Avec un sixième film en tout juste trois ans, il faut bien que Dupieux se plante de temps à autres. Depuis 2022, le réalisateur enchaîne les pépites de drôlerie absurde : après Incroyable mais vrai, original et loufoque, Fumer fait tousser qui est étrangement méconnu mais probablement l'un de ses meilleurs films, puis Yannick, Daaaaaali, Le deuxième acte que j'ai tous adorés pour leurs qualités, je n'en veux pas au cinéaste de taper un peu à côté avec cet accident de parcours piano.
Ici, Quentin Dupieux place au centre de son film Adèle Exarchopoulos dans le rôle d'une Youtubeuse ultra-célèbre pour ses vidéos, dans lesquelles elle montre sa particularité : celle de ne jamais ressentir la douleur. Suivie par des fans, elle doit également gérer les conséquences d'un mystérieux accident de piano pour lequel elle risque la prison... Il n'est pas difficile de retrouver la patte Dupieux, et ce dès les premières secondes du film, car le style du réalisateur est assez unique. Rien que la musique, composée par l'auteur lui-même sous son pseudo habituel (Mr Oizo), nous plonge immédiatement dans son univers décalé, instaurant une sorte de sentiment d'imprévisibilité qui fait tout le sel de sa filmographie. L'idée de réaliser la BO du film avec un son qui fait penser à un piano désaccordé est d'une grande cohérence, et dans l'esprit du cinéma de Dupieux : dissonant.
Malheureusement, L'accident de piano souffre de quelques problèmes auxquels le realisateur ne nous avait pas spécialement habitués dernièrement. Premièrement, on oublie ici le montage délirant et volontairement désordonné de ses dernières œuvres. L'intrigue est plus linéaire et, il faut bien le dire, plus molle. Ça file droit, mais sans doute un peu trop droit pour un Dupieux, il manque ces petits éléments de folie, ces histoires dans l'histoire, même si on a droit à quelques flashbacks assez amusants sur la version adolescente du personnage principal. Du point de vue des dialogues, j'ai trouvé l'ensemble trop bavard (notamment l'interview, qui aurait pu prendre une autre forme et aurait mérité un meilleur décor). Ça manque d'inventivité et de cinéma.
Jérôme Commandeur s'intègre très bien à l'univers du cinéaste, ce comédien est en effet un excellent choix pour coller à l'humour décalé et surréaliste de Dupieux. Le vrai problème du film, et bon sang que je l'aime pourtant, réside dans la performance d'Adèle Exarchopoulos et l'écriture de son personnage. Autant j'avais apprécié en 2020 le côté loufoque voire grotesque d'Agnès, son personnage de Mandibules, autant je trouve que le cabotinage de l'actrice ne fonctionne pas du tout ici pour Magalie. Les mimiques et tics du personnage sont purement agaçants, comme si l'actrice forçait le trait en permanence pour reproduire l'effet qu'elle avait créé dans Mandibules, sauf que ça tombe cette fois à plat. On ne croit pas en ce personnage, même en considérant qu'elle existe uniquement dans cet univers absurde, ça ne prend pas et Magalie en devient même franchement détestable. Je ne comprends absolument pas sa personnalité, et la tentative d'expliquer sa psychologie en fin de film est trop sérieuse et sans réel décalage. Petit flop pour ma part.
Concernant le scénario en lui-même, le film manque à mon goût d'originalité et de propos, là où Dupieux nous a souvent habitués à trouver du sens dans son non-sens, du cinéma dans son non-cinéma, là je n'ai rien retrouvé de tel : l'histoire avance sans cet humour subtil et inattendu qu'on aime chez le cinéaste. On ne sait pas trop où ça veut aller, ni quel sens ça veut prendre. Il y a, certes, un petit discours sur l'exposition médiatique et les dangers de la starification, m'enfin ça ne va pas beaucoup plus loin.
Bref, ce n'est clairement pas le meilleur de Dupieux, ni évidemment le meilleur d'Exarchopoulos, pourtant j'adore ces deux artistes et je frétillais d'avance à l'idée de leur nouvelle collaboration. J'ai vu le film il y a quelques heures et je pense que je l'aurai déjà un peu oublié demain. M'enfin, ce n'est pas grave, y'en aura un autre dans quelques mois.
Pour + de Quentin Dupieux :
Pour + d'Adèle Exarchopoulos :