Quelle merveille ! Je ne m'attendais pas à quelque chose d'aussi bon. D'ailleurs, je partais avec un
plutôt négatif, et j'en suis finalement
ressorti comblé et même ému. Rarement un film français n'a été aussi percutant, aussi vrai. C'est bien simple, on a l'impression de suivre une famille qu'on connait depuis toujours, tant on
s'attache directement aux personnages. Le réalisateur
. Sauf que là, au lieu de s'appuyer uniquement sur
un personnage, il prend le risque d'en traiter 5 d'un coup. Avec une journée pour chacun d'entre eux. Résultat : c'est sacrément réussi, bourré d'humour, d'intensité dramatique. Il ressort de ce
film quelque chose de vrai, de réel. On a ici la vision d'une famille extrêmement réaliste, des types de personnes très attachants qu'on pourrait rencontrer tous les jours, des personnalités que
certains ont sûrement même déjà connu. Les personnages passent par des étapes de leur vie que tout le monde finira par connaître, ce qui rend les sujets abordés finalement banals, mais c'est là
que réside la force du
. A travers chacun des 5 membres de la famille
, il y a de grandes chances qu'on parvienne à s'identifier à l'un d'entre eux, au moins un peu, ce qui fait que le réalisateur ne perd jamais notre attention. C'est
vraiment très fort.
Même si on a une légère incohérence temporelle (les personnages ne vieillissent presque pas en 12 ans), on s'en fout ! Il est très difficile
de rendre des personnages aussi attachants en ne traitant que 5 jours de leur vie, et pourtant, le pari est gagné haut la main. Ce cinéaste a vraiment du talent, je vais maintenant le suivre de
plus près. Le film est chronologique (à part un flashback et quelques images de leur enfance), ce qui rend les choses faciles à suivre et totalement cohérentes. Et même si la trame est linéaire,
la façon de monter les images est originale et intéressante. Le film se découpe en
Le film commence par l'un des personnages qui sera au final le
moins charismatique de tous (à mon goût) :
. La famille se confronte,
ce jour-là, au départ du fils aîné de la famille, qui à 20 ans est bien décidé à prendre une petite chambre de bonne au-dessus de l'appartement de son grand-père. C'est un événement que tous les
parents sont destinés à subir et l'effet de ce départ change la vie de toute la famille. Tout d'abord d'
, bien évidemment, qui voit ce déménagement
comme une sorte de liberté. Visiblement heureux d'avoir fui le cocon familial, il semble fou de joie à l'idée de vivre seul, même si ça fait du mal à sa mère, encore très attachée à son fils. Il
est difficile de voir partir son "bébé". Pour le reste de la famille, et surtout pour la mère
, ce départ est déchirant, synonyme d'une chaise
vide autour de la table à manger. L'absence d'
après 20 ans de cohabitation, lui fait un petit choc. Sentant qu'elle va commencer à se retrouver seule
chez elle, elle décide de reprendre ses études. Ce qui fait doucement rire les autres membres de la famille mais cache quand même un mal-être profond. Elle a toujours du mal à accepter que
celui-ci parte aussi tôt de la maison, alors qu'il a encore une grande chambre pleine d'espace. De plus, ce manque soudain d'un élément de la famille vient bouleverser l'ordre hiérarchique
familial, le frère et la soeur se battant pour obtenir la chambre d'
et occuper ainsi la place de l'aîné. Finalement,
s'imposera en chef de famille parfait en tranchant la question : cette chambre deviendra son bureau, où il entreposera ses vinyles. Le plus grand bouleversement,
outre
qui va certainement avoir du mal à se remettre du départ de son fils. Mais,
bien évidemment, le changement est bien plus radical pour
C'est un personnage assez difficile à cerner car il se montre clairement violent et rempli
de haine, notamment à l'égard de son père mais aussi de son frère
, alors qu'ils semblaient si bien s'entendre étant jeunes. Le départ précipité
d'
peut être vu comme une fuite, pour échapper à une atmosphère familiale qui ne lui satisfait plus. Très rancunier, il en veut visiblement à son père
bien qu'on ne comprenne pas entièrement pourquoi. Même si le garçon va bien réussir dans la vie, il va vite se rendre compte qu'il a commis de nombreuses erreurs. Vis-à-vis de sa famille mais
également de la femme qu'il a épousé et avec qui ça finira par ne plus aller. Bref, ce personnage est pour moi le moins intéressant. Son histoire démarrait bien, puisqu'il venait de faire la
connaissance d'une voisine très originale et un peu loufoque. Mais rapidement, le personnage agace, toujours énervé et haineux envers son père qui n'est pourtant pas un mauvais gars.
Vendredi 3 Décembre 1993 - Les liens du sang
On continue alors, 5 ans plus tard, avec
Fleur, la benjamine de la famille. Le jour de ses 16 ans, tout le monde a semble-t-il oublié son anniversaire (ce qui est très improbable, mais passons). Elle se
confronte alors au passage à l'âge adulte, processus qui se fait naturellement face à sa mère.
Fleur est jouée par
Déborah François, une actrice ici excellente, qui représente à merveille l'ado un peu révoltée. Elle vit des moments difficiles, fait de mauvais choix
(notamment en offrant sa virginité à un mec qui se fout totalement d'elle), choses qu'elle résume dans son journal intime. Elle sera touchée par le suicide de
Kurt Cobain, comme énormément d'adolescents de l'époque, mais également la mort de
Coluche et
Gainsbourg, les icônes de l'époque. Elle cultive le cliché de la fille énervée qui se donne un look grunge sans vraiment savoir ce que
c'est, claquant les portes. Pas vraiment d'intérêt à cette partie du film donc, même si elle reste intéressante et amusante à regarder. On a droit à quelques belles scènes assez symboliques,
comme le moment où elle entre dans la chambre de son mec et referme la porte sur son enfance, symbolisée par sa propre image à 6 ans. C'est le moment décisif de sa vie, à partir duquel tout va
changer. Comme elle l'écrit dans son journal intime, c'est alors le
Premier jour du reste de sa vie. Beaucoup d'humour également, comme lorsqu'elle
raconte à une amie de sa classe le moment de solitude qu'elle a eu avec les parents de son copain. Dans ce chapitre, on a l'occasion de revoir
Albert, qui
ne se gêne pas pour aller calmer le salaud qui a dépucelé sa petite soeur avant de la jeter, sans remords. Ca nous offre une scène assez mémorable et géniale. De même, c'est à partir de ce
moment qu'on remarque le tempérament colérique de l'aîné, qui frappe le visage de son frangin
Raphaël lors d'une soirée et est prêt à attaquer son père
qu'il ne supporte apparemment plus.
Samedi 22 Juin 1996 - Magic Fingers
A mon goût l'une des parties les plus intéressantes du film,
car le personnage traité est très attachant. Il s'agit du troisième enfant de la famille,
Raphaël, un type aux cheveux longs, plutôt sympa, qui ne sait pas
vraiment quoi faire de sa vie. Cette partie du film est intéressante car elle permet déjà de traiter un personnage supplémentaire : le grand-père
Pierre.
Oenologue, il transmet à
Raphaël tout son savoir sur les vins, tous les samedis depuis 3 ans. Alors que ce dernier se remémore une dernière fois le souvenir
de sa défunte femme, ce jour va être synonyme de sa mort. Un décès qui tombe très mal puisqu'il arrive exactement le jour du mariage du frère aîné,
Albert.
Ce qui devait être une partie de joie se transforme en drame, accentué par le père de famille qui décide d'annuler la fête du mariage. Une raison de plus pour
Albert d'haïr son père et de disparaître pendant un an. On a alors un léger moment d'émotion, lorsque
Robert se rend compte que son
père l'aimait, puisqu'il gardait constamment dans son porte-feuille une photo de lui. Cependant, tout l'intérêt de cette partie du film réside bien dans l'histoire du personnage
Raphaël. A 25 ans, il revient chez lui pour le mariage de son frère et remet toute sa chambre comme il l'avait quittée, pour la nostalgie. C'est alors qu'on a un
flashback, puisqu'on revient en 1989. A 18 ans, on apprend que le jeune homme avait rencontré une femme,
Moira (jouée par la charmante
Camille de Pazzis) lors d'une soirée de
Air Guitar. D'ailleurs, ce flashback est également l'occasion de nous
montrer un côté de
Robert qu'on connaissait encore mal : son goût prononcé pour le rock'n'roll. Bref, toute cette intrigue autour du numéro de téléphone
perdu par
Raphaël est prenante et touchante, "mignonne" j'ai envie de dire. C'est un moment qui est probablement arrivé à beaucoup de monde : essayer de
recontacter quelqu'un après l'avoir perdu de vue pendant des années. Cependant, et c'est triste, le jeune homme ne retrouvera certainement jamais celle qui l'a charmé dès le premier regard,
coup de foudre qui fut réciproque. On se dit que c'est trop bête. Quoiqu'il en soit,
Raphaël et son grand-père auront tous les deux "remonté le temps" ce
jour-là, chacun se rappelant le visage de l'amour de leur vie. C'est abordé ici avec beaucoup de sensibilité et de frisson. Pour finir, ce personnage est intéressant car, en opposition à son
grand frère, il a du mal à démarrer dans la vie. Le mot qui le caractérise : la procrastination (
c'est fou comme je me suis
identifié au personnage, haha ! Hum...). Eternel rêveur, il ne se préoccupe pas vraiment de son avenir, plus ou moins charmé par le souvenir d'une jeune femme qu'il a vu à peine 5
minutes et dont il est tombé amoureux. Jusqu'à ce que le déclic opère et qu'il décide de prendre sa vie en main (passage symbolisé par le fait de couper ses cheveux). Quant à l'acteur
Marc-André Grondin, il est tout simplement génial d'un bout à l'autre. Je ne le connaissais pas (oui,
Mona, il faut que je voie
C.R.A.Z.Y. !) mais je l'ai trouvé très surprenant et naturel.
Vendredi 25 Septembre 1998 - Si la Terre tourne, tu tournes avec
elle
Le film se tourne alors plus particulièrement sur les parents
de la famille avec
Marie-Jeanne. Elle est interprétée par
Zabou Breitman, que j'ai tout juste
découverte ce soir. Elle encore une fois, j'ai trouvé cette actrice absolument géniale. Avec ses airs de
Chantal Lauby (tout comme
Pio Marmai a des airs de
Vincent Elbaz et
Marc-André Grondin de
Romain Duris), elle est passionnante et pleine de talent. Elle nous offre
un personnage sensible, en pleine crise de la cinquantaine, qui doute de son physique et de sa capacité à plaire encore aux hommes, notamment à son mari. On a d'ailleurs droit à une scène assez
comique avec
Gilles Lellouche en rasta totalement défoncé. La mère de famille a beaucoup de mal à accepter que ses enfants grandissent.
Tout ce qu'elle aimerait, c'est retourner en arrière afin de retrouver cette famille qu'elle a perdu. C'est difficile à vivre et c'est une étape de la vie qu'elle ne parvient pas à appréhender.
Le pompon survient lorsque, très inquiète, elle lit le journal intime de sa fille et découvre qu'elle la connait assez mal. En plus de ça, elle remarque que sa propre fille la traite de "mal
baisée", ce qui a le don de la remettre en question. Cette journée va bien changer sa vie, puisqu'elle va se poser des questions sur sa vie actuelle, envisageant même de faire de la chirurgie
esthétique ou de tromper son mari. Mais, bien trop fidèle, elle n'ira pas jusque là. Complètement perdue, elle entre en conflit avec sa fille qui, à 21 ans, fait preuve d'une léger manque de
maturité. Le drame survient :
Marie-Jeanne a un accident de voiture et se fait hospitaliser, se qui remet les pendules à l'heure avec sa fille et son mari,
qui réalise à quel point il a délaissé son "amour". Elle se réfugie dans l'art et prend des photos assez sympas il faut le dire, entamant même un trip à la
Noah Kalina (si vous ne connaissez pas,
allez voir
ce lien, certainement l'une des meilleures vidéos du net de tous les temps). On ne sait d'ailleurs pas si elle continuera ce projet, mais ce n'est pas grave. Bref, je suis content
d'avoir pu découvrir cette talentueuse actrice, enfin. Elle m'a beaucoup marqué.
Vendredi 26 Mai 2000 - Notre Père
Le film se termine alors sur un personnage super intéressant,
le père de famille
Robert. L'acteur
Jacques Gamblin est tout simplement sensationnel. Il joue avec
talent les scènes dramatiques, puisque le film se concluera sur une note assez déprimante, mais également la comédie. C'est dingue ce que le personnage a pu me faire rire, avec pourtant des
remarques à deux balles du genre "
si les graines germent dans mon estomac, elles ressortiront par mon trou du cul !".
C'est le genre de trucs qu'on imagine bien dire aux membres de notre famille proche, le genre de répliques qui donnent de la crédibilité et du réalisme à ce film. De même, l'histoire qu'il
raconte à ses fils à propos des poils pubiens est hilarante, et montre d'ailleurs que
Robert a gardé un esprit jeune. Cependant, c'est également pour lui le
pire jour de sa vie. Alors qu'il n'a jamais pu arrêter de fumer, même sous les conseils de son fils, il a rendez-vous chez le médecin et on voit clairement que ça ne va pas. Même si
François Xavier-Demaison fait le pitre en mimant des scènes d'
Apocalypse Now (ce qui,
entre nous, est un peu too much et pas très drôle), le ton vire au drame rapidement. Ce qui est beau avec cette partie du film, c'est qu'une fois de plus les personnages sont confrontés à un
événement que tout le monde finira par connaître un jour : le décès de son père. Le gros point fort de ce film est de ne jamais tomber dans le mélo-dramatique et surtout, de rester le plus
subtil et le plus implicite possible. Jamais le mot "cancer" ne sera prononcé, mais tout le monde l'aura bien compris. On a plusieurs scènes d'émotion, comme lorsque
Marie-Jeanne dégonfle le coussin de son mari dans la voiture, symbole du dernier souffle de celui-ci, ou quand la famille répand les cendres du malheureux au bord de la
mer. Le film se conclut d'ailleurs avec l'une des musiques les plus déprimantes qu'il m'aient été donné d'entendre :
Perfect Day,
de
Lou Reed. J'avais découvert cette musique dans le magnifique
Trainspotting (et il
faut néanmoins avouer que la musique était encore plus grandiose et plus conforme à l'ambiance de celui-là), et j'ai été ravi de la réécouter ici, alors que je ne m'y attendais pas vraiment. On
sent toute l'émotion de la famille, qui pourtant ne prononcera pas un seul mot sur la tragédie. Mais l'émotion est palpable et ça rend ce film très beau et habile. Ce décès va, une fois de
plus, changer la vie de tout le monde. Heureusement,
Albert a réussi à renouer le dialogue avec son père avant qu'il ne puisse plus jamais le faire. Ceci se
fait à l'arrière du taxi de
Robert, et ça donne lieu à une très belle scène. On remarquera aussi que, lorsque
Marie-Jeanne appelle son fils
Raphaël pour lui annoncer la nouvelle, celui-ci se trouve dans un bar de musique. Pendant à peine une
seconde, on aperçoit sur l'écran le visage de
Moira, la jeune femme qu'il avait perdu de vue depuis 11 ans. On ne saura jamais s'il était au courant de la
présence de l'amour de sa vie ici, mais toujours est-il qu'une fois de plus, la malchance va l'emmener loin d'elle. C'est assez triste, quand on y repense.
Pour conclure, ce film est tout simplement magnifique et j'espère qu'on a été nombreux à le découvrir ou (pour d'autres) le revoir ce soir. Un
excellent film français comme on en fait très peu, mais qui brille par sa sincérité, sa poésie, son émotion et son réalisme. Du très beau cinéma. Je vous laisse avec la sublime composition de
Lou Reed, très puissante (même si je l'ai trouvé beaucoup plus percutante dans
Trainspotting). Des putains de superbes frissons.
Voir aussi : Trainspotting (BO).