WOW. Perfect Sense fait partie des 3 plus beaux films que j'ai vu de ma vie. Si on me forçait à supprimer tout mon blog pour ne chroniquer que 5 films, il serait là juste à côté d'Into the Wild. Il représente mon idéal cinématographique, que ce soit scénaristiquement, musicalement, visuellement ou émotionnellement. J'ai rarement pleuré devant un film. Etre très ému oui, très souvent, mais les films m'ayant vraiment fait verser des larmes se comptent sur les doigts d'une main atrophiée. En 1h30, Perfect Sense l'a fait trois fois...
Mise à jour 2020
J'ai revu le film 8 ans plus tard, afin de savoir s'il me faisait toujours le même effet, vous pouvez cliquer ici pour lire ma seconde critique.
Indice Spoiler : 

Dès les premières secondes, j'étais pris dedans et je n'ai pas pu m'en détacher avant la fin, les premières larmes apparaissant au bout de 14 minutes montre en main, happé par l'ambiance du film et par ce feu d'artifice d'émotions intenses qui m'ont laissé sur le cul. Pourquoi le film m'a-t-il autant touché là où d'autres l'ont trouvé fade ? C'est une question de ressenti, probablement, mais je suis quasiment certain que je ne vais jamais trouver de film plus bouleversant que celui-là. Est-ce la beauté et la subtilité d'un sujet déprimant auquel il m'était déjà arrivé de penser très souvent ? Le fait de perdre progressivement tous ses sens, petit à petit, sans pouvoir rien n'y faire, jusqu'à ce qu'on soit définitivement seul face à la mort, doit être la pire des tortures qu'on puisse infliger à l'être humain (que d'émotion lorsque Michael gueule à James en pleurant dans un moment de clairvoyance "
I've seen it, in the end you are alone ! James, you die on your own") . Le film, relevant pourtant de la science-fiction, est tellement crédible et réaliste, tellement vrai.
David MacKenzie traite ce sujet comme personne n'aurait pu mieux le faire, avec sensibilité, mettant en exergue les émotions de l'être humain, ses craintes face à un fléau qui le frappe sans raison, ses questionnements incessants, ses réactions et son adaptation à un nouveau monde. Il fait tout ça à travers deux personnages et choisit de raconter cette fin du monde pessimiste sous un angle romantique, via la rencontre entre deux âmes perdues.
J'ai lu ci et là que la réalisation était bancale et peu inspirée, mais a-t-on bien vu le même film ?! Les plans qui parsèment ce film sont diablement inspirés, au contraire. Dès le début du film, j'ai été surpris par l'habileté de la caméra, par les prises de vue originales (comme la caméra fixée au vélo qui nous montre le visage d'
Ewan McGregor), appuyées par une photographie des plus exquises. Dès le premier quart d'heure, je n'ai pas pu m'empêcher de lever les bras en murmurant "
que peut-on dire de plus ?" : j'avais mon film parfait devant les yeux et je ne comprenais même pas ce que je faisais devant. Et le jeu d'
Ewan McGregor... qui au moindre regard est capable de nous foutre le moral à zéro, est-ce lui qui m'a tant ému ? Et celui d'
Eva Green, actrice que je n'appréciais pas plus que ça et qui me faisait douter quant à la qualité du film, mais qui forme avec lui un duo remarquablement fluide et complice ? Est-ce encore la mise en immersion de toute cette histoire, qui parvient habilement à intégrer le spectateur au coeur du film, comme s'il perdait lui aussi tous ses sens ? Les effets sont remarquablement bien trouvés, et sur toutes les fois où je me suis dit pendant le film "
oh putain, s'il y a ça, ça sera magnifique, je VEUX ça", à chaque fois ça s'est réalisé. On voit à la fois toute la déchéance, le désespoir et l'espoir de l'humanité face à ce phénomène puissant et injuste, on voit tour à tour les êtres humains démunis face à la catastrophe, cherchant le réconfort, essayant à tout prix de profiter de leurs dernières sensations, mais qui s'adaptent, toujours. C'est magistral.
Le paragraphe suivant révèle la construction du film, mieux vaut ne pas le lire si vous n'avez pas vu le film car ça ôterait toute surprise.
Les étapes de "perte de sens" sont sublimes, chaque sens amenant une réaction différente de l'être humain juste avant sa disparition.
Pour l'odorat, les gens qui sentent leur odorat partir se mettent à pleurer, tout simplement parce que l'odorat est lié aux souvenirs, comme l'explique bien la voif off d'
Eva Green. Voyant leur odorat disparaître, les humains sentent également leurs beaux souvenirs partir et voient défiler dans leur tête des dizaines de souvenirs, de leurs proches, du mal qu'ils ont pu faire, des occasions manquées, etc. Et ils pleurent, c'est franchement magnifique (la scène où Michael se met à pleurer dans le lit est vraiment belle et assez inattendue). Voir ainsi des gens pleurer partout, parce qu'ils sont démunis et impuissants face à cette sorte de punition, c'est bouleversant.
Pour le goût, lorsque les gens sentent que ce sens va disparaître ils se mettent à manger tout ce qu'ils peuvent, à goûter la moindre chose qu'ils ont sous la main, les plongeant dans un état de folie assez dingue, mais pourtant logique (certains ont trouvé la scène de la "faim" grotesque et incohérente, je l'ai au contraire trouvée réaliste, crue mais vraie). Ils savent qu'ils n'ont plus que quelques secondes avant de perdre le goût et font tout ce qu'ils peuvent pour profiter de ce sens une dernière fois, quitte à manger des trucs immondes, juste pour profiter de leurs derniers instants de goût.
Pour l'ouïe, on atteint des sommets d'émotions assez hallucinants, les gens devenant violents et pleins de rage, sans doute par peur de perdre ce sens si utile et magnifique (perdre l'odorat, ça passe encore, le goût aussi, mais l'ouïe ça commence à faire beaucoup). Par désarroi devant l'injustice et la fatalité du phénomène. Peut-être également par volonté de faire le plus de bordel possible avant de ne plus jamais entendre... La disparition de l'ouïe est clairement le passage le plus émouvant du film, celui qui m'a fait fondre totalement. Pourquoi ? Parce qu'on voit les personnages déprimer totalement, certains ne trouvant plus vraiment goût à la vie, car ils ont compris que ça ne va pas s'arrêter là (le regard que Samuel lance à Susan est frissonnant et déprimant, l'acteur
Stephen Dillane transmet d'ailleurs avec justesse tout ce qui peut traverser l'esprit d'une personne à ce moment précis).
Quant à la vue, elle se fait au contraire tout en douceur, les humains réalisant alors qu'une fois coupés de ce 4e sens, il ne leur restera plus que l'amour pour vivre... C'est franchement magnifique et le propos abordé à chacune de ces étapes (qui a pu paraître débile pour certains) m'a profondément touché. Qu'en est-il du toucher ? Le film ne le dit pas, mais rien que l'idée est terrifiante et déprimante malgré le beau message d'amour. Comment peuvent-ils vivre s'ils voient leur toucher disparaître également ? Ils finissent désespéremment seuls, vraiment seuls face à leur propre pensée, condamnés à rester là sans rien percevoir et sans jamais pouvoir avoir le moindre contact avec autrui... On est alors rendus à un stade où l'humain ne peut plus s'adapter, je pense, ce qui rend la conclusion du film puissante et triste parce qu'on ne peut s'empêcher de se demander "et après ?".
Qui plus est, le réalisateur
David MacKenzie a tout pigé... Au lieu de nous faire un bête film catastrophe qui en fait des tonnes et des tonnes, au lieu de tenter de nous expliquer scientifiquement comment ça se passe, au lieu de nous faire chier avec des expériences de labo, il concentre toute la trame sur les sensations, sur les émotions pures, sur le côté humain de la chose et non pas le côté rationnel. Est-ce enfin la musique qui m'a tant fait pleurer ? Je crois bien que oui... Là où certains ont peut-être vu une musique tire-larmes, j'ai été bouleversé par chaque note, par chaque envolée sonore de
Max Richter. Alors ce type-là, je ne sais pas exactement ce qu'il a fait comme BO mais il va falloir que je creuse. Après m'avoir ensorcelé des mois et des mois avec la musique de Valse avec Bachir, après m'avoir hanté des semaines avec une musique de Shutter Island, voilà qu'il m'a fait frissonner intensément pendant 1h30, et m'a donné envie de revoir et revoir ce film encore. Les emportements lyriques de la musique, sa puissance liée aux images bouleversantes, tout ça est presque trop beau.
Max Richter et
David MacKenzie n'hésitent jamais à faire durer les séquences musicales le plus longtemps possible et c'est exactement tout ce dont je raffole dans un film...
Perfect Sense va me hanter des années. Putain j'en redemande !
Note : si vous décidez de le voir, mettez le son à fond sous peine de louper quelques belles ambiances ! L'idéal étant un cinéma, de bonnes enceintes, ou dans le pire des cas des écouteurs poussés au max..