Voici une proposition de harkonymorine qui fera date dans ma cinéphilie puisque (mieux vaut tard que jamais !), Quand passent les cigognes est tout simplement mon premier film russe. Et oui, c'est peut-être scandaleux, tout ce que vous voudrez, mais je n'avais jamais encore exploré le cinéma soviétique, ni à travers des oeuvres cultes comme Le cuirassé Potemkine, ni à travers des cinéastes reconnus comme Tarkovski.
Quand j'avais la vingtaine aux débuts de ce blog, j'ai plusieurs fois considéré cette option mais il se trouve que j'ai constamment remis à plus tard ma découverte de ce cinéma, m'estimant (à raison je pense) encore trop jeune ou trop immature pour le savourer pleinement. Maintenant que j'ai passé les 30 ans, il m'a fallu lancer un concours pour enfin découvrir Quand passent les cigognes de Mikhaïl Kalatozov. Et bon sang, quel plaisir !
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Plus mes visionnages avancent et plus je me rends compte de la grande diversité des films que vous m'avez tous proposés, et je vous en remercie. Quand passent les cigognes m'a chamboulé, non pas par son scénario plutôt classique mais par ses qualités visuelles époustouflantes. Un préjugé assez populaire (et assez tenace) pourrait nous faire croire que visionner un film russe de 1957 constitue une corvée, mais il n'en est rien : cette œuvre est purement magnifique et, plus les heures passent, plus je constate à quel point j'ai été profondément marqué par ce visionnage.
Pour commencer, le film m'a subjugué par la netteté et la beauté de ses images. Je ne vais pas jouer les experts du noir et blanc, mais force est de constater que les premières minutes m'ont apporté des étoiles dans les yeux, tant j'ai l'impression de n'avoir jamais vu des tons aussi somptueux. Les ombres et lumières sont sublimes, il n'y a pas d'autre mot. J'ai notamment été attiré par la précision de certains effets, comme lorsque la lumière fait littéralement briller les yeux des personnages. Les quelques exemples ci-dessous suffisent à montrer la qualité de l'image et des ces jeux de lumières incroyables.
Ces effets donnent une intensité folle à ces regards et j'ai été fasciné par ces détails irréprochables. Et puis, bien sûr, mise à part la gestion des tons et de la lumière, un soin tout particulier est apporté à la réalisation : par des angles de vue astucieux (plongées ou contre-plongées, gros plans qui renforcent certaines émotions) mais aussi par des plans-séquences vraiment virtuoses. Certains cadres m'ont clairement décroché la mâchoire, tant les décors sont mis en valeur par les mouvements et positions de la caméra. Je dépose en vrac quelques images qui m'ont marqué, mais je pourrais en rajouter des centaines.
D'autres séquences, absolument folles, m'ont encore impressionné par leurs effets maîtrisés. Je pourrais citer la scène des escaliers, d'une virtuosité renversante avec son travelling en colimaçon, mais celle qui m'a le plus étonné est sans doute la séquence de rêverie, lorsque l'esprit de Boris s'égare et qu'il se prend à imaginer son mariage, dansant avec Veronika dans un tourbillon d'images superposées. Il n'y a rien à dire, c'est juste parfait d'un point de vue technique comme dramaturgique.
En-dehors de l'aspect purement technique, je dois également évoquer le sujet du film, centré sur des thèmes qui me touchent beaucoup moins (la romance en temps de guerre, notamment) et dont les enjeux dramatiques peinent à m'émouvoir. Pour autant, et même si cette relation amoureuse m'a rarement bouleversé, j'ai été sensible à la mise en scène de certains passages, comme le moment où Veronika cherche désespérément du regard l'amour de sa vie à travers une grille, ou encore la découverte de la lettre (attendue et inévitable, mais touchante malgré tout).
Et puis, surtout, l'interprète de Veronika m'a clairement aidé à m'identifier à son personnage et à sa situation. Évidemment, comme je découvre le cinéma russe avec ce film, je ne connaissais pas du tout Tatiana Samoïlova mais son interprétation m'a convaincu du début à la fin. Elle est touchante, intense et d'une grande finesse (si on exclut la scène des gifles, à remettre dans le contexte d'un film qui fête ses 65 ans).
Bref, un grand merci à harkonymorine pour m'avoir fait découvrir Quand passent les cigognes, que je vous invite à visionner à votre tour si vous n'avez encore jamais touché au cinéma russe. Je pense que c'est une parfaite entrée en matière et je suis maintenant d'autant plus décidé à explorer ce cinéma dans les années à venir. Il entre dans mon top 300.