Comme il vient de passer à la télé sur France 3, j'en profite pour parler un peu de ce film que j'ai toujours adoré (que ce soit la première fois comme les suivantes). J'espère que ceux qui ne l'avaient jamais vu (ça existe ?) on sauté sur l'occasion pour découvrir cette merveille. J'ai déjà parlé du twist final sur cet article, alors si c'est ça qui vous intéresse je vous laisse vous rediriger, car ici je vais plutôt parler de ce qui reste de Sixième Sens quand on lui enlève ce retournement de génie.
Oui, je ne vais pas reparler du twist final même s'il représente l'une des plus grandes qualités de ce film. Très fin, intelligent, réfléchi d'un bout à l'autre, le final est de toute beauté et nécessite un deuxième visionnage, sous peine de ne jamais voir à quel point les indices sont flagrants et bien cachés. Ceux qui se vantent d'avoir deviné la fin dès les premières minutes sont des personnes qui n'ont vu ce film que très récemment, c'est-à-dire 10 ans plus tard, à une époque où le procédé de twist final explose de toutes parts et qu'on s'en farcit à longueur de temps. Mais j'ai dit que je n'en parlerai pas donc je commence mon article.
Heureusement,
Sixième Sens ne repose pas uniquement là-dessus car le reste du film est également bien foutu et plein de trouvailles assez sympa. Déjà, le concept est assez original puisqu'on nous présente un psychiatre,
Malcolm, qui s'occupe donc d'enfants ayant quelques problèmes. Il s'intéresse à un enfant qui lui en rappelle un autre,
Vincent.
Malcolm a fait une erreur de jugement sur Vincent il y a longtemps, ce qui provoque donc la scène d'ouverture du film. Le film démarre vite et bien, puisqu'on comprend avec très peu de phrases les situations professionnelle et amoureuse du personnage principal. Et très rapidement la scène d'ouverture donne lieu à un drame et on avance d'un an dans le temps. Le suicide de son ancien patient
Vincent l'a totalement changé : il est devenu un autre homme et ne parle quasiment plus à sa femme. Il suit alors un petit garçon de neuf ans,
Cole, qui est hanté par un lourd secret. On apprend assez tard ce secret, peut-être au tiers ou à la moitié du film, à savoir que
Cole voit des personnes décédées. C'est ça qui est bon avec
Sixième Sens, c'est que le film prend vraiment son temps. Les quelques longueurs sont justifiées et se révèlent être des qualités, car elles permettent d'imposer directement une ambiance unique et prenante au coeur d'une histoire fascinante. Une atmosphère très lente, très posée qui renforce l'aspect psychologique des scènes et permet également de créer un crescendo habile tout au long des (presque) deux heures. La tension monte progressivement au fur à mesure qu'on apprend à connaître les deux personnages et leur relation assez touchante.
Grande qualité de ce film donc : la relation entre
Malcolm et
Cole. Heureusement, d'ailleurs, car c'est cette relation qui fait l'objet du film entier. On a deux personnes qui souffrent :
Malcolm est constamment triste car sa vie est monotone, que sa femme ne semble plus l'aimer. On se prend vraiment de pitié pour lui, car il semble assez agréable à vivre, très gentil, mais ne parvient pas à communiquer avec celle qui partage sa vie. Elle semble lui en vouloir de quelque chose et c'est assez triste de le voir s'engluer dans sa tristesse. Qui plus est, il est bouleversé par le décès de
Vincent qui constitue pour lui le plus grand échec de sa vie, échec qu'il tente de réparer en aidant
Cole. Le petit garçon quant à lui possède un secret terrifiant qui lui pourrit la vie. Non seulement il voit des fantômes, ce qui lui fait atrocement peur mentalement et mal physiquement, mais en plus il ne peut en parler à personne, sous peine d'être pris pour un fou (les gens le regardent d'ailleurs assez bizarrement). Il manque évidemment de confiance en lui, interprétant chaque regard de travers puisque pour lui, tout le monde le croit fou, même sa mère. On peut d'ailleurs retenir une scène de tension assez forte entre
Cole et son professeur,
Stanley le bègue. On ressent vraiment qu'il est insupportable pour lui d'être regardé, d'être jugé. Un véritable fléau pour ce pauvre enfant qui doit vivre avec ça sans pouvoir se confier. Heureusement,
Cole voit en
Malcolm une personne de confiance et réussit à lui avouer son secret. Une complicité nait donc entre les deux personnages qui s'aident mutuellement, et c'est une relation plutôt touchante. Les deux personnages sont très attachants les acteurs n'y sont pas pour rien.
Bruce Willis est vraiment impeccable du début à la fin en homme torturé, l'émotion passe très souvent à travers son regard mais on a l'habitude avec cet acteur.
Haley Joel Osment est également une petite révélation dans ce film, il est terrifiant, prenant, touchant. Son histoire est réellement fascinante et le gamin joue avec un réalisme de dingue. L'une des dernières scènes, lorsqu'il parle à sa mère dans la voiture, est magnifique en émotion.
Autre grande qualité de ce film : la manière dont il est tourné. C'est ici
Shyamalan qu'il faut féliciter. Je suis un grand fan de ses films et de sa virtuosité. Il nous offre des plans franchement sublimes, pas autant que dans son deuxième grand film
Incassable qui est pour moi son meilleur, mais quand même. Les mouvements de caméra sont très soignés et très réfléchis, rien n'est laissé au hasard et l'ambiance n'en est que plus saisissante. Grâce à cette atmosphère lente, le réalisateur parvient à nous faire peur avec quasiment rien : de la musique et quelques sursauts. Il traite le sujet des fantômes de façon peu banale. Les esprits ne sont pas vus ici comme des êtres vilains et moches, mais essentiellement comme des entités désespérées qui appellent à l'aide.
Shyamalan fait monter la tension du film de manière habile, en mettant en place petit à petit son histoire par un processus original. D'abord, on cherche à savoir quel est le secret de
Cole (en théorie cet élément ne devrait pas figurer dans un synopsis du film car ça fait partie intégrante du mystère du début). Le spectateur se met alors à la place de
Malcolm qui voit un enfant terrifié sans comprendre pourquoi. Il cherche à en savoir plus mais
Cole met quelques barrières (la scène dans le salon, lorsque
Malcolm tente de deviner à quoi pense l'enfant, est géniale, avec des effets de caméra superbes lorsque
Cole recule pas à pas). Puis
Malcolm gagne la confiance du gamin et, en même temps que lui, on découvre qu'il voit des fantômes. Ici s'instaure alors une certaine peur, puisqu'on voit maintenant les choses depuis le point de vue de
Cole. On entre dans son monde et ça fout les boules à de nombreuses occasions. Pour finir, les fantômes deviennent plus "sympathiques" bien que terrifiants lorsque
Cole tente de les aider. L'aide qu'il apporte à la jeune fille est d'ailleurs un passage du film à la fois tendu et émouvant. C'est du génie je trouve.
Bref, je ne vais pas détailler le film scène par scène, mais je le trouve tout simplement fabuleux grâce à toute cette ambiance, cette maîtrise du suspense et ces intelligents effets de caméra. On y ajoute une fin totalement sublime et recherchée, et un deuxième visionnage obligatoire et surprenant. C'est un film qu'on n'oubliera pas de si tôt, je pense.
Pour + de Shyamalan :