Comme je le disais dans mon article précédent, j'ai donc passé ma journée entière dans le même cinéma ce dimanche, entre 10h30 et 22h30, afin de rattraper tous les films que je voulais découvrir ces dernières semaines.
J'ai commencé par la séance de 10h45 avec le nouveau film de Steven Spielberg, The Fabelmans. Le film, en partie inspiré de sa jeunesse, a été nommé plusieurs fois aux Oscars sans pour autant remporter une seule statuette. Ce film est-il donc ce que je craignais, à savoir un film académique assez oubliable, ou le chef d’œuvre ultime que toutes les critiques défendent corps et âme ?
Tags Critique analyse explication du film
Mon verdict penche plutôt vers la déception que vers l'emballement démesuré. Il est vrai que l'ouverture du film nous permet d'entrer directement dans le sujet et que la première demi-heure de The Fabelmans est incroyablement fascinante. C'est avec des étoiles dans les yeux qu'on découvre un jeune garçon, Sammy, voir son premier film au cinéma avec ses parents et devenir obsédé par une image : celle d'un train qui déraille - qui sert par ailleurs de base au film Super 8 de J. J. Abrams en 2011 et qui regorgeait déjà de références au cinéma de Spielberg.
Par la suite, The Fabelmans nous montre alors les premiers émois d'un garçon qui fait ses premières expériences derrière la caméra, jusqu'à ce que celle-ci lui révèle une affreuse vérité : l'adultère de sa mère. Il faut bien admettre que The Fabelmans est virtuose dans l'art de Spielberg de manier la caméra et de transformer une banale histoire en conte, avec une double-lecture sur le milieu du cinéma, par l'intermédiaire des divers éléments qui s'offrent à Sammy au fur et à mesure de son évolution. Avec la scène de la danse autour du feu de camp, éclairée par les phares d'une voiture, on nous rappelle que la lumière d'un film a une importance capitale. Puis, on nous montre à quel point le montage permet de dissimuler le réel afin de sublimer une histoire, lorsque Sammy réalise deux versions différentes à partir des scènes tournées au camping : l'une édulcorée pour sa famille, et l'autre plus cruelle pour sa mère.
Quelques séquences, encore, sont absolument sublimes en elles-mêmes, comme la scène au ralenti dont est tirée l'image ci-dessus, qui montre en un plan le gouffre immense qui sépare le père de Sammy, heureux comme jamais, et sa mère, dans une dépression totale. Malheureusement, à part ces quelques fulgurances, je n'ai pas été pleinement satisfait par The Fabelmans qui s'avère à mon goût aussi dénué d'émotion et d'authenticité que ce que je craignais.
Le film flirte avec le biopic et ne s'avère finalement être qu'une succession de périodes de la vie d'un adolescent en proie au divorce de ses parents. L'ensemble du film est bien trop propre, trop lisse pour m'impliquer émotionnellement, et je sens d'ores et déjà que The Fabelmans ne restera pas très longtemps dans mon esprit. La prestation de Gabriel LaBelle est très élégante mais elle manque de force pour faire de son personnage le héros du film. Alors, certes, le rôle d'un réalisateur est de rester en arrière-plan et de s'effacer derrière la caméra, mais Sammy se retrouve du coup être un personnage assez fade, voire éteint. Je ne parlerai pas de la performance de Michelle Williams, dont j'apprécie très peu le travail depuis de nombreuses années et que j'ai trouvé une fois de plus insupportable ici. La voir nommée dans la catégorie des meilleures actrices me coupe le sifflet, je dois le dire, tant son jeu est forcé en permanence par ses sourires figés ou ses réactions peu crédibles. C'est le genre de comédiennes qui, pour faire passer une émotion, ne peuvent pas s'empêcher de hocher la tête de gauche à droite en parlant. Bref, il n'y a guère que Paul Dano pour m'avoir convaincu dans ce film, mais on ne peut pas parler d'une superbe interprétation pour autant. Son visage doux et rond fait 80% du boulot et l'acteur ne surprend pas beaucoup dans ce rôle sans reliefs. Mis à part son ambition professionnelle et ses compétences en ingénierie, le père de Sammy/Spielberg n'est pas caractérisé par grand-chose... Il semble aussi effacé que son fils, créant ainsi un contraste trop fort avec le jeu névrosé et excessif de Michelle Williams.
Quant au scénario en lui-même, je suis plutôt satisfait de voir que The Fabelmans - qui reste quand même un film agréable à regarder, il ne faut pas exagérer ! - n'a pas remporté de grand prix aux Oscars. Avait-on besoin de 2h30 pour raconter une telle histoire ? Je comprends parfaitement la démarche d'humilité extrême de Spielberg, qui nous offre ici un film tout sauf égocentrique, mais je pense que j'aurais préféré voir un réel biopic sur Spielberg plutôt que cette histoire interminable de gamin perdu au milieu du divorce de ses parents. Même si j'ai été emballé par de nombreuses séquences et que certains plans sont magnifiques (tout le passage au camping est une merveille), même si j'ai ressenti l'émotion du cinéaste pour ces films qui ont bercé son enfance (les quelques notes de la musique d'Il était une fois en Amérique, qui s'éteignent aussi vite qu'elles apparaissent, font partie de ces fulgurances), je dois admettre avec le recul que toute cette histoire, je m'en fous un peu. La dernière partie du film, centrée autour de Sammy harcelé dans son lycée par de vilains golden boys, est étonnamment conventionnelle et semble avoir déjà été montrée 100 fois au cinéma par le passé.
Bref, je conclurai en disant que The Fabelmans m'a convaincu sur le moment, mais qu'avec le recul je n'en ai rien tiré. Même le plan final du film, sorte de petite blagounette sur la position de la caméra qui ne doit pas placer l'horizon au milieu du cadre, est complètement oubliable et anecdotique. Certains passages, d'ailleurs, comme la rencontre avec John Ford, sont sur-écrits et semblent beaucoup trop artificiels pour convaincre ou émouvoir. The Fabelmans était un joli moment à passer au cinéma, mais je sais par avance que je ne le reverrai jamais. Dans une semaine, je l'aurai déjà totalement oublié, tout comme l'Académie des Oscars l'a déjà fait.
La suite :
Empire of Light - Marathon (partie 2/4)