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Vers 20h15, je me dirige une dernière fois vers l'accueil du cinéma afin de prendre une place pour le film qui a motivé cette journée : The Whale. Le nouveau Darren Aronofsky était censé être le point culminant de ce "marathon", car c'est dans ce film que je plaçais tous mes espoirs de vivre un moment d'exception. Je ne m'y suis pas trompé, j'ai tapé dans le mille. C'est en ressortant de la séance à 22h30 en larmes que j'ai compris que j'avais fait le bon choix en plaçant The Whale en dernier, car il est évident que je n'aurais pas pu enchaîner sur autre chose juste après.
Tags Critique analyse explication du film
Darren Aronofsky et moi, c'est une histoire de demi-amour. Comprenez par là qu'il ne m'a convaincu qu'une fois sur deux avec sa filmographie. A part The Wrestler que je n'ai pas encore vu, les notes que j'ai attribuées à ses films sont clairement en dents de scie depuis le tout premier film du réalisateur, puisqu'elles oscillent entre 2/5 et 5/5. Pour mieux comprendre, voici un petit graphique pour illustrer tout ça :
Je compte Requiem for a Dream, Black Swan et Mother! parmi mes énormes coups de cœur cinématographiques, au point de leur attribuer une note de 5/5, tandis que je ne porte pas spécialement Pi, The Fountain et Noé dans mon cœur. Ce n'est donc pas vraiment le retour de Darren Aronofsky qui me donnait confiance en The Whale avant d'entrer dans la salle, mais plutôt celui de Brendan Fraser qui a toujours fait partie de mes acteurs "bonbons". Résultat, ce film fait partie des plus grandes expériences ciné de ma vie et je suis ravi de voir qu'il pourrait être une porte qui permettrait à cet acteur génial de se remettre sur les rails.
Même si je ne suis pas spécialement fou des Oscars ou des récompenses en général, la remise du prix du meilleur acteur à Brendan Fraser m'a apporté quelques frissons lors de la cérémonie, tant cet acteur le méritait après la descente aux enfers qu'il a traversée. Et encore plus quand j'ai découvert la performance qui lui a valu ce trophée. Dans The Whale, Brendan Fraser incarne Charlie, un homme qui, suite à un événement tragique de sa vie, souffre d'un syndrome d'hyperphagie : une addiction excessive et incontrôlable à la nourriture. Pouvant à peine se déplacer à cause de son poids handicapant, il ne cesse de s'auto-détruire en refusant les soins et en s'empiffrant vers une mort inéluctable. Dans les jours qui semblent être les derniers de sa vie, il tente alors de renouer avec sa fille Ellie qu'il a abandonnée lorsqu'elle était petite.
Brendan Fraser est époustouflant d'un bout à l'autre et, contrairement à ce que j'ai pu lire à gauche ou à droite, il ne doit pas sa performance uniquement à la qualité du costume et du maquillage. En effet, si The Whale mérite aussi l'Oscar des meilleurs maquillages et coiffures pour cette transformation bluffante de réalisme, c'est bien par le regard et non par son costume que l'acteur nous transmet toute l'émotion de son personnage tragique. L'interprétation est d'autant plus remarquable que Brendan Fraser est littéralement freiné dans ses gestes par la carrure de son personnage et qu'il ne lui reste guère que la parole et le regard pour faire passer les émotions de Charlie.
Le reste du casting est assez restreint, mais je tiens à saluer également le jeu des actrices. Hong Chau est émouvante et apporte beaucoup de profondeur à Charlie grâce au passé commun douloureux des deux personnages. Sadie Sink, quant à elle, illumine chaque scène de sa présence en ado rebelle qui cache tant bien que mal sa grande fragilité. J'ai adoré sa performance poignante, elle est parfaitement juste.
Le propos du film, quant à lui, est magnifiquement valorisé par la mise en scène d'Aronofsky qui continue de creuser le thème de l'addiction avec une approche très crue. Le cinéaste n'a aucune gêne à montrer son personnage tel qu'il est, à la fois humainement à travers ses angoisses et ses difficultés, mais aussi physiquement à travers son obésité plus que morbide. Le cinéma d'Aronofsky, en effet, est tout sauf pudique et il est nécessaire d'avoir cette idée à l'esprit avant de se lancer dans The Whale, sans quoi la toute première scène pourra rebuter un spectateur non averti.
L'atmosphère du film est froide et le réalisateur met tout en place pour appuyer sur la misérable condition de Charlie. Le côté confiné de cet appartement sombre - qui ne laisse pratiquement rentrer aucune lumière - permet d'insister sur le sentiment d'isolement du personnage, tandis que le format 4:3 accentue le gabarit énorme de Charlie, qui semble d'autant plus entravé dans ses mouvements dans ce cadre resserré. Si le film frise évidemment le misérabilisme en montrant cet homme s'enfoncer dans les profondeurs d'une sévère dépression, je n'ai jamais eu ce sentiment de "too much" que le film aurait pu me faire ressentir. Brendan Fraser est prodigieux et on s'attache très rapidement à Charlie et son histoire, d'autant plus lorsqu'on comprend progressivement les origines de son mal-être.
Et puis merde, la relation entre Charlie et Ellie m'a ému, m'a bouleversé au plus profond de moi-même, faisant couler régulièrement quelques larmes sur mes joues. Et ce n'est pas la fatigue d'avoir passé 8 heures devant les écrans qui a provoqué ces pleurs. La puissance avec laquelle Brendan Fraser délivre certaines répliques (comme l'ahurissant "I need to know that I have done one thing right with my life") est complétée par l'émotion plus contenue de Sadie Sink. L'ensemble est une pure merveille et c'est avec un air totalement abasourdi que j'ai accueilli le générique de fin, après une dernière séquence dont la puissance émotionnelle dépasse tout ce que j'ai vu au cinéma ces dernières années. C'est sans parler de la musique de Rob Simonsen qui est une pure merveille et vient majestueusement relever les moments d'émotion. C'est une honte qu'il n'ait pas été nommé aux Oscars pour cette partition incroyable.
Vous l'aurez compris, j'ai adoré The Whale qui fait partie de mes gros chouchous de ce début de décennie. C'est évidemment un 5/5 que je lui ai attribué, sans une pointe d'hésitation. J'ai hâte de le revoir.
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