Quelques films en vrac #62 - De belles surprises

Quelques films en vrac #62 - De belles surprises

      Dans cet article, nous allons parler d'un drame japonais à la sauce Rashōmon, d'une romance gay qui a eu beaucoup de succès, d'une toute nouvelle sortie destinée à un public restreint, pour finir par une drôle de curiosité.

 

L'innocence (2023)

Quelques films en vrac #62 - De belles surprises

      C'est mon deuxième Kore-eda, après une première tentative ratée il y a deux ans. L'innocence m'a beaucoup plus convaincu que Air Doll et j'en suis ressorti ravi, même si quelques défauts l'empêchent de s'élever. Ce drame raconte l'histoire de la mère d'un garçon qui se retrouve en conflit avec un enseignant : ce dernier aurait été verbalement abusif envers son fils. Au bout de 40 minutes, alors que j'étais prêt à m'endormir doucement en voyant qu'il en restait au moins le double, le scénario m'a pris par surprise et ça m'a replongé dans le film. En effet, Kore-eda déroule l'histoire en multipliant les perspectives, à travers trois actes qui présentent la même histoire selon trois points de vue différentes. Le rythme imposé par ce montage est plutôt malin car le film ne s'essouffle pas et en devient ludique : le spectateur cherche à comprendre ce qu'il s'est passé et le puzzle se complète au fur et à mesure des indices, chaque partie venant répondre à la précédente.

     Globalement, L'innocence est passionnant et parsemé de détails qui m'ont marqué (par exemple, j'ai été fasciné par le plan sur la fenêtre de wagon couverte de boue sous la pluie). Cependant, le film est également bourré de stéréotypes qui frisent le cliché : le prof accusé d'abus, l'enfant victime incompris, la mère célibataire ultra-protectrice, l'enfant marginal harcelé mais mûr pour son âge, la directrice d'école froide et déshumanisée, etc. Même si certains sont finalement déconstruits, car on se rend compte que les choses sont plus complexes qu'il n'y paraît, ça m'a laissé avec un arrière-goût de manque d'originalité. Malgré tout, L'innocence va aussi sur des chemins très inattendus, notamment le dernier acte du film, mais tout ça est un peu long... pour finalement peu de choses à dire.

 

Call me by your name (2017)

Quelques films en vrac #62 - De belles surprises

       Voilà une romance dramatique très bien menée, notamment par Timothée Chalamet, exceptionnel ici jusqu'à un générique final génial, et Armie Hammer, quoiqu'un peu plus lisse. J'ai l'impression qu'on me rabat les oreilles avec ce film depuis des années pour un verdict qui n'est pas à la hauteur de mes espérances. Call me by your name contient effectivement de très belles idées, j'ai particulièrement aimé la dernière partie du film, la discussion avec le père et la sensation de déprime qui fonctionnent très bien pour créer de l'émotion, mais l'ensemble me paraît très classique dans la forme et le fond.

      J'ai trouvé le film extrêmement long à se mettre en place (2h12 au total, était-ce vraiment nécessaire ?) et très peu d'originalité dans le développement du scénario. Des drames romantiques avec des adolescents en quête d'identité sexuelle, c'est une chose qu'on voit souvent, et Call me by your name ne propose finalement pas grand-chose de nouveau : tous les clichés du genre sont là, entre la villa extraordinaire, les amours des vacances d'été, les premiers émois au bord d'un lac, tout y passe.

     La réelle originalité du film est dans la différence d'âge entre Elio et Oliver, qui pose tout de même problème pour nous convaincre de cet "amour pur". En effet, difficile de se laisser porter par la romance lorsque l'un des amants est clairement bien plus mature que l'autre et qu'il existe un rapport de domination évident qui entrave quelque peu cette histoire. Alors, certes, Call me by your name parle de premières expériences amoureuses et de quête de soi avant tout, mais on ne pourra pas me faire avaler que cette histoire d'amour aurait pu déboucher sur autre chose qu'une impasse, même sans les obstacles extérieurs, ce que le film tente de faire maladroitement dans sa conclusion.

      Malgré tout, de ce point de vue, la fin du film est tout de même touchante car (spoiler) l'adolescent doit faire face aux déchirements de la vie sentimentale, et c'est lui qui paie les pots cassés. L'image de cet adolescent brisé, magnifiquement interprété par Chalamet, va me rester en mémoire.

 

Reflet dans un diamant mort (2025)

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      Parmi les sorties de la semaine, j'attendais Reflet dans un diamant mort au tournant. Ce quatrième film du duo de réalisateurs français Hélène Cattet et Bruno Forzani ne conviendra pas à tout le monde car leur style est très particulier, mais quel plaisir de voir un tel cinéma encore dans nos salles ! Malheureusement, Reflet dans un diamant mort n'a obtenu que 26 copies en France, autant dire des miettes, mais j'ai eu la chance de pouvoir m'y déplacer et, une fois de plus, leur cinéma atypique et sensoriel m'a happé. 

      Le style Cattet-Forzani est pratiquement indescriptible, on est sur une sorte d'ASMR horrifique pour le côté sonore (tous les bruits sont exacerbés), et sur un giallo tarantinesque pour le côté visuel (gros plans, zooms, montage rapide). Rien que les affiches des 4 films parlent d'elles-mêmes : c'est à chaque fois une petite merveille pour les yeux. Je ne résiste pas à vous les partager ici...

 

Quelques films en vrac #62 - De belles surprises

     Avec Reflet dans un diamant mort, accrochez-vous et n'y amenez pas n'importe qui : entre scénario étrange ou confus, violence graphique et montage bizarroïde, on en voit de toutes les couleurs et de tous les sons. L'expérience est spéciale et réservée à un public averti : ce n'est pas ici que vous devez aller si vous tenez à du cinéma classique avec un scénario cohérent et une trame claire et linéaire. Malgré tout, j'ai été déçu par le manque de dynamisme et d'horreur qui faisaient le sel des films précédents de Cattet et Forzani, je dois admettre avoir fini par trouver le temps long, malgré les profusions d'idées visuelles assez dingues. Si vous n'avez jamais tenté leur cinéma, je vous conseille plutôt de commencer par Amer, leur premier film et véritable choc.

 

The American Astronaut (2001)

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      Qu'est-ce que j'ai vu là ? Je n'en ai aucune foutue idée. Je ne vais même pas m'essayer à vous donner un synopsis car je suis bien incapable d'en pondre un. The American Astronaut est extrêmement confidentiel : visiblement réservé à une poignée de fans qui le défendent corps et âme depuis plus de 20 ans, comme un ersatz de The Rocky Horror Picture Show. Malheureusement, ce western musical de science-fiction totalement étrange et indépendant n'arrive pas à la cheville de celui de Jim Sharman, mais je conçois qu'il n'a probablement pas bénéficié des mêmes moyens non plus.

     Quoiqu'il en soit, même si je n'en ferai pas mon film de chevet et qu'une seule fois me suffira, j'ai plutôt apprécié mon visionnage. The American Astronaut est une sacrée curiosité, un OVNI du genre. Quelques chansons m'ont particulièrement emballé (le générique à partir de 2:00 donne le ton, et j'ai aussi adoré la chanson 'Hey Boy" à 11:29), certaines situations sont cocasses, ça me suffit amplement. Par contre, crier au chef d'œuvre fait partie d'un drôle de délire.

     Si vous êtes curieux de le découvrir, il est sur Youtube (en activant les sous-titres automatiques pour les non-bilingues) :

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R
L’innocence m’avait un peu déçu, il fait partie de ces films de Kore Eda à la construction scenaristique trop sophistiquée, alors que je trouve qu’il ne s’épanouit jamais tant que dans la simplicité et la sobriété. Je te recommande notre petite sœur, son film le plus beau et le plus simple pour moi, où ses thématiques s’épanouissent dans une intrigue plus linéaire qui fait ressurgir les traumatismes du passé.<br /> Dommage que tu n’aies pas adhéré plus que ça à Call me By your name, l’inéluctabilité de La separation est pour moi le catalyseur de la beauté tragique de leur relation.
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R
C'est comme le veut le dicton "il faut que jeunesse se passe". Elio est poussé par les pulsions de son jeune âge et l'envie d'explorer un univers qui lui est ouvert.<br /> Le fait qu'on sache que cette relation n'a pas de lendemain contribue à sa pureté éphémère, il n'est jamais question qu'ils puissent devenir un couple de long terme, mais les personnages vivent dans l'instant et Elio en particulier ne se doute pas de la douleur qu'il ressentira, que nous spectateurs connaissons ou pressentons.<br /> Alors les histoires d'un été qui doivent s'arrêter et c'est triste mais on en gardera le souvenir pour toujours, ce n'est pas forcément original, mais c'est l'enjeu homosexuel qui ajoute la découverte de soi à la découverte de l'autre qui apporte de l'intérêt à ce film.
S
Le petit problème que j'ai avec Call me by your name est, à mon goût, qu'il n'y a finalement rien de tragique à leur séparation : c'est au contraire un soulagement : cette relation n'était pas équilibrée. <br /> Merci pour les conseils sur Kore-eda !