Le film a été fait en 2002, juste après les attentats du 11 septembre et ça se ressent. Après nous avoir présenté le personnage principal,
Monty, dans sa grande générosité (il sauve un chien à l'agonie), le générique de début est sublime, notamment grâce à la musique qui donne directement le ton et
l'ambiance : sombre et déprimante. On voit des images de New York la nuit avec notamment le World Trade Center, où les deux tours sont remplacées par deux larges faisceaux lumineux montant au
ciel. Puis le film redémarre, visiblement plus tard puisque le chien
Doyle semble être en meilleure forme.
Monty par
contre a le regard perdu, et pour cause : il vit ses 25 dernières heures de liberté.

Bref, je ne vais pas refaire tout le film. Le scénario est vraiment intéressant et plutôt original, puisqu'on suit les derniers
moments de cet homme avant qu'il ne vive un enfer pendant 7 ans. Le film appuie beaucoup sur la mentalité de
Monty, sa déprime et son appréhension, sa
tristesse de quitter la femme qu'il aime et ses amis pour rejoindre un monde impitoyable où, il le sait, il va avoir du mal à tenir. Ce film est littéralement un drame car il manie à la
perfection la corde de la sensibilité pour nous montrer les moindres émotions et sentiments d'un homme qui a fait une connerie. La culpabilité, le désespoir, l'angoisse, l'envie de s'éclater une
dernière fois, mais jamais la colère (ou peu). Il part pour 7 ans de calvaire et sait parfaitement que la vie qu'il a actuellement va se terminer pour toujours (
a priori), puisqu'il
demande même à
Naturelle, sa copine, de refaire sa vie sans lui et de l'oublier. Toutes les émotions qui se dégagent de ce film sont vraiment belles, très
humaines. Le sujet traité est surprenant et malin, car il parvient à passionner pendant 2h15. Nombreux sont les réalisateurs qui auraient rendu cette histoire ultra-chiante. On entre entièrement
dans la "fin de vie" d'un homme qui souhaite passer ses derniers bons moments en compagnie des gens qu'il aime. Aucun manichéisme gentils/méchants, le réalisateur prend soin de ses personnages et
n'en délaisse aucun. Chacun d'entre eux a quelque chose à dire sur cette situation, tous sont poignants même si quelques petites longueurs sont à noter par-ci par-là, comme par exemple cette
histoire entre
Jakob et son élève
Mary dans la boîte de nuit dont on aurait éventuellement pu être dispensés. Ceci ne
fait que rendre le personnage de
Jakob plus ambigu et ça ne sert pas à grand chose, surtout que seule l'histoire de
Monty
nous intéresse. Cependant le reste du film ne souffre d'aucun temps mort. Pourtant, il n'y a pas beaucoup de rythme : tout est assez lent, on prend le temps de laisser parler les personnages, de
montrer leurs émotions. Les discussions entre personnages sont rarement séparées en différents plans, puisque ceux-ci sont généralement longs et sans coupure. IIs commencent une conversation et
la terminent. Le film laisse également le temps à
Monty de savourer cette dernière nuit. Et pendant ce temps, on s'intéresse à ses sentiments, à son état
d'esprit. On a quelques flashbacks pour nous expliquer comment il en est arrivé là, chose que le personnage se demande aussi lui-même tout au long de l'intrigue.
Ca passe par un certain nombre de scènes d'anthologie, notamment ce superbe passage de 4 à 5 minutes, la scène des "
J'emmerde" absolument frissonnante, très puissante et intense, où
Monty se met à critiquer tout le genre humain de la ville
de New York, en n'oubliant personne : Pakistanais, Coréens, Russes, Portoricains, Italiens, les vieilles, les flics, les blacks, Jésus, Al Qaida (qui en rajoute encore une couche sur les
attentats et montre à quel point les USA ont pu être touchés par cette tragédie). Mais pour finir,
Monty ne s'en prend qu'à lui-même, car il sait très bien
qu'il ne peut blamer que sa propre personne pour en être arrivé là. Cette scène est vraiment sublime, avec la musique absolument géniale qui donne une profondeur de dingue au discours jubilatoire
et féroce, je la mets ici :
Une des meilleures scènes que j'ai pu voir l'année dernière, portée par une VF des plus réussies (
Damien Boisseau, le doubleur d'
Edward Norton est particulièrement génial, tout autant que pour
Matt Damon). Elle met en avant la déprime totale du personnage et toute sa rage très retenue, fâché contre lui-même pour avoir foutu sa vie
en l'air. Mais le film ne s'arrête pas à la culpabilité de
Montgomery uniquement. Il explore également les sentiments de ses amis et de
Naturelle qui s'en veulent terriblement de n'avoir jamais rien fait pour l'empêcher de mener cette vie. De manière générale, les dialogues sont excellents, jouissifs,
sans aucun cliché, et donnent un charme supplémentaire au film. Au milieu des conversations dramatiques et déprimantes se trouvent quelques passages d'humour inventifs, comme lorsqu'ils
discutent de l'expression "
c'est marrant que tu dises ça", ou encore quand
Franck explique à
Jakob qu'il n'est qu'au 62e percentile.

L'ambiance du film est aussi un point fort, assez sombre, parfois glauque dans la boîte de nuit. Beaucoup d'esthétisme, les plans sont
soignés. Le tout est magnifiquement filmé de façon à faire ressortir au maximum les émotions des personnages (par exemple, le plan sur
Jakob lorsqu'il vient
d'embrasser
Mary et sort des toilettes). De nombreux autres passages que ceux que j'ai déjà cité sont extrêmement puissants. Plus particulièrement ce moment
où
Monty demande à son meilleur ami de le défigurer en lui tapant dessus. Certainement la scène la plus déchirante de ce film, où l'acteur
Bary Pepper est poignant, très émouvant car il se force à faire une chose horrible simplement pour rendre service à son ami. J'en ai eu quelques
larmes. L'ensemble du casting est d'un niveau immense. A commencer par
Edward Norton bien entendu qui vient encore talonner, voire
dépasser, les plus grands acteurs de notre époque. Avec son regard, ses expressions, ils incarne un personnage terriblement humain. Cet acteur m'avait déjà énormément surpris dans
Fight Club, puis évidemment dans
American History X où il signe l'une des meilleures prestations
que j'ai jamais vu. Et là, il est encore au top, à croire que ce mec a un talent inépuisable. Son personnage est extrêmement attachant et on ne peut que compatir à son sort même si dans le fond
on devrait se dire la même chose que
Franck "
quand on y pense, il l'a juste mérité !". Bref, un acteur
monumental. De même pour
Rosario Dawson, qui m'étonne une fois supplémentaire après
Sin
City et
Sept Vies. Touchante, vraie, magnifique. Et enfin,
Phillip Seymour
Hoffman qui interprète un personnage assez spécial, qu'on a beaucoup de mal à cerner mais dont les intentions sont toujours bonnes. La gentillesse incarnée, l'ami pur et
dur.
Pour terminer, je me dois de parler de la fin du film. Un dénouement absolument brillant, puissant, qui conclut cette histoire de la
meilleure façon possible. Le film nous laisse avec un choix.
Monty, à la fin du film, doit prendre une décision, c'est d'ailleurs là tout l'intérêt du film.
Mais
Spike Lee ne tranche pas la question et préfère nous laisser décider. Incroyable fin de film, qui nous laisse pantois, et qui est
difficile à oublier. Ce discours du père de
Monty se laisse écouter avec jubilation et conclut tout le film avec d'hypothétiques flashforwards passionnants
et vibrants. Evidemment, le spectateur va adorer la fin envisagée, et il est clair que
Spike Lee nous fait rêver en nous montrant un
éventuel happy end assez utopique. Mais pas de souci, on veut y croire. Et évidemment, la musique. Encore présente de la façon la plus sublime qui soit. Sur l'intégralité du film, la BO est une
pure merveille.
Terence Blanchard a vraiment fait un travail impressionnant, tout en subtilité, sensibilité et noirceur. Le thème récurrent
n'est absolument pas lourd, il émeut.
A titre de conclusion je dirai que j'ai bien fait de regarder ce film une deuxième fois pour réaliser à quel point il est génial. Sûrement
étais-je fatigué la première fois, je n'en sais rien, mais ce film est un pur chef d'oeuvre à savourer de A à Z.
Voir aussi : American History X,
Fight Club (fin du film).