De tous les réalisateurs, rares sont ceux qui ne m'ont jamais déçu. Je pourrais également dire la même chose de réalisateurs comme
Sofia Coppola ou
Wes Anderson, mais ils n'ont pas encore réalisé énormément de films. Chez tous les réalisateurs qui me viennent à l'esprit, tous m'ont au moins déçu une fois.
M. Night Shyamalan avec
Le Dernier Maître de l'Air (bien que tous ses autres films soient des chefs d'oeuvre),
Luc Besson avec la saga
Taxi, Gus Van Sant avec
Last Days, Steven Spielberg avec
Il faut sauver le soldat Ryan, Christopher Nolan avec
Batman Begins, Tim Burton avec
Pee Wee. J'en oublie beaucoup, évidemment, mais voilà où je veux en venir : aucun d'entre d'eux ne m'apporte autant de plaisir que
Quentin Tarantino.
Je ne vais pas débattre des heures sur mes réalisateurs préférés, ça n'a aucun intérêt ici surtout que je sens que vous allez être nombreux à me dénicher des tas de réalisateurs qui sont irréprochables, comme
Eastwood, Lynch ou
Fincher, et je vais me sentir idiot. Ce que je veux tout simplement dire, c'est que (pour moi)
Tarantino sort clairement du lot. J'ai trouvé tout ses films absolument fabuleux, intéressants et sans vraiment de défauts. Ceci pour plusieurs raisons que je vais essayer d'expliquer un peu.
Premièrement,
Quentin Tarantino parvient à nous faire rentrer dans ses films dès le début. Contrairement à de nombreux réalisateurs qui prennent tout leur temps pour présenter les personnages et nous bassiner de scènes totalement banales, lui nous captive toujours dès le début, sans fioritures. La présentation des personnages se fait toujours de façon originale et intéressante. Et ils sont toujours des points forts dans chacun de ses films. Il y a rarement de personnages principaux, à part dans
Kill Bill où
Uma Thurman tient une grande partie du film sur ses épaules, et peut-être
Django Unchained. Généralement, l'intrigue tourne autour de 5 ou 6 personnages à la fois secondaires et principaux, comme c'est le cas dans
Pulp Fiction, Jackie Brown, Reservoir Dogs, ou
Inglourious Basterds (et même
Sin City auquel il a participé). Ainsi, chaque personnage est aussi important que les autres. Tout le monde a un rôle bien particulier, et il n'y a pas de héros, ce qui nous évite de l'ennui lorsqu'il n'apparaît pas. De plus, tous les personnages sont passionnants. Ils ont toujours quelque chose à dire, un avis à formuler, ce qui les caractérise.
Et c'est en effet le deuxième point fort du réalisateur : les dialogues. Rarement inutiles, ils sont captivants et souvent remplis d'humour. Ils sont parfois à l'origine de personnages qui débattent sur un sujet et donnent leur avis. C'est particulièrement flagrant dans
Pulp Fiction avec les discussions sur les frites, les hamburgers, les massages de pieds, Dieu. On a le même genre de procédé dans
Reservoir Dogs, avec toute une réflexion sur les pourboires ou une chanson de
Madonna. Des conversations toujours assez longues, voire banales, mais passionnantes et drôles. Car l'humour est souvent de la partie, avec l'humour noir, l'absurde, quelques délires ou encore de la parodie. Et franchement, c'est parfois presque jubilatoire tant les idées sont superbement exploitées. Quand il n'y a pas de dialogues, on a souvent droit à une excellente bande son, dont de nombreuses musiques sont devenues cultes.
Ensuite, le style de
Tarantino use de nombreuses techniques souvent réutilisées dans ses films. Tout d'abord, la plupart des films sont montés de façon très particulière, usant notamment de flashbacks, de flashforwards, de scènes issues de l'imagination de certains personnages et qui donnent toujours un ton décalé et très agréable.
Tarantino utilise des petites actuces visuelles assez amusantes, surtout dans
Inglourious Basterds, mais j'y reviendrai plus loin. Dans les techniques utilisées, on peut citer le
Mexican standhoff, un sorte de confrontation où chaque personnage en braque un autre, ce qui donne une situation gênante de laquelle personne ne peut sortir gagnant. D'ailleurs, scénaristiquement parlant,
Tarantino aime régulièrement tuer la plus grande partie des personnages de ses films, et rares sont ceux qui survivent avant le début du générique final. Autre élément scénaristique souvent présent dans ses réalisations : la violence montrée. Mais, à la différence de la violence crue et dégoûtante de certains films,
Tarantino la rend presque belle, avec beaucoup de style et un grand esthétisme, notamment grâce à une belle photographie et tout un art de la filmer. D'ailleurs, cette violence est souvent masquée par le noir et blanc, par le dessin animé ou par l'exagération volontaire de certaines giclées de sang. De plus, il aime faire référence aux films d'action, notamment le cinéma de gangsters, le western ou le cinéma asiatique (combats au sabre). Très cinéphile et calé en cinéma, il nous offre souvent de nombreux clins d'oeils à d'autres films. D'ailleurs,
Tarantino mélange souvent tous les genres, notamment avec la saga
Kill Bill où il mêle le noir et blanc, le dessin animé, le western, ou
Boulevard de la Mort qui passe de couleur à noir et blanc, pour revenir à la couleur. La réalisation est toujours parfaite et j'y prends toujours un grand plaisir. Il utilise très souvent la couleur jaune, qu'il semble vénérer, que ce soit dans les titres, les vêtements ou les affiches. Enfin, il est également friand (et nous aussi) des scènes montrées plusieurs fois de suite sous les points de vue de personnages différents. On pense notamment à
Jackie Brown et
Boulevard de la Mort.
Enfin,
Quentin Tarantino a très bon goût concernant le choix des acteurs et actrices. Au niveau des acteurs, il a beaucoup fait participer
Samuel L. Jackson et
Harvey Keitel, mais encore
Michael Madsen, Tim Roth, Bruce Willis, Steve Buscemi qui sont des monuments du cinéma. Concernant les actrices, c'est pratiquement un sans faute également. Personnellement, j'ai eu un peu de mal avec
Pam Grier dans
Jackie Brown mais pour ce qui est du reste, c'est parfait.
Uma Thurman, pour commencer (sa "muse"), est juste géniale dans tous ses rôles. De même pour
Diane Kruger ou
Mélanie Laurent dans
Inglourious Basterds, qui sont bourrées de talent. Ces actrices sont également un moyen pour le réalisateur de montrer au grand jour son
fétichisme des pieds, notamment avec
Uma Thurman dans
Kill Bill et
Pulp Fiction, Bridget Fonda dans
Jackie Brown, un peu tout le monde dans
Boulevard de la Mort ou encore
Diane Kruger dans
Inglourious Basterds.
Et voici donc maintenant une petite liste des films que j'ai vus, classés par ordre de préférence. Allons-y.
1. Pulp Fiction
A mon goût le meilleur film de
Tarantino, Pulp Fiction est également l'un des meilleurs films jamais réalisés. Tout y est, les personnages attachants et drôles (
Samuel L. Jackson y trouve certainement son meilleur rôle avec
Incassable), la triple intrigue astucieuse et palpitante, un flashforward et un scénario non linéaire. Mais j'ai déjà suffisamment parlé de ce film sur
cet article qui lui est entièrement consacré.
2. Kill Bill 1&2
Si vous ne l'avez pas vu, laissez vos préjugés de côté et entrez dans le monde délirant de
Quentin Tarantino. Personnellement, je n'avais jamais voulu voir ces deux films que je pensais commerciaux et beaucoup trop banals au vu du scénario. Mais c'était à l'époque où le mot "
Tarantino" ne me disait pas grand chose. De l'inventivité, un scénario passionnant, des acteurs talentueux (et en particulier une actrice,
Uma Thurman, qui est incroyable), des personnages poussés et un mélange incroyable des genres, la saga
Kill Bill est (pour le moment) ultra-culte, qu'il faut avoir vu une fois dans sa vie. Après
Pulp Fiction, le réalisateur rempile de plus belle avec
Uma Thurman, pour notre plus grand bonheur.
Une analyse de ces deux films est visible en suivant ce lien.
3. Inglourious Basterds
Incontestablement l'un des meilleurs films de l'année 2009, c'est l'une des très rares occasions où je suis allé voir deux fois un film au cinéma. Ce film est tellement bon et jubilatoire qu'il est à consommer sans aucune modération. Une sublime brochette d'acteurs, notamment
Christoph Waltz qui a été découvert dans ce film (et quelle révélation !) et qu'on espère revoir rapidement sur grand écran. Ce film revisite la
Seconde Guerre Mondiale de façon
Tarantinesque, avec tout ce qui va avec. Des flashbacks, des intrigues parallèles, des personnages travaillés. Mais également quelques effets amusants comme un arrêt sur image sur un personnage, suivi du nom du personnage qui apparait avec une bonne grosse musique. Ca donne un ton décalé et absolument génial à certaines scènes qui changent clairement du cinéma habituel.
Vous pouvez aller voir la critique complète de ce film ici.
4. Django Unchained
Pas grand chose à dire, si ce n'est que
Django Unchained n'est absolument pas surestimé par les critiques. Il faut vraiment détester
Tarantino ou les westerns pour ne pas apprécier et savourer ce film grandiose de 3h, et rares sont de telles personnes. Le casting est fabuleux même si beaucoup moins marquant que pour le précédent film du cinéaste, j'ai été notamment ravi de retrouver
Christopher Waltz qui, toujours dans un registre "sympathique", est ici dans le rôle inverse du Hans Landa d'
Inglourious Basterds. L'acteur est toujours aussi miraculeux et son talent démesuré n'a certainement pas fini de faire parler.
Leonardo DiCaprio est ici à contre-emploi dans un rôle d'enfoiré fini qu'il n'a pas l'habitude de camper.
Samuel L. Jackson livre une prestation mémorable et complètement déjantée, faisant rire constamment avec un personnage sournois. Je laisse un bémol pour le choix de l'acteur principal,
Jamie Foxx étant souvent un peu fade... Qui plus est,
Tarantino ne tombe pas dans la facilité manichéenne gentils noirs / méchants blancs en proposant des caractères bien différents pour chaque personnage.
Django Unchained est, à l'instar des autres films de l'auteur, complètement surréaliste et exagéré, mais c'est ce qui en fait un oeuvre jouissive. Avec la violence (morale et physique),
Tarantino nous en met plein les yeux pendant 3h, sans oublier de nous faire respirer avec des dialogues savoureux et en passe de devenir cultes (bien que moins inspirés que
Pulp Fiction, par exemple). La multitude de clins d'oeil et références est bienvenue et m'a permis de passer un moment incroyable. Le film démarre avec la musique du
Django de 1966 (de
Sergio Corbucci) et file inévitablement des frissons. Les caméos font toujours plaisir à voir, celui de
Tarantino lui-même est plutôt amusant et le sort du personnage est excellent (faisant par-là même référence à
Mon nom est Personne). Le caméo de
Franco Nero (le Django de 1966) est plus subtil et plus bref, on a droit à un petit dialogue entre le Django 2013 et le Django 1966, très peu de paroles mais qui sont savoureuses : "
What's your name ? - Django. - Can you spell it ? - D-J-A-N-G-O. The D is silent. - I know." Bref, mis à part ces petits clins d'oeil, le film regorge de répliques hilarantes et d'effets comiques très efficaces ("
Dites adieu à Madame..."),
Christopher Waltz mettant sa bonne humeur rayonnante au service du film (la scène de libération de Django offre une excellente ouverture du film et tout le passage avec le shériff et le marshal est à mourir de rire). Sans oublier le face-à-face monstrueux entre
Waltz et
DiCaprio, ce dernier ayant notamment une tirade impressionnante et révoltante sur un crâne. Bref,
Django Unchained est délirant, et bien parti pour être l'un des meilleurs films de 2013. Il reste cependant derrière les 3 précédents dans mes favoris.
5. Reservoir Dogs
Après le magnifique trio de tête, le niveau diminue d'un poil de pubis de mouche avec
Reservoir Dogs, le premier gros film du réalisateur. Le film est construit comme un huit-clos autour d'un seul événement particulier. Les personnages arrivent au fur à mesure et apportent donc à chaque fois un peu plus de révélations à l'intrigue du film. Tous les acteurs sont vraiment au top, mais il manque à mon goût un petit plus par rapport aux films cités précédemment. Je trouve qu'il ne se passe finalement pas grand chose dans ce film, contrairement à la richesse scénaristique des trois autres qui bénéficient de multiples idées toutes aussi bonnes les unes que les autres.
L'analyse complète de ce film se trouve au bout de votre pointeur !
6. Boulevard de la Mort
Boulevard de la Mort arrive bien tard dans le classement, j'ai hésité à la mettre en 5e position car il m'a vraiment plu, mais les dialogues sont moins consistants et intéressants que dans
Reservoir Dogs. Le film revisite tous les thèmes préférés de
Tarantino, en passant par son fétichisme des pieds, la scène du coffre de voiture, les musiques géniales, le scénario parfait et les personnages dingues.
Kurt Russell y trouve certainement l'un des meilleurs rôles de sa vie et c'est lui qui fait quasiment tout le film.
Voir la critique ici.
7. Jackie Brown
Si
Jackie Brown arrive si tard dans le classement, c'est tout simplement d'un point de vue très subjectif (m'enfin c'est tout le principe d'un classement). J'ai personnellement trouvé
Pam Grier assez fade et peu captivante, alors qu'elle est plus ou moins le centre de l'intrigue. Néanmoins, le scénario est toujours aussi bon, les personnages dans l'ensemble très intéressants et vraiment très atypiques.
La critique complète en suivant ce lien.
8. Sin City
Sin City arrive en dernière position, non parce qu'il est moins bon (au contraire) mais pour la simple et bonne raison que
Tarantino a uniquement participé à la réalisation, puisque c'étaient surtout
Robert Rodriguez et
Frank Miller (l'auteur du comic à l'origine du film) qui étaient aux commandes. Néanmoins, on retrouve quelques détails chers à
Tarantino et on reconnait souvent sa patte.
Si la critique du film vous intéresse, c'est par là.
Voilà pour les 8 films que j'ai vu de ce réalisateur de génie, que j'ai tous vraiment appréciés au plus haut point.