Commençons par parler du scénario avant de complimenter l'extraordinaire boulot de l'acteur principal.
The
Machinist est vraiment très bien ficelé, du début à la fin. Tout est là pour nous embrouiller d'un bout à l'autre, et pourtant la surprise n'est pas au bout. C'est un peu le
problème du film, je trouve, c'est qu'il prend pour postulat de base un principe relativement éculé qui n'échappe absolument pas au spectateur à moins qu'il n'ait jamais vu de films de sa vie. La
résolution de pratiquement chaque détail inexpliqué est prévisible, car toutes les scènes contiennent d'énormes ficelles, tellement grosses qu'on se demande si ce n'était pas voulu par le
scénariste. Que ce soit l'identité d'
Ivan (joué par l'agaçant mais amusant
John Sharian) comme le manège
"
route 666" ou le post-it du pendu "
_ _ _ _ E R", tout est facilement reconstituable bien avant
la fin, même sans nécessairement se trifouiller le crâne. On ne croit absolument pas à cette histoire de complot, et d'ailleurs tout est mis en place pour qu'on ne tombe pas dans le panneau,
comme si le film voulait simplement nous montrer dans quelle folie tombe
Trevor et rien de plus. Tout le passage du train fantôme donne des indices bien trop
évidents qui font qu'on comprend dès le départ qu'il y a un an,
Trevor a certainement écrasé un gamin. Cependant la scène est angoissant et mystérieuse, on
demeure surpris par cette accumulation de coïncidences, tout étant relié à la vie du personnage.

Il est évident que
The Machinist s'inspire directement de
Fight Club. On a un personnage mince, émacié, qui ne dort jamais, complètement crevé, qui fait des erreurs dans son boulot.
Christian Bale ressemble d'ailleurs étonnament à
Edward Norton. La fin du film est similaire même
si
The Machinist va encore plus loin que son prédécesseur avec un personnage au bord de la rupture. Même
Ivan, au teint jovial et agaçant, peut faire penser au
Tyler Durden de
Fight
Club. Cependant, malgré les indices gros comme des maisons et un final prévisible,
The Machinist fait totalement effet, car
le scénario fait du film un vrai puzzle, et certains petits détails ne peuvent être compris qu'à la toute fin. Le scénario est sans incohérences, super bien écrit et nous plonge dans un univers
un peu glauque dont on ressort ébahi. Bref, le film nous montre la vie d'un pauvre homme dont la vie a basculé après un accident. Alors qu'il a eu un moment d'inattention en voulant utiliser
l'allume-cigare, il a en effet écrasé un gamin puis, paniqué, s'est enfui du lieu du crime. A partir de ce moment, même s'il a pu échapper aux autorités, il n'a pas pu échapper aux remords et à
la culpabilité. A tel point qu'il oublie totalement ce passage de sa vie et continue celle-ci. Mais son inconscient est bien présent et continue de le travailler sans relâche. Alors qu'il était
en pleine forme,
Trevor s'est mis à maigrir de façon dangereuse, perdant une trentaine de kilos. Il ne mange plus, apparemment satisfait de continuer à
maigrir afin de ne plus ressembler au salaud qu'il a été, et ne dort plus à cause du remords insoutenable qui le ronge. Seulement, comme il a totalement occulté ce passage de sa vie,
Trevor ne sait plus pourquoi il n'arrive pas à dormir. Il est très difficile d'imaginer à quel point ça doit être insoutenable de vivre de la sorte et, personnellement,
je comprends pas qu'un homme puisse tenir debout après tant de dégradation physique, mais
Trevor tient le coup, allant au boulot tous les jours. Pour échapper
à la solitude et combler son insomnie, il voit une prostituée et boit du café à l'aéroport, discutant avec la serveuse. Régulièrement, il a des hallucinations, reste bloqué sur l'heure du
drame, 01:30, et fait marcher son allume-cigare. C'est ainsi que
Ivan va apparaître dans sa vie et tenter de lui faire recouvrir la mémoire.
Ivan représente donc l'inconscient de
Trevor, prêt à tout pour lui ouvrir les yeux afin qu'il puisse enfin les fermer ! Même si
Trevor ne veut pas voir la réalité en face et se persuade de l'existence d'un complot contre lui, il finira par se rendre à l'évidence et libérer sa
conscience, ce qui offre une très belle fin de film, parfaitement claire et libératrice pour le personnage principal avec qui on a l'impression de souffrir.

Le film est très bien ficelé et c'est
Christian Bale qui le porte
entièrement sur ses deux épaules. Déjà, il faut savoir que l'acteur s'est investi comme pratiquement aucun homme s'est investi avant. Le travail qu'il a effectué sur lui-même afin de rendre son
rôle crédible est hallucinant et effrayant. L'acteur a effectivement perdu 28 kilos en trois mois pour jouer ce rôle, perdant sa silhouette musclée pour obtenir ce corps dangereusement
squelettique, qui fait vraiment peur à voir. Le réalisateur a d'ailleurs dit : "
il s'est affamé, épuisé, pour approcher l'état
d'esprit de son personnage. (...) C'était parfois un peu effrayant. J'ai insisté pour qu'il soit suivi médicalement. (...) Parfois, pour mieux jouer une scène il s'empêchait de dormir durant les
deux nuits précédentes". Je pense que très peu d'acteurs auraient accepté de se défigurer de la sorte pour un simple rôle et c'est vraiment quelque chose d'incroyable que je respecte
infiniment. Je n'aimais vraiment pas
Christian Bale avant de voir ce film mais il est remonté dans mon estime d'un seul coup. Son jeu
d'acteur est magistral, je crois que c'est l'une des meilleures prestations que j'ai vu depuis très longtemps. Son personnage cadavérique est ultra-crédible d'un bout à l'autre, effrayant et
apitoyant.
En plus de ça le film bénéficie d'une photographie mortelle, un univers très sombre, atemporel et glauque. Certaines scènes sont tout
simplement sublimes, les ombres et les lumières parfaitement maitrisées, tout autant que le sujet abordé. La musique accompagne divinement bien les images. Le scénario est intrigant, passionnant
jusqu'à la toute fin et je dois l'admettre, j'étais impatient de connaître le dénouement, trépignant sur ma chaise. On entre dans l'enfer d'un homme, qui vit dans un autre monde, totalement seul
et cinglé. Le film ne fait aucune distinction entre la réalité et le cauchemar et nous embrouille complètement, si bien qu'on ne sait jamais où se trouve le vrai du faux. Bref, j'ai été conquis
par cet univers et ce scénario de dingue, même si la subtilité n'est pas toujours de mise en ce qui concerne les révélations trop importantes au cours du film, par rapport au dénouement qui ne
surprend pas plus que ça et ne fait que "remettre les pendules à l'heure".
Voir aussi : Les 20 fins de films les plus surprenantes, Fighter.