Il me semble avoir déjà dit tout le bien que je pensais de ce film de Peter Jackson. L'une des scènes du film fait partie de mes petits chocs cinématographiques et j'avais envie d'en parler un peu aujourd'hui.
Je ne m'étalerai pas, je souhaite juste partager ici ce que je ressens concernant la puissance de cette courte scène qui me remue à chaque fois. Comme la scène révèle explicitement la fin du film, vous êtes prévenus : il ne faut pas lire l'article si vous n'avez pas vu le film. Et dans ce cas, je vous conseille de le découvrir.
La scène dont je parle se situe juste avant le dénouement et signe à mon goût l'une des scènes les plus puissantes du réalisateur. La musique, le ralenti, tout est parfait.
Ca se passe ici, à 1:05 et ça dure 45 secondes :
A ce moment du film, le pédophile joué par l'excellent Stanley Tucci est légèrement mal barré car le père de Suzie a découvert qui il était réellement. En fuite, il n'a d'autre choix que d'aller à la décharge pour se débarasser du corps de la jeune fille. Le gars qui travaille là lui dit qu'il doit se dépêcher, parce qu'il va bientôt refermer le trou. La tension est forte, le suspense bien présent. Que va-t-il se passer ?
A cet instant, le spectateur n'attend qu'une chose, la seule chose qui puisse arriver : le tueur va forcément se faire avoir d'une quelconque façon car, merde, il serait quand même injuste qu'il puisse s'en tirer de cette façon. Il faut que le corps soit retrouvé par les parents, que l'enquête soit bouclée, pour que le deuil soit fait totalement. Mais non, Peter Jackson ne l'entend pas de cette oreille. Oui, la vie est injuste, et non, cette histoire sordide ne finira pas complètement pour les parents de la victime.
Chaque fois qu'apparaît la scène qui démarre à 1:09 dans la vidéo ci-dessus, je ressens quelque chose de spécial qui me déprime profondément. Le changement de musique à cet instant précis est savoureux. On passe d'une musique de calme et d'amour à une composition très sombre, alors qu'on voit le meurtrier jeter au ralenti le coffre qui contient le corps de la gamine. Puis vient se superposer à cette sombre ambiance la géniale musique de Brian Eno "The Big Ship" qui faisait déjà partie de mes compositions musicales préférées avant que je voie le film. Le chef d'oeuvre sonore de Brian Eno se marie à merveille avec la scène et je me demande encore aujourd'hui comment il est possible de créer des images musicales aussi magnifiques.
Alors que la musique démarre, le tueur se met en retrait et sort de l'écran et on comprend immédiatement que c'est la fin. Le sublime ralenti sur la chute du coffre est à mon goût une merveille sur tous les points. L'objet tombe lentement, rien ne peut maintenant le retenir. Il s'enfonce dans la vase et la scène globale me retourne les entrailles à chaque fois. Elle s'allie superbement avec la montée en puissance de "The Big Ship" et l'image est très forte. Personne ne saura jamais ce qu'est devenu le corps de Suzie. Il faudra vivre avec. Elle reposera à jamais au fond d'une fosse remplie de merde et personne ne suspectera jamais sa présence sous terre. Un pur moment de déprime made in Peter Jackson, qui est parallèlement mis en beauté par le fantôme de Suzie embrassant enfin son amoureux. Le parallèle fait entre les deux scènes donne, grâce au montage parfait, un effet déprime/joie assez vertigineux.
Je pourrais regarder ce coffre tomber des milliers de fois, sombrant inéluctablement, sans jamais m'en lasser. Il n'y a pas de mot, c'est à en pleurer.