Mon amour pour le cinéma passe par (et commence presque avec) M. Night Shyamalan. Ceux qui me connaissent bien le savent, il a longtemps été mon réalisateur préféré. Rien que pour avoir donné à Bruce Willis les deux plus beaux rôles de sa carrière (Sixième Sens et Incassable), poussant ainsi l'acteur dans des zones où il n'était jamais allé, j'ai un respect éternel pour ce cinéaste qui a chamboulé mes jeunes années de cinéphile avec ses twists hallucinants.
Sixième Sens, Incassable, Signes, The Village et dans une moindre mesure Phénomènes ont été pour moi de vraies claques, des bijoux du 7e art que je continuerai à encenser et à partager autour de moi. Puis, Shyamalan a eu sa période faible, très faible. Avec La Jeune file de l'eau, mon intérêt a diminué. Puis, Le Dernier Maître de l'air m'a scotché par sa médiocrité. J'ai moi-même presque cru que Shyamalan était fini lorsque j'ai découvert After Earth en 2013 au cinéma, et cette descente aux enfers a peut-être même été l'une des plus grandes déceptions et tristesses de ma vie de cinéphile.
Pour autant, j'ai continué d'honorer le cinéma de cet homme en allant voir The Visit et, même si le film reste anecdotique voire parfois grotesque, j'ai commencé à retrouver une lueur d'espoir ; le twist final de The Visit est magnifique et me laissait entrevoir une possibilité : M. Night Shyamalan pourrait-il revenir après tant d'années d'absence ? Ses 4 premiers chefs d'oeuvre étaient-ils aussi vraiment les 4 derniers ? Split et Glass répondent à cette interrogation et aujourd'hui, je suis enfin fier et ravi d'avoir continué de soutenir M. Night Shyamalan partout où on parlait de lui, où on le disait mort.
Avec Split, le cinéaste a créé un twist d'un nouveau genre, un twist qui allait au-delà d'un simple scénario, laissant entrevoir des possibilités cinématographiques magiques. Avec Split, Shyamalan m'a redonné goût à cette magie du cinéma. Comment se fait-il que personne n'y ait jamais pensé avant ? Ou plutôt, comment peut-on avoir assez de génie pour imaginer un twist aussi malin, aussi subtil ?
Avec Glass, Shyamalan crée - et c'est sans doute son désir profond depuis Incassable - un univers à part entière, il crée son propre univers de super-héros, loin de toutes les merdes qu'on nous sort à toutes les sauces depuis des décennies. M. Night Shyamalan vient de montrer avec Glass qu'on peut parfaitement faire des films de super-héros avec subtilité, intelligence, sans prendre les spectateurs pour de gros débiles. Et ça fait un bien fou.
SPLIT
Commençons par Split. Attention, les spoilers commencent.
Split a été l'un de mes grands coups de coeur en 2017. Pour la simple et bonne raison que j'attendais ce film depuis la sortie d'Incassable en 2000, lorsque la rumeur disait que Shyamalan souhaitait réaliser un jour Incassable 2. Mieux que tout, cette suite d'Incassable tant attendue ne s'appelle pas Incassable 2, mais Split. Non seulement le réalisateur a exaucé mon voeu de voir sortir Incassable 2, mais en plus il a intégré cette attente dans le scénario pour en créer un twist redoutable. Car ceux qui qualifient la dernière scène de Split de "petit twist sympathique" n'ont pas l'air de comprendre le génie qui se cache derrière cette idée merveilleuse. Il faut quand même une sacrée imagination et un esprit de finesse avancé pour élaborer un tel plan !
D'autant que, sans ce retournement de situation final, Split était déjà un film de grande qualité. En mettant en avant James McAvoy (j'ai toujours su que cet acteur se révèlerait un jour réellement par son talent), Shyamalan a encore fait ce qu'il avait déjà réalisé en 2000 avec Bruce Willis : faire briller un acteur là où ne l'attendait pas. L'acteur interprète le rôle de Kevin Wendell Crumb avec une justesse impressionnante, passant par toutes les émotions, incarnant différents traits de caractère successivement, jonglant entre les différentes personnalités de son personnage avec facilité. C'en est déconcertant.
De plus, l'ambiance que je qualifierais presque de Chattamesque fait de Split un thriller extrêmement bien mené. Le scénario est superbement ficelé, les scènes sont subtiles et magnifiquement filmées, tant et si bien qu'on ne voit pas se mettre en place les rouages du plan diabolique de Shyamalan : raccrocher tout ça à l'univers d'Incassable. Et pourtant, une fois le film vu et revu, les liens entre les deux univers sont évidents. En ceci, Split est un film diablement réussi, car Shyamalan a réussi un pari très difficile à réaliser. En effet : comment réaliser la suite d'un film sans dire à personne que c'est la suite d'un film ? Shyamalan est un virtuose : il a proposé un film qui pouvait être compris par tous les spectateurs (y compris ceux qui n'avaient jamais vu Incassable), tout en étant la suite d'un autre film vieux de 18 ans. Si ça, ce n'est pas du génie, qu'on vienne m'expliquer ce que c'est.
On ajoute à tout ça des musiques superbes, notamment le thème de Kevin, "Kevin Wendell Crumb", une vraie merveille qui définit à lui seul l'atmosphère de Split : mystérieux, sans espoir, spectaculaire, puissant. Bref, Split est pour moi un chef d'oeuvre à tous niveaux.
GLASS
Et hier, je me dirige donc au cinéma pour découvrir Glass. Je regarde le film, je jubile, je n'arrête pas de penser que Shyamalan est un génie, et qu'il est de retour. Et que vois-je ensuite sur internet ? Des critiques, comme quoi Glass ne répond pas à nos attentes, que pour un film de super-héros, il n'y a pas assez de castagne, que la promesse d'un final explosif n'est pas tenue. MAIS MERDE les critiques cinéma n'ont-ils plus aucun recul, aucune analyse ? Pensiez-vous vraiment que vous alliez voir Glass au cinéma comme vous iriez voir Avengers ? Pensiez-vous qu'après Incassable, où Shyamalan casse tous les codes des films de super héros, vous passeriez un bon moment à voir Philadelphie à feu et à sang, pleine d'explosions ?
N'avez-vous pas compris le lien entre cette trilogie et la réplique prononcée par Samuel L. Jackson : "lorsqu'un super-héros prend vie, son exact opposé arrive également au monde" ? C'est pourtant clair : la trilogie de Shyamalan est l'exacte opposée de toute la sou-soupe qu'on nous sert depuis des années avec Marvel et autres conneries. Le cinéaste fait exprès ne nous mener justement sur des chemins que nous n'aurions pas envisagés dans un film de super héros : de la subtilité, de l'intelligence, de la psychologie, une vraie mythologie qui a désormais été perdue chez les concurrents ! Le final de Glass est par ailleurs magnifique ; alors que nous nous attendions à un final explosif dans le centre ville, avec des super méchants et un super gentil, Shyamalan nous prend à contre-pied en provoquant une bataille finale dans un lieu confiné, sans autre spectateur que celui qui est dans la salle. Car le discours du cinéaste est plus intelligent que ça. Et c'est tant mieux.
Glass est une merveille, alliant avec subtilité Incassable et Split au travers de musiques superbement dosées, faisant une piqûre de rappel nostagique du film que nous avons vu en 2000 par l'intermédiaire de flash-backs bien sentis et bienvenus. Il nous offre également un twist bouleversant sur la fin tragique du père de Kevin, créant à nouveau un lien entre Glass et Incassable avec une scène extrêmement bien foutue. C'est peut-être même la scène qui m'a le plus marqué du film ; lorsque la caméra (avec un fond musical sublime) filme le père de Kévin puis se détourne pour retrouver la scène d'ouverture d'Incassable : du génie à l'état pur, je n'ai pas d'autre mot à la bouche.
Et que dire que ce dénouement ? Alors que les débats flambaient : "la Bête est la plus forte, elle défonce tout le monde", "Mais non c'est David Dunn qui est le plus fort et le plus juste, il va déglinguer les deux autres", ou encore "C'est Elijah qui va venir à bout des 2 autres, car il est intelligent et a un plan bien défini", on se rend compte finalement que personne n'a rien compris à ce qui allait se passer. Et oui, les 3 protagonistes meurent pour une cause plus grande. Fin de l'histoire. La Bête a perdu parce que Kévin a pris la lumière, David a perdu parce qu'il n'a pas su entrevoir le danger, et Mr Glass a gagné parce qu'il a pu exécuter son plan aux yeux du monde entier. Magistral.
Je n'ai rien d'autre à dire. Magistral.
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