Partie 1/4 : Les pistolets en plastique
Partie 2/4 : Le moine et le fusil
Plutôt satisfait des deux films que je venais de découvrir, j'ai changé de cinéma vers 18h30 en m'octroyant une pause de 10 minutes. En attendant ma dernière séance à 20h30, un seul film pouvait s'intercaler, et c'est donc un peu par défaut que je suis allé voir Survivre (en VF, c'est important de le préciser), réalisé par Frédéric Jardin. Il n'était pas prévu dans mon planning, mais voir qu'il s'agissait d'un film français de SF à petit budget était suffisant pour attiser ma curiosité.
Je vais spoiler.
Survivre contient quelques éléments positifs, mais j'y reviendrai à la fin de l'article afin de finir sur une note plus sympathique. Malheureusement, cette SF française est assez catastrophique en terme d'écriture, et c'est bien dommage car le début du film était terriblement excitant. Toute la partie en mer est géniale, plutôt bien filmée et flippante. Je regrette profondément que le film n'ait pas gardé ce cap, car l'idée était alléchante. Je vais faire une remarque qui n'a pas lieu d'être puisque ce n'est pas de la faute du film, mais j'avais oublié à quel point les doublages pouvaient gâcher la plupart des effets. Le comédien qui double Andreas Pietschmann est catastrophique, et s'il n'y avait que ça ! N'ayant pas testé de VF depuis plusieurs années, j'avais complètement oublié cette sensation de me retrouver face à un truc fake, sans écho, sans intention, avec un effet étouffé / studio insupportable. Les personnages sont censés être en pleine mer, mais on entend clairement que les voix ont été enregistrées dans un lieu confiné. Horrible.
J'ai donc cru que tout irait mieux à la mort du père, puisque tous les autres personnages ne parlent en anglais que pour lui, et que la VF doublée devient donc une VO en français (oui, ben suivez un peu !). Ce fut en effet libérateur puisque les voix ne m'ont plus du tout dérangé : j'ai enfin pu rentrer dans le film (même si, au passage, je ne pense pas que la mort du père devrait être accueillie avec un tel soulagement). Le problème, c'est qu'à partir du moment où les personnages ne sont plus en mer, rien ne va plus en terme de scénario. Alors il y a toujours une certaine audace, on ne peut pas l'enlever, mais à partir du moment où la mère et ses deux enfants se retrouvent sur la terre ferme, Survivre devient un immense n'importe quoi scénaristique.
Déjà, ce n'est pas parce qu'on fait de la SF qu'on peut faire et raconter n'importe quoi. J'ai failli m'étouffer lorsque l'un des personnages explique que l'inversion des pôles a provoqué le déplacement des océans. Alors je conçois qu'une inversion magnétique puisse dérégler le comportement des animaux, notamment marins, ou même faire chuter les satellites (superbe séquence d'ailleurs, très impressionnante !). Mais prétendre que les océans et les continents aient été échangés, c'est-à-dire que l'eau est partie de son emplacement habituel pour aller SUR LES CONTINENTS, ça n'a aucun putain de sens. Ce n'est pas parce que les pôles s'inversent que l'eau se met à agir contre les lois de la physique, il faut arrêter à un moment d'inventer tout et n'importe quoi juste parce que c'est un film de SF.
Et puis, même en admettant ce principe délirant, les personnages ont tous des comportements illogiques, et c'est insupportable. Survivre souffre de tellement d'incohérences que ça en devient risible. On a déjà le cliché du méchant monsieur qui marche tranquillement à la poursuite de cette pauvre famille sans défense, qui survit on-ne-sait-comment. Le mec a eu le temps de se créer une lance avec un couteau au cas où il croiserait quelqu'un, ce qui n'a aucun sens puisque la probabilité de croiser des gens ici est proche de zéro. La mère se prend un coup de lance, tombe à terre juste à côté, et ne pense même pas à la ramasser pour s'en servir comme arme de défense ! Pourtant elle a le temps, puisque le mec marche... On passe sur l'antagoniste qui est débile et ne dit jamais un seul mot : on ne sait pas vraiment ce qui le motive à vouloir buter tout le monde.
Une fois que les trois personnages principaux ont enfin tué le mec, aucun ne pense à fouiller son corps, ni ses sacs, à la recherche éventuelle d'un peu d'eau douce puisque la gamine idiote a laissé se déverser leur seule gourde d'eau : "Oh, j'ai oublié de la refermer !". Le gamin est en train de se déshydrater à vitesse grand V mais, là encore, le film fait n'importe quoi avec. A partir des premiers signes de déshydratation, le gosse devrait juste devenir apathique et incapable de bouger au fil des heures, ce qui n'est pas le cas puisqu'à part des lèvres asséchées, il parvient à courir ou grimper en haut d'un container. Je passe sur son rétablissement complètement débile : ils trouvent des bouteilles d'eau, il boit, il est guéri. C'est magique hein. On semble totalement ignorer qu'à un certain stade de la déshydratation, boire de l'eau ne suffit plus. Bref.
Je passe également sur la fin du film où la mère abandonne littéralement ses gosses alors qu'elle pouvait parfaitement monter quelques rochers pour les rejoindre. On ne sait pas pourquoi, mais elle leur crie de l'abandonner, sans penser au traumatisme que ce choix déchirant pourra avoir sur ses enfants. On ne sait pas pourquoi elle fait ça à part pour éviter d'affronter leurs adieux plus tard... Oh, et pour continuer dans les trucs stupides : buter des crabes au fusil à pompe ou au flingue alors qu'on n'a que 30 balles et qu'il y a clairement des milliers de crabes qui nous foncent dessus... Quel intérêt ? Et puis, comme par hasard, les deux enfants comme la mère savent parfaitement se servir de toutes les armes. A un moment, la mère demandera à son fils : "Mais comment tu sais te servir de ça ?", ce à quoi le fils répondra par un sourire. Et rien d'autre. Chers spectateurs, on vous emmerde, y'a pas d'explication.
Bref, je ne vais pas m'énerver indéfiniment sur toutes les incohérences et des trucs grotesques car ça m'a gâché la séance. Je voulais conclure cet article avec quelques points positifs, puisqu'il y en a tout de même. Déjà, contrairement à ce que j'ai pu lire ici et là, le casting est plutôt efficace. Les problèmes ne viennent absolument pas des acteurs, qui font globalement tout ce qu'ils peuvent avec la pauvreté de leurs dialogues. Emilie Duquenne est convaincante dans sa détresse, elle apporte une rage à son personnage. Lucas Ebel s'en sort plutôt pas mal aussi, je n'ai pas aimé sa première partie à cause de son doublage foireux, mais dès qu'il est passé en français "réel", il ne m'a plus posé un seul souci. Par contre, il y a une actrice qui m'a bluffé, il s'agit de Lisa Delamar dans le rôle de Cassie. Elle m'a convaincu du début à la fin, que ce soit dans la peur, dans la détresse, l'émotion, tout était parfait. Je ne serais pas surpris qu'on entende à nouveau parler d'elle prochainement.
Et puis, il faut bien le dire, le visuel du film est saisissant notamment dans ce cinéma français qui peine à se diversifier. Même si le scénario est parfois un grand n'importe quoi, l'image est époustouflante par moments, en témoignent ces scènes désertiques de toute beauté qui ont fait briller mes yeux, ou ces plans post-apocalyptiques de grandeur ampleur qui font extrêmement plaisir dans le paysage français. On peut au moins saluer cet effort, car on croit réellement à la situation d'urgence que vivent les personnages.
Tout n'est donc pas catastrophique dans Survivre. Si j'ai été très virulent sur le scénario du film, c'est parce qu'il aurait clairement pu tenir la route avec une meilleure écriture. Avec ces acteurs plutôt persuasifs, cette ambition visuelle très étonnante pour un si faible budget, j'ai été déçu que les quelques bonnes idées aient été gâchées par des situations absurdes ou trop "faciles" (bizarrement ils se font toujours attaquer PILE quand l'un d'entre eux se réveille) et un concept qui frise la théorie du complot.
Ceci dit, j'ai passé un moment assez cool.