Ce film montre particulièrement que
Kubrick pouvait toucher à de
nombreux sujets sans jamais se planter. Emotion, humour, cynisme : tout y est, et
Les Sentiers de la Gloire a d'ailleurs été longtemps
censuré en France puisque sa première sortie dans nos cinémas s'est fait en 1975. Avec toute l'ironie dont il fera encore preuve dans
Full Metal
Jacket, le cinéaste décrit des personnages sans coeur, certes caricaturaux mais on ressent toute la sincérité de
Kubrick. Qui
plus est, il filme la guerre de façon sublime et réaliste, la caméra se déplaçant sur le champ de bataille et dans les tranchées avec de très beaux plans-séquences. Il ne filmera jamais l'armée
allemande, mais n'hésite pas à dénoncer les rapports entre officiers et soldats dans l'armée française, ce qui a certainement joué dans la censure du film. Il est assez rare de voir dans un film
de guerre une opposition au sein d'une même armée, au lieu d'une confrontation entre deux armées.
Kubrick porte beaucoup d'attention à la "résistance" d'un colonel qui fait face à ses supérieurs
pour défendre des soldats. L'une des meilleures scènes du film, celle du procès, est une pure merveille dans sa réalisation et ses dialogues. Le procès met en exergue le ridicule de l'accusation,
et met en valeur le colonel Dax joué par
Kirk Douglas, acteur qui fait ici un boulot fabuleux, tout comme
Ralph Meeker en parfait salaud. Toute la scène fait rire par l'absurdité des arguments accusateurs, mais on rit un peu jaune et c'est ça qui fait la
force du film. Suivra ensuite le verdict et son application dans une scène magnifique et émouvante, mais cruelle.
Stanley Kubrick ne nous
sert aucun détail inutile, tout est passionnant, jusqu'au léger chantage fait au général Broulard. On saluera aussi
George MacReady dans le
personnage du général Mireau, qui paraît sympathique dans ses premières secondes mais virera rapidement dans la facilité, corrompu et odieux. Pour finir, le film se termine en émotion avec cette
scène finale absolument magnifique et qui émeut forcément le spectateur. C'est filmé avec tant de beauté et de sensibilité que la larme est proche. Tous ces plans sur les visages des soldats sont
poignants et concluent le film de façon à la fois déprimante et optimiste : ces mêmes soldats qui qualifiaient l'allemand de "langue non civilisée" se retrouvent émus et soudés sur une chanson
allemande. C'est beau, c'est intelligent, c'est du Kubrick.