Richard Linklater, je t'aime. Étant fan absolu de la trilogie Before Sunrise / Sunset / Midnight, j'avais découvert en début d'année Boyhood qui restera très probablement le plus beau film que j'ai vu en 2021. J'ai donc décidé de poursuivre ma découverte de la filmographie du cinéaste et je suis tombé sur ce petit bijou, qui me faisait de l’œil depuis une dizaine d'années. A Scanner Darkly est épatant, visuellement unique et scénaristiquement abouti. Un petit chef d’œuvre qui va immédiatement rejoindre Boyhood et les Before dans mon top 300.
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Depuis qu'il est sorti (ou presque), je suis fasciné dès que je tombe sur une image de ce film. Richard Linklater a choisi d'utiliser la rotoscopie pour réaliser son film et le résultat final est sublime. A Scanner Darkly n'est pas un film d'animation à proprement parler, puisque chaque image de ce film est basée sur des prises réelles. Le visuel se rapproche un peu de celui de Valse avec Bachir avec cet aspect "peinture numérique", un peu comme ces retouches que l'on peut faire avec Photoshop à partir de vraies photos pour leur donner un style "cartoon". Cependant, les deux techniques n'ont absolument rien à voir. En effet, le chef d'oeuvre d'Ari Folman (Valse avec Bachir) était une animation de A à Z, alors que l'approche de Richard Linklater pour A Scanner Darkly est différente. Tout le film a en effet été tourné et mis en scène en prises de vue réelles avec de vrais acteurs, et c'est ensuite un travail titanesque qui a permis, en modifiant chaque image une par une, de livrer ce rendu surréaliste. C'est ce qu'on appelle la rotoscopie.
Ainsi, A Scanner Darkly est une oeuvre unique dans le monde du cinéma moderne (si on exclut Waking Life que Linklater a réalisé en 2001 et qu'il me tarde désormais de découvrir), un véritable OVNI dans cette ère du "tout numérique". Visuellement, il n'y a rien à redire, mes yeux ont brillé d'émerveillement devant chaque plan durant 1h40. Que ce soient les couleurs utilisées, les mouvements de caméra, les surprenantes modifications de l'espace créées par l'effet rotoscopique ou encore cette sensation d'hallucination, tout est merveilleux et donne l'impression d'observer une immense série de tableaux ou d'aquarelles fascinantes.
Qui plus est, cette volonté de modifier visuellement la réalité n'est pas simplement un caprice de réalisation, car tout ceci sert à la perfection la thématique du film, dans lequel la majorité des personnages vit sous l'emprise permanente d'une drogue futuriste : la substance M (ou D, en version originale). Une certaine altération de la réalité est ainsi imposée au spectateur, qui se place facilement dans la peau des personnages shootés à la substance M. Le rendu est véritablement saisissant, notamment lorsque les petits défauts de la rotoscopie (objets censés être immobiles mais qui bougent quand même légèrement, représentations déformées de l'espace et des perspectives) se transforment finalement en qualités, appuyant de ce fait la schizophrénie de certains personnages.
Je ne vais pas révéler les tenants et aboutissants de A Scanner Darkly mais j'ai trouvé le propos du film totalement pertinent dans les thèmes abordés (la drogue, bien évidemment, mais aussi la perte de l'identité dans un monde qui va trop vite). Le scénario, basé sur une nouvelle de Philip K. Dick que je n'ai pas lue, est un joli casse-tête presque labyrinthique et offre par ailleurs un dénouement somptueux. J'ai apprécié chaque moment de cette intrigue non-conventionnelle, que ce soient les événements comme l'éventail des personnages qui nous sont présentés. Rien que le démarrage du film, qui nous montre simplement les effets destructeurs et hallucinatoires de cette nouvelle drogue puissante, nous plonge dans une ambiance dingue. On ne sait pas où on est tombés, mais on remarque immédiatement que l'univers de A Scanner Darkly ne ressemble à aucun autre.
A Scanner Darkly m'a mis une petite claque visuelle et m'a totalement embarqué dans son monde curieux et son histoire palpitante. Certaines séquences, mises en valeur par la musique de Graham Reynolds, m'ont ému au plus haut point, comme ce moment où le personnage de Keanu Reeves (acteur fabuleux au charisme quasi-infini) se remémore son passé avec sa femme et ses deux filles. Il s'en dégage une mélancolie et une douceur inouïes, de celles dont je raffole au cinéma. Le casting, quant à lui, est parfait. Que ce soient Keanu Reeves ou Winona Ryder pour qui j'ai un amour sans condition, ou encore Robert Downey Jr et Woody Harrelson qui apportent une dimension comique, j'ai adoré deviner chacun des comédiens sous leur couche de dessin.
Vous l'aurez compris, je vous encourage vivement à voir ce film, il est merveilleux. Et puis, tiens, j'ignore si ça vous donnera envie de voir le film, mais je conclus l'article par cette scène dont je parlais plus haut :