Encore une fois, je n'ai pas été totalement convaincu par le cinéma de
Woody Allen et je me demande même pour quelle raison il est autant apprécié (peut-être saura-t-on me conseiller sur ses meilleurs films). Pour moi, le film est séparé en deux parties distinctes. Et à mon goût, seule la deuxième présente de l'intérêt et de l'originalité, tandis que la première moitié du film est (à mon avis) assez nase. Je dis "première moitié" pour simplifier, mais c'est plutôt "deux premiers tiers".

La première moitié m'a laissé penser que tout le film allait être cliché et horriblement quelconque, et franchement j'étais légèrement désespéré. Quelle accumulation de clichés bien moches sur les relations amoureuses, les tromperies. Des dialogues complètement bateaux, tellement entendus et réetendus qu'ils en sont presque ridicules. Suis-je dur avec ce film ? Je ne sais pas. Mais je me souviens avoir soufflé à des nombreuses reprises. Et vas-y que je te bande les yeux pour que ce soit romantique, que je t'embrasse "illégalement" sous la pluie (alors qu'il n'y a rien de plus prévisible) parce que je te console parce que t'es triste parce que ta belle-mère te déteste. Et le pire du pire : je te tiens la taille pour t'apprendre à jouer au ping pong alors que je te connais pas (cf l'affiche du film). Presque navrant. Bref, je n'ai guère vu ça que comme une banale histoire d'amour interdit entre deux jeunes gens. Il est marié, elle est promise à un autre, mais leur attirance est trop folle pour qu'ils l'ignorent. Et puis elle se fait quitter par
Tom, et disparaît de la circulation. Et comme par hasard, il la retrouve au beau milieu d'un musée, et s'approche d'elle avec ses beaux yeux insistants de "heart killer" qui est d'un pathétique suprême. Bref, après quoi
Chris s'embarque dans une aventure extra-conjuguale pas jolie jolie avec
Nola, et sa cruche de femme ne se rend compte de rien, mais c'est quand même risqué pour lui. Bla bla, tout ceci ne m'a pas passionné, je ne vous le cache pas, d'autant que c'est présenté très très rapidement. La trame se déroule sur plusieurs années, mais on ne les voit pas. Il peut très bien se passer deux ans entre deux plans sans qu'on en soit informé. De plus, on a droit à quelques incohérences (disons plutôt invraisemblances) temporelles à cause de ce choix de passer le temps très vite. Bref, cette première moitié du film est à mon goût inutile et m'a plus fait rire qu'autre chose. Seules trois choses m'ont semblé intéressantes dans cette partie. Premièrement, le thème des différences entre les riches (la famille
Hewett) et le jeune
Chris qui a quasiment grandi dans la misère (et encore, ce n'est pas très bien montré à part dans une conversation entre
Chris et
Nola dans un bar). Deuxième chose, le fait que la belle-mère de
Nola ne peut pas la supporter à cause de ses échecs successifs en tant que comédienne débutante. J'ai beaucoup aimé comment a été traité ce sujet qui met en évidence à quel point il n'est pas facile de percer dans le métier. Dernier élément (relativement) palpitant : le stress lié au secret de l'infidélité de
Chris, et je parle ici presque uniquement de la scène de la cartouche qu'il cache dans sa poche.

Bref, passons rapidement à la deuxième moitié (le dernier tiers) qui est, elle, assez excellente, et même géniale. A partir du moment où
Nola devient hystérique et commence à péter les plombs pour que
Chris révèle son infidélité à sa femme
Chloe, le film devient dingue voire amoral, ce qui en fait son charme. Le revirement scénaristique est assez surprenant et même jouissif. Lorsque
Chris organise le meurtre de
Nola en tuant la petite vieille et en volant les bijoux, puis en abattant froidement sa petite amie à la sortie de l'ascenseur, je me suis enfin dit "
aaaah ça commence enfin à devenir très bon". D'autant que la pauvre
Nola est dans un état de bonheur extrême. D'ailleurs, cette scène est mythique rien que par la musique. Assister à la démence totale du personnage sur cet air d'opéra ultra-puissant, c'est quand même quelque chose ! Le thème principal du film est annoncé directement dès le début avec cette balle de tennis qui rebondit contre le filet et dont la trajectoire est incertaine. Le fait que la balle passe de l'autre côté ou non peut (éventuellement) changer une vie et le film le montre bien, tout en appuyant sur le fait que la chance intervient beaucoup dans le destin d'une personne. Si cette intro est relativement anodine, on se rend compte de l'importance qu'elle prend à la fin, et j'ai trouvé ça admirablement brillant. Toute l'enquête policière est intéressante et prenante. Lorsque
Chris va au commissariat pour s'expliquer, la tension est intense. De même, le rêve de l'inspecteur nous donne l'impression que
Chris va réellement se faire coincer, que c'est fini pour lui. D'autant qu'en essayant de jeter la bague dans le fleuve, celle-ci ricoche contre la rambarde à la manière de la balle de tennis et retombe du mauvais côté, ce qui était
a priori un symbole de défaite. J'étais donc persuadé que
Chris allait mal finir. Mais c'est sans compter sur un ultime rebondissement, lorsque la police retrouve un criminel qui avait justement cette fameuse bague au doigt. Un scénario habile, qui nous pousse à lancer un "
oh la vache ! C'est énorme". Car on remarque alors que le thème de la chance et du destin sont bien mis en avant (devenant alors les sujets principaux du film, ce qu'on avait oublié avec toute cette histoire d'adultère), et que
Chris a eu une chance démesurée à ce moment précis. Assez bon, intelligent, ça relève bien le niveau de la première partie cul-cul du film. Un brin amorale, cette fin est tout simplement géniale.

Pour finir, les acteurs ne sont pas toujours au top, à mon goût.
Jonathan Rhys-Meyers joue le rôle d'un enfoiré auquel je ne me suis jamais attaché (mais c'était sans doute le but). Un salaud de première qui fait tous les mauvais choix et qui finit quand même par s'en sortir par un miracle quasi-improbable (une chance folle et assez jubilatoire). Ce personnage est clairement antipathique et l'acteur est surtout bon dans la deuxième partie, totalement stressé et désemparé, n'ayant d'autre choix (selon lui) que de tuer sa maîtresse pour régler tous ses problèmes. Pendant la première moitié du film, il abuse trop de son charme et de ses yeux de séducteur, tellement que c'est en est assez ridicule. Bref, cet acteur ne m'a pas emballé plus que ça, sauf à la fin.
Scarlett Johansson est quant à elle géniale, comme toujours. Pour une fois, son jeu d'actrice est différent, son personnage devenant petit à petit une jeune femme angoissée, jalouse et hystérique mais qu'on comprend parfaitement, ce qui la rend attachante et rend également son sort très triste (bien que soudain). Enfin, j'ai trouvé
Emily Mortimer assez mauvaise. Je l'avais découverte dans
Shutter Island où j'avais déjà trouvé son jeu insupportable, exagéré. C'est exactement pareil dans ce film, je n'accroche vraiment pas à cette actrice qui, à mon goût, en fait des tonnes.
Pour conclure, j'ai trouvé ce film ridicule au début (me demandant où pouvait bien se cacher le talent de
Woody Allen dans cet amas de clichés), mais terriblement efficace, intelligent, sombre et malsain lors du dernier tiers, qui est principalement tout ce qu'il y a à retenir du film. Je suis donc une nouvelle fois légèrement déçu par ce cinéaste, mais je vais continuer à m'acharner (oui !) parce que je loupe peut-être quelque chose d'autre...
Voir aussi : Vicky Cristina Barcelona.