Jusqu'au dernier moment j'ai hésité à sortir au ciné hier soir pour voir ce film, mais l'effet que m'avait fait la bande-annonce m'a persuadé, et j'ai bien fait. Cette année, beaucoup de films géniaux sont déjà sortis (en vrac : L'Odyssée de Pi, The Master, Le monde de Charlie, Django Unchained, Zero Dark Thirty, Happiness Therapy, Passion, Flight, A la Merveille, Cloud Atlas et j'en passe), c'est d'ailleurs la première fois qu'une année cinématographique démarre aussi bien pour moi, mais The Place beyond the Pines est le premier d'entre eux qui me pousse réellement à écrire un article, malgré mon manque de temps et d'envie.
Derek Cianfrance m'avait déjà beaucoup plu avec Blue Valentine - où Ryan Gosling jouait aussi l'un des premiers rôles - mais là, je trouve qu'il a créé un film encore plus abouti, encore plus travaillé et étonnant, que ce soit visuellement comme scénaristiquement ou musicalement.
Le réalisateur prend un nombre de risques incroyables qui, grâce aux différents talents mis en oeuvre, se révèlent payants. Je n'ai absolument rien à reprocher au film, il est à mon goût parfait que ce soit au niveau du scénario, de l'évolution des personnages et de cette histoire passionnante, des acteurs et de leur direction absolument incroyable, de la réalisation et de la musique. Un peu à l'image de la bande-annonce d'ailleurs que j'avais trouvé admirablement réussie :
Le film prend déjà un premier risque : celui de l'acteur choisi pour jouer Luke Glanton. En voyant la bande-annonce, il est impossible de ne pas penser à un "Drive 2" tant le personnage joué par
Ryan Gosling semble similaire et tout aussi électrique (un adjectif qui lui est souvent attribué à juste titre). La clope au bec n'est pas sans rappeler le cure-dent de
Drive et le bad boy en voiture est remplacé par le bad boy à moto. Qui plus est, je n'ai pas de difficultés à dire que
The Place Beyond the Pines se situe au même niveau que
Drive visuellement (ce qui, venant de moi, est donc un énorme compliment) avec parfois des plans similaires. Le plan d'ouverture du film notamment, avec le bruit du couteau papillon qui met immédiatemment dans l'ambiance, offre un joli plan-séquence pour bien entamer le film, la caméra suivant
Ryan Gosling de dos pour rejoindre son lieu de travail sous les acclamations. J'ai trouvé cette entrée en matière brillante et j'ai tout de suite accroché.
Mais pourtant, le film fait le tour de force de ne jamais s'apparenter à un Drive 2. Le fait de teindre
Ryan Gosling en blond, déjà, peut paraître tout con au premier abord mais permet sans aucun doute au spectateur de ne pas s'imaginer devant le même personnage. Et puis surtout, il faut bien le dire, ces deux films sont entièrement différents dans l'évolution de la trame scénaristique.
The Place Beyond the Pines s'affaire à parler de ses personnages sur la longueur et prend également un autre risque : celui d'être découpé en 3 parties claires et nettes. Chacune des parties a son personnage principal (
Ryan Golsing pour commencer, puis
Bradley Cooper, pour finir par
Dane DeHaan et
Emory Cohen qui campent leurs fils respectifs 15 ans plus tard).
[Spoiler : surligner pour voir le texte] Ainsi, la première partie consacrée au personnage de Ryan Gosling s'arrête brutalement pour laisser place à l'intrigue consacrée au personnage de Bradley Cooper, si bien que les deux acteurs ne se retrouvent jamais à jouer une scène ensemble ; ce qui est plutôt très rare lorsqu'on a deux acteurs de cette envergure en tête d'affiche. Pour cette raison, le film surprend énormément. La fin de la première partie du film est extrêmement inattendue. Je viens de lire que Derek Cianfrance était fasciné par Psychose d'Hitchcock, ça n'a rien d'étonnant. C'est évidemment à Psychose qu'on pense immédiatemment en voyant la disparition brutale du personnage principal au beau milieu du film, ce qui constitue un gros risque de perdre le spectateur. Et pourtant, comme Hitchcock, Derek Cianfrance a réussi à effectuer un beau transfert de Ryan Gosling à Bradley Cooper sans cesser de nous passionner. Couvert qu'il remet une deuxième fois lorsqu'il s'agit de traiter de la descendance et des conséquences des actes des deux pères sur leus fils.[/spoiler] Bref, le film est purement brillant dans sa construction, vraiment dingue et magnifiquement orchestré. D'autant que visuellement, le film est très beau, offrant même des plans d'une grande poésie et d'une belle nostalgie grâce à la musique de
Mike Patton (celle dans la fin de la bande-annonce qui avait éveillé mes papilles de cinéphile).
Si le film est si réussi, c'est en grande partie grâce aux acteurs. Plus je vois
Ryan Gosling et plus je me dis qu'il est hors norme. Avec son visage et son regard bourrés de tristesse et de mystère, cet acteur est absolument hypnotisant et je trouve son talent démesuré. Il y a notamment une scène dans le film où Romina (
Eva Mendes) regarde une photo de Luke. Cette scène est magnifique car Romina voit cette photo 15 ans après qu'elle ait été prise. C'est un moment de nostalgie pour le personnage. Mais grâce à la musique, à la dimension dramatique et aux acteurs, le spectateur est lui aussi mis dans un grand état de nostagie alors que pour lui, la scène a eu lieu à peine une heure auparavant. Cette scène n'aurait, à mon sens, pas eu autant de charme et de puissance sans
Ryan Gosling. Je trouve étrangement que cet acteur a un pouvoir nostagique hallucinant qui permet au film de s'envoler parfois assez haut.
Cependant le reste du casting n'est pas moins brillant. J'avais peur d'
Eva Mendes car je n'ai jamais vraiment pu l'apprécier, mais ce film met vraiment en valeur son talent d'actrice. De même pour
Bradley Cooper qui joue avec une justesse incroyable,
Ray Liotta mais également
Rose Byrne, mémorable alors qu'on ne la voit presque pas ! Pour ceci, je trouve la direction des acteurs excellente, car aucun personnage, même le plus secondaire qui soit, n'est laissé sur le côté. C'est sans parler de
Dane DeHaan et
Emory Cohen qui brillent à l'écran pour bien conclure le film.
Bref, je ne sais pas si c'est un chef d'oeuvre mais pour moi ça s'en approche grandement. Je le conseille absolument à tout ceux qui ne savent pas quoi aller voir au ciné en ce moment.