A l'occasion de sa re-sortie en salles, je me suis enfin décidé à découvrir le dernier film de Christopher Nolan, qui a raflé 7 Oscars il y a quelques jours. Bien que le film mérite en partie ces statuettes (notamment celles de Meilleur acteur et de Meilleure photographie), je trouve dommage que Nolan ait été récompensé pour Oppenheimer alors qu'il me semble finalement assez mineur dans la filmographie du cinéaste. Non pas que ce biopic n'ait aucun souffle, bien au contraire... certaines séquences sont prodigieuses. Mais l'ensemble manque un peu de rythme et j'ai fini par trouver le temps très long. A vrai dire, c'est même la première fois (si on exclut Tenet) que Nolan me fait ressentir son thème de prédilection, le temps, sous forme d'ennui.
Critique analyse explication du film
Bien sûr, il serait malhonnête de bouder totalement le plaisir que j'ai eu dans la salle de cinéma. Les 15-30 premières minutes d'Oppenheimer sont parfaites ; la présentation du personnage principal iconisé par Cillian Murphy est d'une efficacité redoutable : on ressent à l'aide de quelques images la puissance du génie d'Oppenheimer. J'ai adoré les représentations de physique quantique présentes en début de film, presque autant que j'ai regretté de ne plus les revoir ensuite pendant les 2h30 restantes, bien plus académiques sur la forme. Ceci n'empêche pas une photographie somptueuse, ce qui n'est pas étonnant de la part du directeur photo Hoyte Van Hoytema, qui fut à l'origine de nombreuses ambiances visuelles sublimes au cours de la dernière décennie : Her, Interstellar, Ad Astra, Dunkerque pour ne citer que ceux-ci.
La puissance d'Oppenheimer se manifeste également par un son complètement dingue qui a fait trembler tous les sièges de la salle. De manière générale, le son est extrêmement bien géré pendant ces trois heures notamment lors des scènes les plus spectaculaires (la séquence du test Trinity est fabuleuse, ou encore la scène des gradins qui fait écho à l'explosion de la bombe de manière très intelligente), mais je parle bien ici des sons diégétiques et pas de la musique que j'ai trouvée beaucoup trop présente. Certes, Ludwig Göransson nous offre quelques superbes compositions (le thème principal, qui apparait en début de film, est une merveille) et on connait le goût de Nolan pour l'omniprésence de la musique dans ses oeuvres, mais là c'était de trop. La musique ne laisse aucun répit, elle bourdonne constamment dans nos oreilles même lors des scènes les plus banales, elles ont fini par me déranger - auditivement parlant. A titre d'exemple, les séquences d'interrogatoires ne nécessitaient pas tout ce surlignage fatigant, j'ai tendance à croire qu'elles auraient eu bien plus d'impact en appuyant les silences pesants de ces conversations tendues à l'extrême.
Par contre, il est clair que la musique est brillante lorsqu'il s'agit d'étudier les tourments psychologiques du personnage de Cillian Murphy, absolument grandiose d'un bout à l'autre. L'acteur campe un Oppenheimer d'une grande classe, il est constamment au centre de l'image et il n'est pas difficile de s'y attacher. De même, il est plaisant de redécouvrir Robert Downey Jr dans un rôle de composition qui le sort des Marvelleries de ces dernières années. Pour le coup, son Oscar à lui est tout mérité, presque logique.
Malheureusement, et c'est triste, j'ai bien trop peu de choses à dire sur le film en lui-même et sur sa volonté de traiter les enjeux politiques de manière bien trop approfondie et détaillée. Nolan est d'une précision presque chirurgicale, comme s'il nous faisait un étalage de toutes les pièces et dossiers de cette affaire. Même si le point de vue sur la recherche des coupables et sur la catastrophe que furent Hiroshima et Nagasaki est louable, je ne suis pas sûr qu'il fut nécessaire d'y consacrer trois heures entières, parfois répétitives sur la forme (les interrogatoires en particulier). La dernière partie, notamment, traîne en longueur et s'engage sur un interminable débat sur le communisme qui ne m'a pas tant passionné. C'est dommage car le film débute sur les chapeaux de roues, avec des idées de narration inventives, pour finir par un enchainement assez classique de discussions sans grande originalité. Comme si Nolan ne savait plus comment se dépêtrer de ces longs dialogues dont il n'a rien voulu couper.
Oppenheimer est donc fabuleux sous bien des aspects (tout le mystère entourant la discussion entre le personnage principal et Einstein est traité à la perfection) mais également desservi par un montage un peu ronflant par moments, étonnamment très linéaire pour Christopher Nolan. Je suis ravi de l'avoir vu, mais il souffre des défauts que je craignais de voir ; il ne me restera pas en tête à la manière d'un Interstellar, d'un Inception ou Le Prestige, qui auraient tous davantage mérité de recevoir un Oscar de meilleur film et meilleure réalisation.
Pour + de Nolan :