Parmi mes récentes découvertes, je vous présente trois belles surprises ainsi qu'une grosse déception. L'une d'entre elles, notamment, est totalement méconnue et vaut pourtant sacrément le coup.
Chaînes conjugales (Joseph L. Mankiewicz - 1949)
Même si je connais assez peu le cinéma de Joseph L. Mankiewicz, c'est ma 5e tentative avec le réalisateur-scénariste et c'est à chaque fois un petit ravissement. Hormis son dernier film (Le Limier), les quatre autres mettent toujours les femmes au centre de l'intrigue. Que ce soit dans L'aventure de Mme Muir, Eve, La comtesse aux pieds nus, ou maintenant Chaînes conjugales (A letter to three wives), j'ai pris un grand plaisir à me plonger dans le style de Mankiewicz, avec ces figures féminines fortes. Ici, on raconte l'histoire de trois amies qui partent en excursion et reçoivent une lettre juste avant leur départ. Cette lettre est de la main d'une quatrième femme, qu'elles connaissent toutes, et qui prétend avoir profité de leur départ pour partir avec le mari de l'une d'entre elles.
Chaînes conjugales, grâce à son montage habile, nous montre alors les points de vue des trois femmes, ainsi que leurs inquiétudes, à travers des flashbacks. La construction du film est amusante et le spectateur se retrouve tel un enquêteur, cherchant à savoir lequel des trois maris a bien pu quitter sa femme. Le film est assez drôle, d'autant que l'intégralité du casting est au top. Côté masculin, ça ne démérite pas avec des noms tels que Kirk Douglas et Paul Douglas, tous deux excellents, mais la palme revient au trio d'actrices qui offrent des performances magistrales dans des registres très différents. Si j'ai adoré le côté névrosé du personnage de Jeanne Crain ou encore l'air hautain d'Ann Sothern, c'est Linda Darnell qui a accaparé toute mon attention. Son œil malicieux et sa classe m'ont époustouflé, découvrir cette actrice fut une très belle expérience. Je vous conseille donc ce film, bien que la conclusion ait été à mon goût assez décevante par rapport aux attentes mises en place.
Le sabre (Kenji Misumi - 1964)
Une belle petite trouvaille que voilà, que je vous conseille sans hésitation. Le film ne fera pas partie de mes coups de cœur à cause d'un mixage sonore parfois hasardeux, surtout en début de film (les cris des kendokas). Malgré tout, Le sabre est génial à suivre et je n'exclus pas la possibilité de le réévaluer à la hausse avec le temps. Je n'en attendais pas tant de la part d'un film aussi inconnu. On y suit un club de kendo (combat au sabre) et notamment trois de ses éléments. Kokubu, sensei du club, est admiré par Mibu, mais jalousé par Kagawa, avec lequel une lutte mentale s'engage.
C'est mon premier film de Misumi et l'ensemble m'a totalement happé. Ayant pratiqué le karaté durant 12 ans dans ma jeunesse, j'ai grandi avec ce type d'ambiances : dojo, comptage et commandements en japonais, etc. Le sabre a donc été pour moi comme un petit cocon nostalgique d'une philosophie qui m'a construit lorsque j'étais enfant. Kenji Misumi a le sens du cadre, la mise en scène est prodigieuse tout comme la photographie avec ce magnifique noir et blanc. Certains plans vont me rester en mémoire, comme les mains transpirantes de deux élèves punis face au mur pendant 40 minutes, qui agrippent douloureusement leur kendogi. Côté acteurs, ce sont surtout Raizô Ichikawa (en maître ascète et impassible) et Yûsuke Kawazu (Kagawa) qui impressionnent. Noriko Sengoku dans le rôle de Kiuchi apporte également un peu d'humour : une présence féminine bienvenue. Bref, Le sabre est une petite pépite.
L'Intendant Sansho (Kenji Mizoguchi - 1954)
On poursuit les découvertes avec mon premier film de Kenji Mizoguchi, qui sera le seul de cette liste à rejoindre mon top 500. L'Intendant Sansho est presque parfait en tous points, dans un style assez différent de Kurosawa notamment dans le montage et les thématiques. Je dois dire que je me sens plus proche de ce cinéma là, peut-être moins masculin, au style plus fluide et aux plans plus longs. L'Intendant Sansho est un petit chef d'œuvre qui raconte l'histoire de deux enfants séparés de leurs parents. Enlevés puis vendus comme esclaves, ils tentent de se faire à cette nouvelle vie sans perdre l'espoir de retrouver un jour leur père exilé et leur mère kidnappée.
Le style de Mizoguchi m'a comblé : entre les plans longs - parfois même des plans-séquences - et les mouvements de caméra pertinents (plans fixes qui finissent en travellings, changements de perspective), les scènes s'enchaînent avec fluidité, toutes sont essentielles et on attend la suivante avec impatience. Le côté tragique voire émotionnel des personnages est très appréciable, surtout pour moi qui m'attendais à voir un film plus froid et rigide. Ici, on se sent concernés par l'avenir de ces deux jeunes gens perdus au milieu d'une vie misérable, d'autant que les personnages sont forts et interprétés par une tripotée d'acteurs talentueux. En conclusion, L'Intendant Sansho est passionnant et même émouvant, c'est un film que je recommande chaudement.
La horde sauvage (Sam Peckinpah - 1969)
Je termine par ma grosse déception : La horde sauvage, qui m'a laissé totalement de marbre (et m'a même tellement emmerdé que j'ai regardé l'heure toutes les dix minutes). Tout comme Rio Bravo, dont j'avais déjà parlé ici, j'ai du mal à saisir où se trouve la virtuosité de ce cinéma. Pour moi, La horde sauvage est un cinéma de vieux pépère, avec des types qui transpirent la testostérone et dont on se fout royalement car aucun des personnages n'est particulièrement intéressant. Entre dialogues bancals, fusillades interminables et répétitives d'une violence qui ne choque plus personne de nos jours, rythme ronflant avec des ralentis en veux-tu en voilà, je me suis demandé si j'étais bien devant ce "grand classique" dont tout le monde parle. Après tout, peut-être que le western n'est pas fait pour moi en dehors des spaghettis de Leone et Corbucci. En effet, dès que j'explore du grand classique américain, j'en sors systématiquement déçu. J'en viens à me dire que ça ne vaut même pas le coup que je tente le cinéma de John Ford. Je suis déçu.