On commence 2023 en beauté avec The Banshees of Inisherin de Martin McDonagh. C'était le film que j'attendais le plus en 2022 et, n'ayant pas eu l'occasion de le voir en décembre, je m'y suis précipité hier. Même s'il m'a fallu faire 35 minutes de route pour trouver le seul cinéma de la région qui le diffusait en VO, ça en valait la peine.
J'avais envie de voir ce film depuis que j'en ai appris l'existence il y a quelques mois et ça fait du bien, car ça fait très longtemps que je n'avais pas ressenti une telle envie de me déplacer au cinéma. Il faut dire que je suis un admirateur de Bons baisers de Bruges, dont j'ai d'ailleurs déjà fait deux critiques sur le blog à 8 ans d'intervalle (ici et ici). Alors évidemment, lorsque j'ai su que Martin McDonagh reprenait Brendan Gleeson et Colin Farrell pour un film se tenant sur une île irlandaise, ma hype était au plus haut.
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Résultat, j'ai eu absolument tout ce que j'espérais : un duo d'acteurs au sommet de leur talent, une déchirante histoire d'amitié déchirée, et des paysages qui ne sont pas sans rappeler le travail qu'avait fait le frère du réalisateur, John Michael McDonagh, sur le film Calvary.
The Banshees of Inisherin est une histoire assez simple qui prend place en 1923. Sur la petite île fictive d'Inisherin, située au large de l'Irlande où la guerre civile fait rage en arrière-plan, les rumeurs vont bon train et un sentiment d'isolement frappe à la porte de chaque habitant. Lorsque Pádraic, un brave type, voit son meilleur ami le rejeter sans raison apparente du jour au lendemain, il va tout mettre en œuvre pour tenter de regagner l'amitié de celui-ci.
Le film est exceptionnel. J'ai passé deux heures absolument somptueuses devant Les Banshees d'Inisherin et j'ai été assez surpris de voir qu'il n'avait rien à voir avec Bons baisers de Bruges. Ici, le film de Martin McDonagh a des allures de western avec des plans au sol ou en contre-plongée, des prises de vue qui mettent en valeur l'opposition des deux personnages de manière brillante. Bons baisers de Bruges témoignait d'un goût prononcé du cinéaste pour les situations absurdes et les dialogues efficaces tandis qu'ici, l'accent est porté sur les silences et les non-dits. L'humour, s'il est moins présent, apparaît tout de même ici et là par petites touches, notamment à travers des personnages secondaires hauts en couleur. Barry Keoghan, Kerry Condon ou Gary Lydon donnent un peu de vie à cette histoire avec beaucoup de talent. L'une des discussions entre Siobhán et Dominic, au bord du lac, est particulièrement révélatrice de ce sentiment de déprime et de solitude que les personnages ressentent sur cette île.
Tout ceci est accentué par les paysages sublimes de l'Irlande, que McDonagh met en valeur à chaque instant. En dehors du pub qui n'est pas, encore une fois, sans rappeler un décor de western, la plupart des scènes se passe en extérieur et certaines prises de vue sont époustouflantes de beauté.
Comme si ce n'était pas assez, la photographie est absolument dingue et vient compléter le tableau de manière prodigieuse. Le directeur de la photographie, Ben Davis, a su capter les plus belles images pour faire un parallèle entre le caractère isolé de cette petite île (qui se tient loin des coups de feu et de la guerre qui fait rage) et le sentiment de solitude des personnages. Les prises de vues sur les paysages au crépuscule sont un ravissement pour les yeux.
Dans le même temps, toutes ces vues dégagées sont contrebalancées par d'autres cadrages plus étriqués qui renforcent l'idée que cette île est un cocon duquel les personnages ne peuvent s'enfuir. Cette sensation est représentée par une abondance de plans sur des encadrements de portes ou de fenêtres, ces dernières étant absolument omniprésentes tout au long du film.
Cependant, malgré toutes ces qualités visuelles, The Banshees of Inisherin brille surtout pour Brendan Gleeson et Colin Farrell qui apportent au film tout son sel. La relation entre les deux personnages est passionnante et, si je peux comprendre que certains spectateurs se soient ennuyés au bout d'un moment, j'ai pour ma part savouré chaque instant, chaque regard. Je n'en ai pas raté une miette et j'en aurais redemandé. Colin Farrell, notamment, tire son épingle du jeu avec une performance très subtile et poignante. Il incarne ce "brave type", ce "nice guy", avec fragilité et douceur. Il paraît impossible pour le spectateur de ne pas entrer en compassion avec ce personnage qui, en l'espace d'une journée, perd le seul ami qu'il possédait ; sa raison de se lever le matin.
Il est amusant de faire le parallèle entre le personnage de Colin Farrell dans Bons baisers de Bruges et The Banshees of Inisherin, chacun d'entre eux étant solitaire pour des raisons bien différentes, chacun prenant appui sur le seul être qui l'éloigne de la solitude : le personnage de Brendan Gleeson. L'une des séquences, lors de laquelle Pádraic, dévasté et déprimé, pleure à côté de Colm, m'a clairement fait penser à la scène du parc dans In Bruges, lorsque Ray pleure à côté de Ken en lui expliquant les raisons de sa dépression.
Bref, je pense avoir dit tout le bien que je pensais de ce film qui a le mérite de proposer une histoire simple mais incroyablement touchante, originale et apaisante. Tant de justesse semble de plus en plus rare au cinéma ces dernières années. J'émets tout de même une réserve sur l'un des personnages du film, celui de la "sorcière" dont j'ai trouvé la représentation extrêmement balourde mais, à part ce détail, le film est un petit bijou. Colin Farrell est magnifique et, plus il vieillit, plus son jeu est passionnant.