Quentin Dupieux - Top 13

       Quentin Dupieux est un réalisateur français connu également sous le pseudonyme de Mr. Oizo, qu'il utilise en tant qu'artiste musical. L'adjectif qui le définirait probablement le mieux serait expérimental, car ses oeuvres (qu'elles soient musicales ou cinématographiques) sont toutes atypiques, curieuses et originales. Parfois, on peut même parler d'un grand n'importe quoi, chose que le réalisateur admet lui-même puisqu'il s'agit précisément de sa démarche artistique. Selon Quentin Dupieux, l'art peut naître de l'absence de logique, du hasard total, d'où la sensation d'étrangeté lorsqu'on regarde l'un de ses films ou qu'on écoute l'une de ses compositions. 

      Le cinéma de Quentin Dupieux est fascinant, notamment dans le paysage français, car le cinéaste est absolument unique en son genre. Son style est reconnaissable entre mille, avec un goût exacerbé pour les situations absurdes ou les choix de narration déstabilisants. Sa manière de déconstruire les codes du cinéma (et de les exploser parfois, au détriment d'une certaine cohérence) est inhabituelle pour le spectateur lambda, ce qui rend son cinéma globalement assez inaccessible. Lorsqu'on regarde un film de Quentin Dupieux, on ne sait jamais ce qu'il va raconter, ni ce qui va s'y produire. Chaque instant provoque de la stupéfaction, de laquelle naissent souvent des éclats de rire. Le réalisateur, qui plus est, est très doué pour entretenir l'effet de surprise, car ses films sont souvent le fruit d'un "pitch" loufoque qu'il étale pour en faire un long-métrage.  Je parle ici de longs-métrages, car ses films durent formellement plus d'une heure, mais la plupart de ses films ne sont jamais loin d'être des courts-métrages. La durée d'un film de Quentin Dupieux jongle entre 1h10 et 1h30, ce qui semble pertinent pour garder une certaine efficacité. Par ailleurs, mis à part Nonfilm, qui a bénéficié d'une version longue, je ne parlerai pas ici des courts-métrages de Dupieux.

      Outre le côté absurde et extravagant, qui est également amplifié par les musiques délirantes et what the fuck de Mr Oizo, Quentin Dupieux aime s'entourer de personnalités elles-mêmes assez excentriques, comme Sébastien Tellier ou Marilyn Manson, et de valeurs sûres de l'humour absurde comme Eric et Ramzy, Alain Chabat ou encore le Palmashow. Pour moi qui ai toujours adoré Eric Judor en tant que comédien sur scène, c'est un plaisir de le voir incarner des personnages aussi délicieusement absurdes que le jardinier de Wrong ou le policier de Wrong Cops. 

      On pourrait alors se demander, si j'aime tant son cinéma, pourquoi si peu de films de Quentin Dupieux figurent dans mon top 400. La raison est simple : tout ses films me captivent par leur originalité et leur idée de base purement géniale, mais peu d'entre eux me donnent la sensation d'avoir affaire à des chefs d'œuvre. Je suis généralement déçu par les dénouements proposés par Dupieux. J'estime que, s'il est effectivement un génie pour amorcer ses histoires et accrocher le spectateur, il échoue généralement à les conclure.

      Pour cette raison, j'ai mis un temps fou à donner un ordre dans le top ci-dessous. Concrètement, chacun des films du top 8 aurait pu prendre la première place, tant chacun est différent des autres et purement excitant dans son concept. Malgré tout, j'ai réussi à me mettre d'accord sur un classement, que voici...

1 - Wrong Cops

      Selon moi, Wrong Cops est le meilleur film de Quentin Dupieux. D'une part, c'est le film du cinéaste qui m'a le plus marqué par son côté absurde et outrancier et, d'autre part, c'est celui qui me semble le plus extrême dans le n'importe quoi et la sensation de gêne qu'il procure au spectateur. Les personnages sont tous remarquablement interprétés avec un Eric Judor méconnaissable, Mark Burnham et Eric Wareheim qui foutent presque plus les jetons que Marilyn Manson, ou encore une Arden Myrin inoubliable. Wrong Cops est différent des autres films de Dupieux car son atmosphère est constamment guidée par une BO hallucinante et, surtout, parce que la plupart des personnages sont des ordures sans morale. Bref, Wrong Cops est brutal, radical, et plusieurs scènes restent longtemps impregnées sur la rétine. Tout le "style Dupieux" est présent ici, à un dosage maximal.

2 - Daaaaaali !

     Daaaaaali ! est la parfaite association entre l'absurde de Dupieux et le surréalisme du peintre. Le film est succulent et on suit ces multiples personnages et intrigues comme dans un jeu, il y a un côté ludique évident et on s'amuse à essayer d'anticiper les effets du cinéaste qui s'amuse lui-même à nous tromper avec un montage amusant et un non-sens absolument exquis. L'article complet.

3 - Mandibules

      Ce film, qui n'a pas été aidé par la situation du cinéma en France lors de la pandémie, est pourtant un bijou d'absurde et de situations hilarantes. Comme souvent chez Dupieux, tout part d'une idée à la con, qu'il étend sur 75 minutes : celle d'une énorme mouche que deux idiots trouvent dans le coffre d'une voiture. Toutes leurs tentatives de dissimuler l'existence de la grosse mouche sont alors risibles et, pardonnez ce jeu de mot pourri, mais l'humour fait mouche du début à la fin. Le film est sublimé par un casting exceptionnel, avec Grégoire Ludig et David Marsais dans l'exercice de leur art et, surtout, la brillante et géniale Adèle Exarchopoulos qui nous offre l'un des personnages les plus drôles de ces dernières années. Bref, j'ai adoré Mandibules.

4 - Réalité

      Vous le découvrirez très rapidement dans ce top, mais je suis globalement plus sensible aux films récents de Quentin Dupieux. Je trouve que le style du cinéaste a évolué positivement au cours de sa carrière et qu'il progresse à chaque nouvelle proposition ; devenant plus précis, plus efficace dans sa bizarrerie. Peut-être est-ce dû aussi à une meilleure utilisation des techniques de cinéma, qui lui permettent d'être encore plus percutant. Réalité est un film-concept porté par un Alain Chabat hilarant. Il s'agit d'un homme qui rêve de réaliser son tout premier film d'horreur. Un producteur accepte alors de financer son film, mais à une seule condition : il doit créer le meilleur cri de toute l'histoire du cinéma. Tout le film nous montre alors la recherche du "cri parfait" et c'est absolument irrésistible. Comment souvent, Dupieux en profite pour jouer avec le langage cinématographique et porter un regard critique sur le monde du cinéma.

5 - Incroyable mais vrai

      Encore une fois, nous avons avec Incroyable mais vrai une merveilleuse utilisation des talents d'Alain Chabat pour créer le rire et les dialogues absurdes. Le principe du film est loufoque et réellement incroyable. Chabat est loin d'être seul dans ce n'importe quoi scénaristique, puisque l'ensemble du casting est parfait. Benoît Magimel, dans l'un des rares rôles humoristiques de sa carrière, lui vole pratiquement la vedette, tandis qu'Anaïs Demoustier et Léa Drucker apportent un peu de mordant aux dialogues. Je ne peux pas spoiler Incroyable mais vrai car ce serait criminel, mais je vous le conseille car c'est probablement l'un des films les plus accessibles de Dupieux. Le réalisateur y dresse une critique de la recherche de jeunesse éternelle à travers un concept complètement burlesque. C'est génial. Critique plus complète ici.

6 - Au poste !

      Nous arrivons à la moitié du classement et nous sommes toujours en présence d'un film fou. Au poste ! est maîtrisé de bout en bout. Pour une fois (la seule dans la filmographie de Quentin Dupieux), nous avons affaire à un huis clos puisque toute l'intrigue prend place dans un commissariat de police. L'absence de scènes en extérieur est très inhabituelle chez l'auteur. J'ai particulièrement aimé les couleurs du film, puisque Quentin Dupieux a abandonné les tons froids qu'on trouve habituellement dans ses films pour une ambiance beaucoup plus chaleureuse, avec des décors et vêtements jaunes, orangés. L'ensemble du film est, une fois de plus, délirant et absurde à souhaits. Le casting est absolument parfait, qu'il s'agisse de Benoît Poelvoorde - choix idéal pour un tel rôle -, Grégoire Ludig avec sa fausse naïveté ou encore Marc Fraize que j'adore depuis ONDAR. Le tout est efficace, drôle et Quentin Dupieux a l'intelligence de ne pas éterniser son film puisqu'il ne dure qu'1h10.

7 - Wrong

       Il est étrange que Wrong se retrouve dans le milieu du classement alors qu'il m'a convaincu du début à la (presque) fin. Encore une fois, Dupieux foire un peu le dénouement de son film mais le reste est un pur bonheur à suivre ; entre personnages bizarres et situations absurdes, le film est une excellente comédie. Critique ici.

8 - Fumer fait tousser

       Fumer fait tousser est une énième preuve de l'inventivité dont Dupieux sait faire preuve pour nous surprendre à chaque instant avec des idées loufoques et inattendues. Une chose est sûre : il est impossible de savoir ce qu'il se produira à l'avance au fil de toutes ces histoires. J'ai énormément ri et, encore une fois, le film se regarde très vite avec ses simples 1h15. Critique.

9 - Yannick

       Le dernier film de Quentin Dupieux semble également être son plus accessible et son plus sombre, tant par le côté huis clos assez réaliste que par le ton assez noir de certaines situations. Le réalisateur nous fait passer 67 minutes très surprenantes avec une troupe d'acteurs toujours efficace. Critique.

10 - Rubber

     Vous pouvez vous indigner : j'ai moi-même du mal à me pardonner. Rubber échoue à la 10e place de ce classement mais il aurait très bien pu terminer à la première place tant la qualité du travail de Quentin Dupieux est constante. Rubber est le premier film de Dupieux que j'ai vu, il y a plus de 10 ans, et je ne l'ai pas revu depuis. Ceci explique peut-être la raison de sa position dans le bas du top. Cependant, j'ai toujours vanté le côté génialement absurde du film qui possède, à mon sens, l'un des meilleurs pitchs de comédie de tous les temps : c'est l'histoire d'un pneu tueur, télépathe et psychopathe qui passe tout le film à exploser des gens par la pensée. Au-delà de ça, j'ai tout de même souvenir d'une intrigue très répétitive et du côté un peu balourd de la mise en abyme autour des spectateurs.

11 - Le daim

      J'ai déjà parlé de ce film récemment. Le talent de Jean Dujardin et d'Adèle Haenel permettent à Le daim de rester passionnant, tout comme quelques séquences dans le pur esprit de Quentin Dupieux. Malgré tout, ma légère déception vient de quelques longueurs et d'un dénouement plutôt moyen. Par contre, l'ambiance montagnarde est absolument exquise et j'en garde un excellent souvenir. Critique ici.

12 - Steak

       J'ai beaucoup aimé Steak et ri à de nombreuses reprises, mais c'est davantage dû au pouvoir comique d'Eric et Ramzy que par les choix de Quentin Dupieux qui se cherchait encore un peu. Steak est délirant et reste un OVNI dans le monde du cinéma français, mais je ne pense pas pouvoir prendre plaisir à le revoir.

13 - Nonfilm

      Ce premier film du cinéaste, adulé par certains, m'a laissé circonspect. Nonfilm m'a ennuyé profondément et, même si c'est précisément le concept du film, je ne trouve pas d'intérêt à le visionner à nouveau. Dupieux détruit les codes cinématographiques et sa proposition est passionnante, mais elle manque d'idées pour être parfaitement exécutée. En effet, il s'agit globalement du même gag répété en boucle pendant 45 minutes. Critique ici.

      Voilà tout pour ce classement, que je modifierai au fur et à mesure de mes prochains visionnages. Si quelqu'un sait de quelle manière on peut voir / se procurer son dernier film Fumer fait tousser, merci de me l'indiquer en commentaire !