Ce dixième film du concours m'a été proposé par bredele, que je remercie pour sa participation. Rendez-vous avec la peur est un film fantastique sorti en 1957 qui explore les thèmes de l'occulte et de la superstition dans une enquête sur la mort surnaturelle d'un professeur, poursuivi par une figure démoniaque.
De belles choses permettent au film de Tourneur d'être un objet de cinéma très intéressant. La mise en scène, les jeux d'ombres, les contrastes m'ont rappelé Les innocents (1961) même si j'ai largement préféré le film de Jack Clayton, bien plus subtil dans son traitement du fantastique et du doute entre l'hallucination et la réalité. Malgré tout, j'ai été saisi par quelques séquences particulièrement fortes comme la scène de la tempête ou celle du meurtre/accident en début de film.
De même, toute la partie lors de laquelle Holden entre par effraction chez Karswell est maîtrisée d'un bout à l'autre et m'a - je crois - sauvé d'un léger ennui naissant. Que ce soit cette fabuleuse idée de la main sur la rampe d'escalier (absolument géniale) comme la magnifique scène de fuite dans la forêt, toute cette partie offre des plans qui me resteront en mémoire pour leur créativité et l'atmosphère horrifique qu'ils imposent.
La représentation du monstre sous forme de fumée est plutôt ingénieuse et permet d'instaurer une sacrée tension le temps de quelques séquences ; le rendu visuel est sublime. C'est à se demander si d'autres oeuvres comme Lost (et sa fameuse fumée noire qui apparait dans la forêt en faisant des bruits mécaniques) ne se seraient pas inspirées de Rendez-vous avec la peur pour leurs monstres. Comme on peut le lire un peu partout, il est regrettable que ce monstre diabolique soit montré explicitement à la fois en début et en fin de film sous une forme grotesque voire ridicule, ce qui gâche certains effets instantanément. Certes, Jacques Tourneur aurait été forcé d'inclure ces images contre son gré face à la pression des producteurs. Il n'en demeure pas moins que cette hideuse maquette en carton se trouve à l'écran, bousillant une partie de l'ambiance du film et des effets qui auraient eu une autre gueule si la menace était restée suggestive.
Et ce n'est pas le seul point négatif que j'émettrai car, bien que Rendez-vous avec la peur soit un excellent film d'horreur à l'ancienne, le film souffre aussi parfois d'un suspense peu soutenu... puisque tous les éléments nous sont révélés sans trop de mystère. Certains personnages me semblent assez mal écrits, notamment les deux personnages féminins (Joanna et Mme Karswell) qui ne servent finalement strictement à rien : ce sont des faire-valoir pour les personnages masculins. Joanna était pourtant partie pour briller, avant qu'il soit décidé qu'elle reste sagement dans la voiture en attendant que Holden se charge du danger.
De même, le personnage de Julian Karswell aurait dû susciter davantage de fascination et de surprises. Toute sa situation nous est révélée en 45 minutes et il n'a ensuite quasiment plus rien à apporter : nous savons ce qu'il cherche et comment il le cherche, ce qui le rend d'office beaucoup moins inquiétant. D'ailleurs, il n'apparait même pas réellement comme une menace mais plutôt comme un clown que les personnages peuvent approcher sans crainte, c'est assez étrange. Le scénario s'avère donc assez plat lorsque défilent les scènes qu'on s'attendait à voir (puisqu'annoncées plus tôt dans le film). La séance d'hypnose avec Hobart, par exemple, n'offre rien de bien palpitant alors que cette conférence nous était vendue pendant toute la première partie du film comme une sorte de climax. Quant au dénouement, il offre une résolution qui semble bien facile et qui laisse peu de place au doute, ce qui m'a posé problème puisque le personnage principal semblait résolument rationnel.
Bref, j'ai beaucoup aimé mon visionnage de Rendez-vous avec la peur même si, avec du recul, j'ai plusieurs choses à lui reprocher. J'adresse une nouvelle fois mes remerciements à bredele pour m'avoir fait découvrir ce réalisateur dont je n'avais encore jamais rien vu.