Mis à part Vortex, dont je cherche désespérément une séance dans ma région, j'ai enfin vu la totalité des longs-métrages de Gaspar Noé et, pour la première fois, le cinéaste m'a déçu avec Love. Ce film est même probablement celui qui m'a le moins intéressé et le moins plu dans toute sa filmographie, même si je n'ai pas encore vu ses courts-métrages. Je pense que je ne verrai pas Carne et Lux Æterna cette année car, comme pour Terrence Malick, il n'est pas bon d'enchaîner les films de Gaspar Noé trop vite. Il fait partie de ces réalisateurs qui se dégustent une fois de temps en temps (mais pas trop souvent) et que j'aime retrouver après plusieurs années d'absence le temps de les digérer.
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Il n'est pas anodin que je compare ici Gaspar Noé avec Terrence Malick car l'un comme l'autre ont leur style bien particulier ; un cinéma unique et reconnaissable qui sort clairement de l'ordinaire et qui en font des cinéastes véritablement passionnants. Ces deux réalisateurs ont quelques points communs, pas dans les thèmes qu'ils abordent mais dans leur façon de créer de pures expériences de cinéma. Leur caméra a tendance à flotter, à s'envoler. Dès les premières secondes, je suis happé et je vis une expérience sensorielle incroyable. Enter the Void est un exemple en la matière, tout comme The Tree of Life, et ces deux films ont clairement marqué mon amour pour le cinéma il y a 10 ans.
Si j'insiste sur ce comparatif, c'est que Love m'a indiscutablement fait penser à A la merveille, et je trouve qu'il souffre terriblement de la comparaison. Peut-être est-ce la ressemblance entre Aomi Muyock et Olga Kurylenko qui m'a forcé à voir un lien entre ces deux films, ou tout simplement le thème principal : l'amour au sein d'un triangle amoureux dans lequel l'homme ne mérite aucune des deux femmes qu'il côtoie. A la merveille contient une magie, une poésie qui nous fait croire qu'un amour existe entre les protagonistes. Dans Love, je n'ai jamais ressenti un quelconque sentiment amoureux pendant deux heures et je trouve ça problématique, étant donné que c'est littéralement le titre de l'œuvre. Selon moi, le film aurait pu (aurait dû !) s'appeler Sex, car c'est bien l'élément central de toute cette intrigue. Je comprends que Gaspar Noé ait voulu créer un film qui montre des relations sexuelles entre des personnages amoureux, c'est d'ailleurs lourdement annoncé en début de film avec une réplique du personnage principal... mais où se trouve l'amour dans toute cette histoire ?
Oui, certes, on assiste à quelques scènes romantiques. Elles sont exquises, bien sûr, car le réalisateur a un don pour créer des visuels magnifiques. Malheureusement, le film est entrecoupé de séquences pornographiques d'une froideur incroyable et qui, bien souvent, n'ont aucun rapport avec le récit. Ce que je n'avais pas pu reprocher à Nymphomaniac (dans lequel chaque scène de sexe justifie habilement les choix et la psychologie du personnage de Charlotte Gainsbourg), je peux le reprocher à Love : le sexe ne sert ici à rien et si la volonté de Noé était de nous montrer des personnes amoureuses faire l'amour, alors ça me semble franchement raté. Si vous me demandiez de citer un film d'amour, je pourrais citer A la merveille sans aucun souci. Mais il n'y a absolument aucune chance que je cite Love, qui ne semble être qu'une alternance de scènes complètement dénuées d'amour. La différence vient sûrement du casting, par ailleurs, car le trio présenté dans Love est à des années-lumières du triangle interprété magnifiquement par Affleck, Kurylenko et McAdams. Dans Love, les trois comédiens (Aomi Muyock, Karl Glusman et Klara Kristin) sont aussi fades que leurs dialogues (d'une platitude extrême, vraiment) et il est assez navrant de voir que, finalement, c'est bien le sexe qui prend une place démesurée dans Love et non les relations humaines.
Pourtant, les acteurs sont grandement aidés par la mise en scène sublime de Noé et la musique somptueuse. J'ai vraiment cru, pendant la première heure, que j'étais en train d'assister à un immense film, car tout y était : la musique est magnifique, le montage est brillant avec ces transitions en mode "clignement d'oeil" si caractéristiques de Gaspar Noé, et la photographie est absolument divine. J'ai beaucoup aimé le démarrage de Love, car la voix off traduisant les pensées de Murphy permettent de se mettre à sa place dès le départ, et de comprendre les enjeux de ce couple. Le montage m'a semblé parfait, pendant cette première partie, car des parallèles sont faits entre le présent et le passé avec d'habiles coupures. Vraiment, j'ai passé une première heure complètement dingue. Et puis, au bout d'un moment, tout se casse la gueule parce que le scénario ne suit pas. Noé nous raconte la genèse du couple Murphy - Electra et souligne avec lourdeur absolument toute leur histoire. Le problème, c'est qu'on avait déjà tout compris pendant la première heure et que la deuxième partie du film n'est qu'explicative. Il n'y a plus de mystère, car le spectateur a toutes les clés en main à partir de la moitié du film. Du coup, je me suis fait chier et ce ne sont pas les scènes de sexe qui m'ont tenu éveillé, tant elles ne transmettent aucune sorte d'émotion. Je les ai même passées en avance rapide pendant le dernier quart d'heure, tant je n'en avais rien à foutre (il n'y a pas de jeu de mot ici, vous avez l'esprit mal placé).
Alors oui. Oui, c'est beau. Oui, Gaspar Noé filme les milieux "underground" comme personne (cf les deux images ci-dessus où on voit clairement le merveilleux traitement de la lumière et des couleurs). Mais au bout d'un moment, je ne vois pas l'intérêt de pondre un film de 2h10 pour ne raconter que du vide (car il n'en ressort absolument rien, il faut bien le dire). 1h30 auraient largement suffi à raconter cette histoire banale. Il aurait fallu virer du sexe (clairement inutile dans le film à part celle du plan à 3, seule scène de sexe au service du scénario) et réduire drastiquement la deuxième partie du film, car l'évolution du couple Murphy-Electra ne suscite aucun intérêt. J'aurais largement préféré que le film s'attarde sur la délicate position de père de Murphy et sa situation avec Omi, qui semblait passionnante dès le départ. Si Gaspar Noé avait continué de creuser la détresse de Murphy en gardant en toile de fond ses souvenirs avec Electra, j'aurais sans doute adoré ce film. Je n'ai vraiment pas compris pourquoi Love passait autant de temps à décrire et souligner l'histoire "d'amour" avec Electra.
Bref, je suis très déçu de Love car, au vu de la première demi-heure, j'en attendais énormément. Pour la première fois, je découvre un film de Noé complètement oubliable et mineur dans sa filmographie.
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