Film totalement méconnu (inconnu même ?), et on se demande bien pourquoi surtout au vu du casting alléchant : Anthony Hopkins, Jake Gyllenhaal et Gwyneth Paltrow illuminent l'écran de leur talent (VO obligatoire !). Proof est un sublime film sur l'authenticité d'une preuve mathématique et notamment sur l'appartenance d'une démonstration à une personne, surtout lorsque la preuve est si importante qu'elle risque de bousculer le monde mathématique.
Mais c'est également (et surtout !) un joli film sur l'histoire d'un génie devenu fou et sur l'enfer dépressif d'une jeune femme. Etant moi-même plongé quotidiennement dans le monde des maths, je ne peux que trouver Proof extrêmement palpitant et très émouvant lorsqu'il s'agit de traiter de l'univers mental des mathématiciens de génie, ainsi que leur volonté, leur hargne, et leur attachement à leur discipline. Même les non-initiés n'auront aucun mal à comprendre le film et, j'en suis sûr, à s'attacher à chacun des personnages.
Pour commencer, une chose est sûre : la VF est à éviter absolument. Je l'ai testée pendant 15 minutes et je n'ai pas tenu, tant la médiocrité des doublages est conséquente. Ce film pourrait constituer à lui seul une immense campagne anti-doublages, comme la plupart des films très mal distribués en France (autre exemple :
Une fiancée pas comme les autres). Les doublages dénaturent de façon hallucinante le jeu des acteurs, les émotions, l'humour, pour tout rendre vulgairement plat et c'est flagrant dans ce film. Le passage de la VF à la VO a été pour moi un grand soulagement et je n'ai pas peur de dire que les personnes qui ont vu
Proof en version doublée n'ont en fait pas vu le film du tout... Les acteurs sont absolument prodigieux en version originale.
Anthony Hopkins, même si on le voit peu, éclaire le film de ses apparitions, grâce à son sourire enchanteur et son regard mystérieux (est-il lucide ou est-il entrain de délirer ?).
Jake Gyllenhaal campe le genre de personnages qui lui vont admirablement bien : soucieux des autres, honnête, "not boring", Hal est un jeune mathématicien, mais également l'unique personne à se soucier vraiment de Catherine, le personnage principal. La complicité électrique entre les deux acteurs/personnages est palpitante et m'a complètement subjuguée pendant le film.
Le duo nous offre de véritables moments de
douceur, mais également d'exaltation lorsqu'on a l'impression, ne serait-ce qu'un instant, de partager totalement les émotions des personnages. Les sentiments sont multipliés par les regards des personnages qui parviennent à nous soustraire des sourires et des larmes. Etrange de voir que ce film divise les critiques. Bref, je ne connais pas beaucoup
Gwyneth Paltrow mais elle confirme dans ce film tout ce que je pense d'elle depuis longtemps : il s'agit d'une actrice discrète au talent démesuré qu'on ne voit pas assez souvent à mon goût au cinéma, ou en tout cas pas dans suffisamment de films importants. Elle fait partie de ces rares actrices "à part". Elle joue ici un rôle dépressif et déprimant, celui d'une jeune femme absolument seule, désespérée par la mort de son père et qui est terrifiée à l'idée de devenir comme lui. Un seul personnage ne cesse de la soutenir et de lui faire du bien, c'est ce bon vieux Hal qu'on apprécie dès le début du film (car
Jake Gyllenhaal a ce don de sympathie et d'empathie impressionnant, qu'il sait toujours retranscrire à travers chacun de ses personnages).
Bref, le film est divisé en deux parties. Dans la première, on nous présente la situation, le personnage principal et l'enfer mental dans lequel elle se retrouve : la solitude, la peur, le deuil. Face à cette situation, un jeune homme vient lui apporter un court rayon de soleil et cette situation dure pendant toute la première moitié. La scène de l'enterrement est excellente, tout comme l'une des premières séquences du film également, avec le "cadeau d'anniversaire" de Hal qui constitue une scène émouvante, à la fois intense et douce, dès le départ - alors qu'on apprend tout juste à connaître les personnages. On pourrait se demander quand le film va "réellement" commencer mais l'astuce est là : le film est bel et bien commencé et la partie "mathématique" du film n'est pas pressée d'arriver. Le film préfère d'abord s'attarder sur la vie de Catherine et son passé avant de rentrer vraiment dans le sujet. C'est fort et c'est malin, car il est nécessaire qu'on s'attache d'abord au personnage et à sa psychologie avant de pouvoir suivre ce que le film veut raconter. La première moitié du film m'a passionné, grâce au jeu des acteurs impeccable, toujours avec une douceur et une retenue qui font que le film ne tombe jamais dans le ridicule ni dans l'excessif. Les sentiments sont implicites, les dialogues sont charmants, la subtilité est omniprésente.
Vient ensuite la deuxième moitié, où
Gwyneth Paltrow continue d'émouvoir et d'attendrir et où le vif du sujet revient sur le devant de la scène. Je ne vais pas raconter le film mais pour quelqu'un qui a déjà fait des mathématiques, cette partie est palpitante et merveilleusement mise en scène, sans jamais - jamais ! - faire semblant de prendre les spectateurs pour des cons avec des termes mathématiques compliqués. Par-ci par-là, on a droit à un bout de formule dans un coin, et c'est tout. Le reste n'est que psychologie des personnages et récit de l'hypothétique lucidité d'un génie. Le film ménage habilement son suspense avec des flashbacks mystérieux et l'utilme scène d'
Anthony Hopkins est la plus sublime du film, déchirante et libératrice. "
The future of heat is the future of cold". Clairement l'une des plus belles scènes que j'ai pu voir cette année tant elle est forte en révélations et en conclusions psychologiques de chaque personnage, le sourire d'
Anthony Hopkins sous la neige venant éclairer le visage du spectateur de façon frappante avec une admirable poésie.
Bref,
Proof est une merveille à ne pas louper, avec un sujet très original et rarement abordé (les personnes ayant apprécié "
Un homme d'exception" apprécieront à coup sûr).