Tout d'abord, attardons-nous un peu sur l'affiche. Je trouve assez amusante et insolite de la part du cinéaste cette volonté de donner un effet rétro à ses affiches. Je dois avouer qu'avant, je n'étais pas très emballé pour voir ce film, justement à cause de cette affiche. A présent que je connais mieux les films du réalisateur, je ne m'attarde plus sur les affiches de ses films puisque je me doute par avance qu'il s'agit d'un chef d'oeuvre, voire d'un excellent film dans le pire des cas. Par exemple, je n'ai pas encore vu
et l'affiche me rebute clairement. Cependant, je n'aurais aucune réticence à découvrir ce film, ce qui devrait se faire prochainement. Je me suis donc enfin lancé dans le délirant
faisant fi de ceci. Et bien sûr, j'y ai découvert l'un de mes films préférés. J'avais du mal à saisir le rapport entre cette affiche et le film, puisque finalement les deux ambiances sont totalement différentes. Cependant, après coup, j'ai réalisé que cette image est vraiment sublime. En fait, on pourrait même dire qu'elle définit entièrement
. Tous les éléments qui lui sont chers s'y retrouvent. Même si elle n'a pas vraiment le rôle principal dans
qui prend l'unique place de cette image, occultant totalement tous les autres acteurs. Un choix qui peut paraître étrange mais qui ne l'est pas tant que ça, puisque
est en quelque sorte la muse du réalisateur. Chose qui s'est confirmée avec la sortie des deux volets de
), où elle tient carrément le rôle principal, presque chaque scène étant centrée sur elle. Il faut dire qu'il a visé juste, car à mon goût, cette femme est l'une des meilleures actrices que j'ai pu voir. Enfin, l'affiche est basée sur une teinte très jaune, ce qui correspond parfaitement à
qui semble vouer un culte à cette couleur qu'il utilise un peu partout. Bref, cette affiche, si elle n'est pas vraiment à l'image du film, est en tout cas à l'image de son auteur.
Le premier atout de ce film est son scénario et la façon dont il est monté. Basé sur le système d'un flashback, le film n'est pas linéaire et on assiste à plusieurs chapitres qui ne sont pas placés dans l'ordre chronologique. Ca n'empêche pas de comprendre l'histoire très facilement. Le film est centré autour de trois histoires différentes, qui se recoupent toutes plus ou moins avec le personnage de
qui semble être à l'origine de tous leurs problèmes. On a donc trois scénarii parallèles, tous passionnants, drôles et inventifs. Jamais
n'aurait été aussi inspiré en matière de dialogues, de situations insolites et d'humour. De plus, il parvient à nous offrir un film de gangsters sans jamais prendre parti, ni jamais tomber dans le moindre manichéisme gentils/méchants.
Le film commence par la fin. En guise d'introduction, on voit donc un couple de braqueurs dans un
coffee shop, qui discutent tranquillement. Et déjà, un premier échange de répliques s'entame, où ils se demandent pourquoi tout le monde braque des banques et pas des
coffee shops, alors que c'est plus simple et sans danger. Sur ces paroles, ils se lancent avec leurs armes et le générique de début commence. L'entrée en scène étant déjà passionnante, ce n'est rien à côté de ce qui suit. Ce qui est bien avec
Tarantino, c'est qu'il rentre directement dans leur coeur de l'action. Il ne laisse aucune place à une présentation "bateau" des personnages, puisqu'on les découvre et qu'on les cerne au fur à mesure de ce qu'ils vivent. Du coup, ça lui laisse du temps pour pouvoir nous montrer un grand nombre de scènes, de situations, et développer son histoire au maximum. Et il faut dire que ça s'enchaîne. Premièrement, on voit
Vincent (
John Travolta) et
Jules (
Samuel L. Jackson) dans une voiture. On apprend qu'ils doivent aller chercher une mystérieuse mallette afin de la rapporter à un certain
Marsellus Wallace. Par la même occasion,
Vincent informe
Jules que
Marsellus Wallace lui a demandé de s'occuper de sa femme le temps d'une soirée.
Hop, voilà, deux intrigues sont déjà lancées. Mais ce n'est pas tout, puisqu'on a encore droit à des sujets de discussions assez marrants entre les deux personnages, qui se demandent bien pourquoi les néerlandais mettent de la mayonnaise sur leurs frites, ou pourquoi tel hamburger a tel nom.
John Travolta et
Samuel L. Jackson ont une certaine classe dans leurs costumes-cravates entièrement noirs
. Après ce passage, on retrouve d'ailleurs un plan très récurrent chez Tarantino, celui du coffre de la voiture. Un plan depuis l'intérieur du coffre avec les deux personnages en contre-plongée, dont le principe avait déjà été aperçu dans Reservoir Dogs et réutilisé dans Jackie Brown et Kill Bill.
Puis on les retrouve devant une porte d'appartement. Se rendant compte qu'ils ont un peu d'avance sur l'heure prévue, ils discutent encore un peu sur le seuil, parlant de Mia Wallace et semblant parfaitement décontractés. Puis ils entrent et c'est là que commence l'action. Les deux compères braquent les hommes présents dans l'appartement et s'ensuit un véritable carnage. Pendant que Vincent récupère tranquillement la fameuse mallette, Jules vise l'un des hommes, qui mange un Big Kahuna Burger. C'est là qu'on se rend compte que Jules est plutôt psychopathe. Il commence par pousser encore sa réflexion sur les hamburgers, puis s'énerve petit à petit, allant jusqu'à gueuler un passage de la Bible (Ezéchiel 25 - verset 10). Ce passage est vraiment tordant, puisqu'on voit à quel point Jules s'emporte tout seul, tandis que Vincent reste en retrait et le regarde en pensant certainement "et voilà, ça recommence...". Vraiment délirant. C'est à mon goût la scène la plus culte du film, et probablement l'une des meilleures scènes de film jamais créées. Je ne peux pas résister à l'envie de la partager en vidéo :
Ensuite, on a donc un flashforward, puisqu'on voit
Jules et
Vincent avec d'autres vêtements, ressemblant à des touristes avec t-shirt et bermuda. On apprendra plus tard comment ils en sont arrivés là. Puis on abandonne cette première intrigue pour démarrer la seconde. Un peu moins passionnante, elle est néanmoins excellente et on voit enfin apparaître
Uma Thurman qui interprète le rôle de
Mia Wallace, la femme de
Marsellus que Vincent doit occuper pendant la soirée. Avec, encore, de superbes dialogues très efficaces, notamment la discussion entre
Vincent et
Mia dans un restaurant très Rock'n'Roll. Encore une fois, le réalisateur use de son grand art du dialogue, avec une discussion basée justement sur leur manque de sujets de conversation. Cette partie se terminera par une cultissime danse entre les deux personnages, les acteurs étant particulièrement performants. Je ne m'attarde pas sur la partie où
Mia prend de l'héroine et sera sauvée par un coup de seringue en plein coeur, mais c'est paradoxalement une scène difficile et très drôle (encore).
On passe alors à l'histoire de
Butch Coolidge, un boxeur interprété avec brio par
Bruce Willis. Encore une succession d'acteurs légendaires avec l'apparition de
Christopher Walken dans un flashback, où il donne à
Butch (enfant) la montre de son père qu'il lui a rapporté de la guerre du Vietnam. L'importance de cette montre va déclencher chez
Butch un état de fureur assez avancé quand il se rendra compte qu'il l'a perdue. Alors qu'il fuit les hommes de
Marsellus Wallace parce qu'il a gagné un combat de boxe qu'il n'aurait pas dû remporter, il se voit contraint de retourner dans son ancien appartement pour aller chercher sa précieuse montre. On assiste alors une fois de plus à une scène à la fois très drôle et surprenante.
Butch remarque qu'il y a quelqu'un dans ses toilettes et se rend compte que l'un des hommes de
Wallace est venu pour le tuer. On voit cet homme sortir des toilettes, c'est
Vincent Vega qui ne comprend pas ce qui se passe et qui se fait zigouiller sans demander son reste.
John Travolta est vraiment excellent dans son rôle de mec très cool et jamais stressé. Puis,
Butch s'enfuit au volant de sa Honda mais croise malheureusement
Marsellus qui le poursuit jusque dans un petit bazar où ils se font séquestrer. Alors que
Marsellus se fait violer (ce qui nous donne la scène la plus dure du film, vraiment très réaliste et qui peut choquer les plus sensibles),
Butch parvient à défaire ses liens et décide de lui venir en secours. On a d'ailleurs une apparition d'un personnage,
La Crampe. On ne sait pas ce que c'est, et c'est probablement le plus gros délire de ce film. Encore une fois, on a droit à une situation très drôle où il découvre successivement des armes de plus en plus dangereuses. En sauvant
Wallace, celui-ci le laisse s'enfuir à condition qu'il ne dise rien à ce sujet et qu'il quitte la ville, ce qui termine l'histoire de
Butch.
Et voici arriver le dernier épisode, qui conclut parfaitement tout le film. Alors qu'on vient de voir
Vincent mourir, on revient un peu en arrière, juste après le massacre dans l'appartement du début du film. On découvre alors comment les deux zigs se retrouvent affublés de fringues de plage. En effet, après la tuerie dans l'appartement, un troisième malfrat sort de la salle de bain et vide son chargeur sur eux. Encore une bonne dose de rires pour le spectateur puisqu'on se rend compte qu'il n'a pas réussi à les atteindre une seule fois alors qu'ils n'ont pas bougé. Ce dernier se fait aller dézinguer. Dans la voiture avec
Marvin (le dernier des gars) à l'arrière,
Jules est persuadé d'avoir été la cible d'une miraculeuse intervention divine et songe à se reconvertir dans la philosophie (ce qu'il a visiblement fait, puisqu'il n'est plus avec
Vincent lors de la dernière mission contre
Butch. Un étrange coup du destin quand on pense que si
Jules ne s'était pas rangé,
Vincent ne serait certainement pas mort dans les toilettes). C'est alors que
Vincent tire accidentellement sur
Marvin, dont la cervelle explose, rendant l'intérieur de la voiture dégueulasse.
John Travolta est une fois de plus délirant, à fond dans son rôle, toujours calme et semblant totalement innocent. Un personnage à mourir de rire, certainement le plus drôle et intéressant de ce film. Afin de laver la voiture et de se débarrasser du corps, ils font alors appel à
Winston Wolf, un "
expert en nettoyage".
Harvey Keitel est génial dans son rôle, qui est certainement un clin d'oeil à son rôle de
Reservoir Dogs. Il est vraiment excellent en nettoyeur ultra-organisé qui donne des ordres chronométrés. Ils se retrouvent donc en habits de plage et la boucle du flashforward est bouclée.
Pour conclure le film, on se retrouve dans le
coffee shop du début.
Vincent et
Jules discutent un peu, et
Jules continue de penser que Dieu est intervenu dans le fait qu'ils aient évité toutes les balles.
Vincent ne pense qu'à un coup de bol et s'éclipse pour aller aux toilettes (encore). Alors qu'ils sont sur le point de ramener la mallette mystérieuse à
Wallace, les deux braqueurs du début attaquent le
coffee shop. Mais
Jules reprend très vite le contrôle de la situation et recommence à citer son passage favori de la
Bible. J'aime particulièrement cette scène. Le malfrat regarde à l'intérieur de la mallette et on y voit une lumière très dorée... On ne saura jamais ce qui se trouve dans cette mallette et il y a de nombreuses théories à ce sujet. Néanmoins,
Tarantino a déclaré plus tard que "
quoi que tu penses au sujet du contenu de cette valise, sache que tu as raison". Le film se conclut ainsi, nos deux personnages sortant du
coffee shop en bermuda.
Voilà donc le scénario en béton de ce film qui ne nécessite même pas de deuxième visionnage tant il est compréhensible. Toutes les références et toutes les techniques de
Tarantino sont superbes, il a regorgé d'incroyables idées pour ce film qui est d'une inventivité folle. Avec un scénario très riche, très drôle et complètement passionnant, il est clair que le réalisateur a révolutionné le film de gangsters. En utilisant encore le principe d'une même scène vue sous différents points de vue, on rentre dans le film du début à la fin. Les 2h30 passent à une vitesse hallucinante et notre première réaction lors du générique de fin est "
j'en veux encore !". Le casting impressionnant est parfait. Notamment
John Travolta, je l'ai déjà dit, qui est à la fois drôle et original. C'est d'ailleurs ce film qui m'a permis d'apprécier cet acteur que je ne pouvais pas supporter avant.
Samuel L. Jackson signe avec brio sa première collaboration avec le cinéaste, et tout son talent est superbement exploité pour créer un personnage un peu taré sur les bords mais terriblement intelligent, ayant systématiquement un avis sur tout et qui ne peut pas s'empêcher de l'exposer. Et sa façon de réciter systématiquement le même passage de
la Bible lorsqu'il a l'intention de tuer quelqu'un est délirante.
Uma Thurman est magnifique et géniale dans un rôle qui lui va comme un gant.
Tarantino nous montre encore clairement son fétichisme des pieds avec une scène où l'actrice apparaît pieds nus.
Bruce Willis est fidèle à lui-même, c'est-à-dire à la fois époustouflant, drôle et impliqué. Il est assez bon de le voir dans des rôles un peu moins "
sauveur du monde", aisance qu'il confirmera plus tard avec
Sixième Sens et
Incassable. Ce dernier film mettant en scène une troisième fois le duo
Willis/L.Jackson qui fonctionne visiblement à merveille.
Harvey Keitel est propre, carré et très crédible en donneur d'ordres.
Quentin Tarantino et
Steve Buscemi font chacun une apparition sympathique dans des rôles très secondaires. Enfin, on retrouve également
Tim Roth qui est une fois de plus épatant.