le
film a une assez sale réputation, souvent qualifié de "thriller érotique", et là encore je ne comprends pas. Certes, on a une scène plutôt limite lors de l'orgie, mais si on devait ne retenir que
ces 3 minutes de film sur les 2h40, ça serait vraiment très triste... Quant à l'unique scène un peu sexy entre
Tom Cruise et
Nicole Kidman, elle dure à peine une minute et c'est bouclé.
Alors non, je ne vois pas bien pourquoi
Eyes Wide Shut a cette image plutôt
négative (même s'il a été bien reçu par le public) car le film est superbement mené, avec un scénario excellent et surtout une mise en scène exemplaire. Ce qui est génial avec
Kubrick, c'est qu'il est capable, à partir d'une histoire banale, de nous surprendre constamment et de pondre quelque chose de grandiose. Le déroulement
du film n'est pas prévisible et ne cesse de nous surprendre, car
Kubrick nous emmène via d'obscurs chemins vers des lieux qu'on n'aurait pas
soupçonnés. Le synopsis du film est plutôt bateau voire peu avenant : Tom Cruise et Nicole Kidman campent un couple, Bill et Alice Harford. Lui est médecin et un beau jour, en revenant d'une
soirée, Alice lui avoue qu'elle a songé à le tromper et à le quitter quelques mois plus tôt. Une révélation qui va le rendre jaloux et le mener à vagabonder dans la ville de New York, vers des
lieux très étranges voire dangereux. Tout le génie du film réside dans le fait qu'on ne sait jamais à quoi s'attendre. On suit le personnage principal dans son aventure, dans ses délires, ses
fantasmes, et tout comme lui on ne sait pas où ça va le mener. Même si Nicole Kidman est agaçante notamment au début du film lorsqu'elle est éméchée, c'est le rôle qui veut ça et j'ai
particulièrement adoré la scène où Alice raconte tranquillement à son mari son petit fantasme quelques mois plus tôt. C'est clairement la scène la plus importante du film, celle qui déclenche
tout le reste et va perturber le personnage principal. La scène est assez longue,
Nicole Kidman a un joli monologue de plusieurs minutes, et
même si ce qu'elle raconte est plutôt banal,
Kubrick met ça sous une telle forme qu'on est pendu aux lèvres de l'actrice.
Outre le casting vraiment bon (même pour ceux qui comme moi ne sont pas particulièrement fans de
Tom
Cruise ou
Nicole Kidman), le film se distingue par sa réalisation impeccable. Les mouvements de caméra sont vraiment
superbes, travaillés, et j'adore avec quelle virtuosité l'objectif de
Kubrick suit les protagonistes dans les couloirs, dans les rues,
tournant autour des personnages, cadrant la pièce de façon originale. C'est une qualité qui est malheureusement très souvent absente au cinéma, je trouve (certains réalisateurs semblent n'avoir
rien à faire des prises de vue et des mouvements de caméra, du moment que ça filme la scène qu'ils veulent montrer), et ça fait plaisir à voir ici car c'est fabuleux. Certaines scènes rappellent
des passages de
Shining dans leur montage, j'adore. Les discussions entre personnages sont magnifiquement filmées, la photographie est
soignée et rend le film vraiment beau. On a également beaucoup d'humour, notamment la scène entre Tom Cruise et un receptionniste d'hôtel, celui-ci étant vraiment à mourir de rire.
[ Attention, la suite de l'article révèle quelques détails sur le déroulement du film que, personnellement, je n'aurais pas aimé connaître à
l'avance. ]
Cette maîtrise impressionnante de la caméra se retrouve partout dans le film, mais est vraiment flagrante pendant toute la
partie de la secte. C'est clairement le passage du film que j'ai préféré, car il est intense, somptueux, terrifiant, inattendu. Toute cette période du film est très angoissante, bien foutue. On
s'y croirait et ce qu'on a sous les yeux nous fiche vraiment les jetons. Je pense notamment à l'entrée de Bill dans le repaire, lorsqu'il assiste aux rituels de la secte (qui sont-ils d'ailleurs
? Des Illuminatis ?). C'est une scène de 6 minutes pendant laquelle j'ai vraiment pris mon pied, parce qu'elle est tout simplement géniallissime grâce à la musique,
Masked Ball. L'intérêt d'aller au cinéma réside surtout dans le son qu'il nous fournit, et ce n'est vraiment pas rien. La musique, dans cette
petite salle de ciné, a pris une ampleur démesurée, m'a fichu des frissons de dingue. J'étais scotché à mon siège, emballé par cette BO oppressante et sensationnelle qui montait petit à petit en
puissance. Brrr, clairement cette scène fera partie de celles qui m'auront le plus marquées cette année. Je la mets ici pour ceux qui veulent la redécouvrir, si vous n'avez jamais vu le film
(bande de curieux) je pense qu'il vaut mieux pour vous ne pas la regarder, afin de réserver une part de surprise à votre visionnage.
Brrr, quand le volume s'amplifie à partir de 2:20 et résonne dans la salle de ciné, c'est un pur plaisir auditif. Outre ceci, tout le
reste du film m'a également subjugué. J'ai souvent entendu dire qu'il était ennuyeux et peu intéressant, mais c'est bien le contraire qui a opéré sur moi. J'ai été pris dans l'histoire du début à
la fin, envoûté par le charisme de
Kidman et le jeu de
Tom Cruise (il faudrait etre
mauvaise langue pour dire qu'ils ne se sont pas impliqués dans leurs rôles). J'ai parfaitement ressenti toute la tension que communique le film, intrigué et pressé de savoir quelle serait la
prochaine étape, jusqu'à la toute fin assez touchante, et le dernier mot prononcé par
Nicole Kidman qui conclut le film de façon assez
bizarre mais amusante.
Pour conclure, j'ai adoré ce film et ce n'est pas spécialement dû au nom du réalisateur puisqu'à mon avis, ce film ne participe pas assez à sa
renommée dans le monde du cinéma. Trop souvent on cite
2001 l'Odyssée de l'Espace, mais je pense qu'
Eyes Wide Shut a également un grand mot à dire dans cette filmographie de dingue.