The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique

The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique

     Wouaw. Je veux le revoir. C'est pour ce genre de films que j'aime le cinéma, je vais y repenser longtemps. 

 

     En apparences, The Quiet Girl semble être un petit film chiant dans lequel rien ne se passe, j'ai cru que j'allais potentiellement vivre le même calvaire qu'en découvrant Petite maman il y a quelques années. Je n'aurais pas pu me tromper davantage : The Quiet Girl m'a happé, m'a saisi, m'a crispé, m'a secoué, puis m'a laissé en larmes. Et je n'avais rien vu venir.

 

The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique

      Dans l'Irlande de 1981, Cáit est une enfant de 9 ans négligée par sa propre famille. Humiliée par ses sœurs, incomprise par ses camarades de classe, rabaissée par son père dont la simple présence est un immense poids de stress (avec violence et abus suggérés - cf l'une des premières répliques angoissées de Cáit à Eibhlín : "et ce sera un secret ? que je ne devrai pas répéter ?"), oubliée par sa mère enceinte et absente, la petite fille n'a qu'une option : elle est réduite au silence, forcée de faire le moins de vagues possible. A l'approche de la naissance de son petit frère, pour les vacances d'été, ses parents l'envoient dans une ferme à trois heures de route, chez une parente éloignée qui vit avec son mari. Là-bas, Cáit va découvrir le soulagement d'obtenir un minimum d'attention, mais également un lourd secret chez le couple qui l'accueille. 

 

The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique

      Que ce film est beau, putain ! J'ignore par où commencer pour décrire The Quiet Girl, qui m'a à la fois stressé, émerveillé et révolté. Quelques heures après l'avoir découvert, je sais déjà que le film va me poursuivre pendant plusieurs mois. Parlons tout d'abord de sa forme, qui a envoûté mon regard dès les premières secondes. The Quiet Girl est une merveille en terme d'ambiance, notamment les plans dans la nature où règne une lumière saisissante. Je viens de voir que la directrice de la photographie n'est autre que Kate McCullough, qui avait également travaillé sur six épisodes de Normal People... Ai-je besoin d'ajouter quelque chose ? Le lien est évident (les paysages de l'Irlande), la qualité est la même.

 

The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique
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     En dehors de ces images qui m'ont ébloui du début à la fin, le réalisateur irlandais m'a scotché par la beauté de ses plans. Inconnu au bataillon, c'est le premier long métrage de Colm Bairéad et bon sang, quelle entrée en matière ! J'ai adoré la manière avec laquelle il s'attardait sur des petits détails, en insistant notamment sur les mains pour appuyer des émotions. Des mains qui brossent des cheveux dans la douceur, qui se triturent l'une l'autre dans le stress, qui ferment un bouton de chemise dans une marque de bienveillance, qui coupent un oignon... mais également des gros plans sur une boucle d'oreille, sur une silhouette menaçante, sur une louche qui plonge dans l'eau, etc. Tout ceci est magnifique.

 

The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique
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The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique
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      A côté de ça, il y a un soin particulier apporté au cadre. Le format 4:3 comprime déjà les personnages dans un espace restreint et, comme si ça ne suffisait pas, ceux-ci sont constamment enfermés dans des cadres de portes, comme pour les emprisonner un peu plus dans une vie dont ils ne peuvent s'échapper. Tous ces cadres étouffants nous placent dans une atmosphère oppressante, on a l'impression de ne plus pouvoir respirer tant il y a peu d'espace pour le faire. C'est d'autant plus pertinent que la caméra est presque toujours du point de vue de l'enfant, et même à sa hauteur. Les exemples pleuvent, j'en ai sélectionné quelques uns :

 

The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique
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     Tout ceci est pesant, stressant, et je n'avais qu'une envie : que tout s'ouvre enfin, que cette triste enfant fasse enfin un sourire, un simple sourire ! Lorsque celui-ci s'affiche finalement, il reste plutôt maussade et renfermé, comme si Cáit n'avait tout simplement aucun droit d'exprimer de la joie. Et, au moment où elle semble entrevoir la possibilité de s'épanouir dans cette petite famille temporaire, le secret de ce pauvre couple tombe comme un couperet et vient assombrir le cadre encore plus. Alors qu'un espoir se dessine, un peu à la manière du Grand Chemin de Jean-Loup Hubert, l'inévitable se produit : Cáit va devoir retourner chez elle, et c'est un drame sans nom, pour tout le monde. 

 

The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique

      Quant au casting, il est exceptionnel. Carrie Crowley et Andrew Bennett sont proches de la perfection avec leurs visages remplis de douleur, mais Catherine Clinch vole la vedette à tout le monde. La jeune actrice de 10 ans (est-ce possible ?) est remarquable. Pour son premier film, elle a déjà remporté le prix de la meilleure actrice dans un rôle principal aux IFTA et c'est amplement mérité. Elle est extraordinaire de retenue et d'émotion, on sent tout le poids accumulé sur les petites épaules de Cáit, toute la douleur du silence dans ses yeux, toute la destruction d'une enfant par des parents défaillants dans son attitude. C'est déchirant du début à la fin, jusqu'à cette conclusion qui a fini de m'achever : j'ignorais qu'un simple mot pourrait me tirer autant de larmes. C'était... wouaw. Je vais m'arrêter ici car l'émotion revient.

 

The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique
The Quiet Girl - de Colm Bairéad - Critique

      Je ne parle même pas de la musique signée Stephen Rennicks, je vais probablement l'écouter durant des semaines, notamment cette toute dernière composition qui vient conclure le film dans l'émotion la plus pure. The Quiet Girl est clairement l'un des plus beaux films que j'ai vus cette année. Je ne suis pas près de l'oublier.

 

 

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R
J'ai l'impression d'étouffer juste en lisant tes lignes et en voyant les quelques instantanés du film !<br /> Est-ce que tu dirais que ces sujets sur l'enfance te touchent plus depuis que tu es parent ?
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S
Oui totalement, c'est une évidence, surtout quand il s'agit de relations père-fille, je m'identifie immédiatement. Ça se ressent dans mes coups de cœur de ces dernières années, Aftersun ou The Whale pour n'en citer que deux.