Foncez voir ce drame sur fond de comédie musicale signé Jacques Audiard, il figure déjà dans mon top 5 des films vus au cinéma cette année. Emilia Pérez est à la fois touchant, surprenant et énergique. Un film fou, d'une incroyable audace, qui ne cesse de nous en envoyer plein les yeux et les oreilles durant plus de 2 heures. Presque sans faute.
Emilia Pérez, c'est l'histoire d'une femme née dans le corps d'un homme. Après une vie passée en tant que chef de cartel, Manitas décide de faire appel à une avocate, Rita, pour quitter cette vie de violence et effectuer enfin la transition désirée depuis son enfance. Emilia Pérez a remporté le Prix du Jury à Cannes, ainsi que le Prix d'interprétation féminine pour ses quatre brillantes comédiennes, dont l'actrice principale, Karla Sofía Gascón, qui fut la première personne trans à remporter une récompense à Cannes. Chacune de ces récompenses est méritée et je verrais bien le film représenter la France aux prochains Oscars. En plus d'être ambitieux et original, Emilia Pérez est une pépite dont on ressort avec la sensation d'avoir vu quelque chose de grand, et quelques larmes.
Même si le film ne peut pas être uniquement considéré comme une comédie musicale, les nombreux passages chantés en font indéniablement la force. Emilia Pérez débute directement par une chanson qui m'a scotché à mon siège : j'ai ressenti la même stupéfaction qu'en découvrant Annette il y a quelques années. La musique El Alegato est intrigante et offre, dès les premières minutes, une identité très forte. Elle nous permet de plonger dans l'univers du film, dont il est difficile ensuite de se détacher. D'ailleurs, quelques heures plus tard, les chansons et les images continuent de tourner dans ma tête, tout comme certains dialogues qui semblent chacun suivre leur propre musique. Je pense notamment à cette manière avec laquelle Manitas énonce ses règles à Rita sans jamais reprendre son souffle : l'effet impressionne et surprend.
En plus de tout cet enrobage magnifique de chansons toutes inattendues et étonnamment dynamiques, le film est une poignante histoire, celle d'une femme qui se bat pour exister au prix de terribles sacrifices. Devenant officiellement femme, Emilia est également obligée de quitter certains rôles qui guidaient sa vie : ceux de mari, de père, de chef. Elle devient alors observatrice de la violence masculine qu'elle représentait et qu'elle voit désormais sous un autre œil. Le personnage d'Emilia est merveilleusement traité, notamment grâce à la performance de Karla Sofía Gascón, exceptionnelle du début à la fin. Par ailleurs, l'intégralité du casting féminin touche la perfection. Zoe Saldana trouve ici un rôle à la mesure de son talent, à la fois émouvante lors des moments d'intimité, et nerveuse lors de ses performances musicales. Selena Gomez, quant à elle, perce tant l'écran lors de ses apparitions que je ne l'avais même pas reconnue. Je ne pensais pas, honnêtement, que j'apprécierais cette actrice un jour.
Pour ne rien gâcher, la mise en scène de Jacques Audiard est virtuose. Les mouvements de caméra lors des chorégraphies ont fortement attiré mon oeil. De nombreuses idées sont parfaites et tombent où il faut, quand il faut. Le travail des lumières, lui aussi, est exceptionnel, permettant parfois à certains personnages de s'isoler, de s'extraire d'une scène pour rendre le moment très particulier. Le réalisateur nous offre d'intenses scènes d'émotion auxquelles je ne m'attendais pas, généralement accompagnées de puissantes musiques qui ont bien failli me faire lâcher quelques larmes. Toute la séquence sur la chanson Papa va me rester en tête des semaines : ce véritable moment suspendu (et ce n'est pas le seul du film) m'a happé et je ne me sentais même plus dans une salle de cinéma. Sans mauvais jeu de mot, j'étais dans une forme de transe.
Bref, je vous conseille fortement d'aller découvrir Emilia Pérez en salles tant qu'il y est encore, vous n'en tirerez aucune déception. Ça faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti de tels effets sur grand écran.