Vortex - de Gaspar Noé - Critique

Vortex - de Gaspar Noé - Critique

      Quelques semaines après ma découverte en salles de Françoise Lebrun dans son premier film (La Maman et la Putain, 1972), je la retrouve à nouveau dans son dernier film en date : Vortex de Gaspar Noé. Le timing de sortie au cinéma des deux films est une drôle de coïncidence, sachant par ailleurs que c'est justement parce qu'il adore l'œuvre de Jean Eustache que Gaspar Noé a souhaité obtenir l'actrice pour son film. 

Tags Critique analyse explication du film

      Vortex est probablement le moins Noé des Noé, puisque c'est notamment son premier film tout public, mais il traite tout de même des thèmes chers à l'auteur, en particulier son obsession pour la mort ou, disons plutôt, le vide de la vie. Les taglines du film en France et en Belgique sont "La vie est une courte fête qui sera vite oubliée" et "A tous ceux dont le cerveau se décomposera avant le cœur", ce qui donne dès le départ une idée du ton employé. On y suit un couple en fin de vie, interprétés brillamment par Françoise Lebrun et Dario Argento. Elle souffre d'une maladie mentale, lui d'une maladie du cœur. Pendant plus de deux heures, nous assistons alors à leur évolution en parallèle grâce à un habile jeu de split screen.

 

Vortex - de Gaspar Noé - Critique

    J'ai adoré Vortex, nouvelle proposition radicale qui fait, encore une fois, beaucoup de bien dans le paysage cinématographique français. Comme la plupart des films de l'auteur, il a été très mal desservi en France et c'est non sans mal que j'ai réussi à en dénicher une séance pas trop loin. Dès les premières minutes, une chose frappera les habitués du cinéaste : Vortex ne ressemble en rien, visuellement, à ses autres films. Pas de caméra qui flotte au hasard, pas de montage épileptique ou désordonné, encore moins de lumières qui clignotent. Pas, non plus, d'instants trashs ni de violence gratuite même si, vers la fin, une scène accompagnée par une musique d'Ennio Morricone est à deux doigts d'emprunter cette voie ; elle ne le fera finalement pas. S'il n'y avait ces fameuses transitions en "clignement d'œil" pour nous aider, peu d'indices nous permettraient de deviner que Gaspar Noé tient les rênes du projet. 

 

     C'est donc dans une forme plus assagie, qui tient quasiment du documentaire, que le réalisateur nous présente ses personnages et leur situation. J'ai trouvé la première demi-heure interminable et je ne comprends toujours pas pourquoi le film s'ouvre de façon aussi lente et - étonnamment - aussi chiante. Ces trente minutes d'introduction, quasiment sans dialogue et sans action particulière, nous plongent certes dans la vie monotone et barbante de deux personnes âgées, mais c'est bien trop long et j'admets que j'ai failli décrocher assez vite. C'est simple, j'ai cru me retrouver devant Amour de Michael Haneke (que j'ai détesté) et j'ai eu la crainte de devoir subir deux autres heures d'ennui profond.

 

Vortex - de Gaspar Noé - Critique

      Heureusement, passée cette demi-heure ennuyeuse à mourir, le film démarre enfin lorsqu'Alex Lutz, qui interprète le fils du couple, entre en scène. A partir de ce moment, le film s'autorise quelques dialogues et séquences émouvantes et je suis pleinement entré dans le film jusqu'à la toute fin. Si vous êtes amenés à voir Vortex, donc, je ne peux que vous conseiller de tenir bon car Gaspar Noé nous sort ensuite des scènes passionnantes, d'une justesse incroyable.

 

     Le split screen, artifice qui se prête parfaitement à cette histoire avec une belle cohérence, permet d'appuyer l'idée que, si ce couple a vécu toute sa vie ensemble, le chemin vers la mort est unique pour chacun. On y retrouve une idée commune à quasiment tous les films de Noé : celle du temps qui détruit tout et de la mort qui finit toujours par nous rattraper dans la solitude. J'ai beaucoup aimé l'utilisation de l'écran divisé, c'est un effet visuel assez rare au cinéma sous cette forme : présente du début à la fin sans discontinuer. En réfléchissant bien, le seul autre exemple d'utilisation de cet effet qui me vient en tête est dans l'excellent Conversation(s) avec une femme que je continue de conseiller à quiconque passe sur ce blog. Pour Vortex, ce montage particulier est d'une grande pertinence et je n'ose pas imaginer le casse-tête incroyable que cette idée a du engendrer, ne serait-ce que pour tourner les scènes sans que les caméras ne se gênent entre elles. Un véritable tour de force qui nécessite une grande précision.

 

      Mis à part l'aspect purement visuel du film, on assiste donc à des scènes quasiment tournées en temps réel qui permettent de suivre chacun des deux protagonistes au cours de leur journée. Les séquences qui font intervenir Alex Lutz sont brillantes, notamment deux d'entre elles (ci-dessous), qui montrent à quel point il est difficile de voir ses parents devenir des enfants, à un tel point que les rôles en deviennent inversés. Les discussions difficiles et les relations profondes qui unissent les personnages sont criantes de vérité, et quiconque ayant déjà eu affaire à ce genre de situations ne peut que compatir pour les trois personnages.

 

Vortex - de Gaspar Noé - Critique
Vortex - de Gaspar Noé - Critique

      Il est intelligent, également, d'avoir utilisé le personnage d'Alex Lutz comme réunificateur des deux personnages principaux : c'est en effet lorsqu'il est présent dans le cadre que les deux écrans divisés semblent se recoller, montrant alors que le fils reste l'unique connexion qui permet encore au couple de communiquer.

 

     Bref, Vortex est fascinant et magnifique jusqu'à la toute fin. Il est probablement le film le plus facile d'accès de Gaspar Noé mais également l'un de ses plus intimes. Les comédiens sont tous parfaits dans leurs rôles, ce qui montre à quel point le casting est primordial pour ce genre de films (Amour était une catastrophe sur ce plan). Françoise Lebrun est géniale, le regard vide et triste. Dario Argento, quant à lui, est poignant en homme dépassé par la situation, qui ne cesse de se trouver des excuses pour ne pas avoir à affronter la réalité. Malheureusement, le film n'entrera pas dans mon top 300 car, comme je l'ai dit plus haut, Noé nous impose une première demi-heure totalement inutile, amenant la durée totale à plus de 2h20 alors que 1h50 aurait été à mon goût idéal. Je trouve ce choix incompréhensible, mais ça n'enlève rien au reste, absolument fabuleux. Je vous le conseille vivement.

 

 

Pour + de Gaspar Noé :

 

 

 

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